Revue de presse

Quand les mots de Charb dérangent... (La Voix du Nord, 25 mars 17)

25 mars 2017

"Drôle de climat autour de la lecture-spectacle du livre posthume du directeur du journal assassiné. Que ce soit par peur ou par opposition à la ligne de « Charlie », à Avignon ou à Lille, elle a été déprogrammée ou pas programmée du tout. Le metteur en scène et la DRH de Charlie tirent « la sonnette d’alarme ».

« Ce n’est pas ma philosophie, ma philosophie c’est d’ouvrir les portes. Mais j’ai craint les débordements, le climat et l’ambiance sont si lourds. Je sais qu’on est un peu complice en agissant de la sorte et ça m’emmerde, mais j’ai préféré annuler ou plutôt reporter. Ce qui est une facilité de vocabulaire, même si qui peut dire quelle sera la situation en septembre ou octobre ? »

Xavier Vandendriessche, président de Lille 2 assume avoir en responsabilité déprogrammé la lecture-spectacle du livre posthume de Charb, Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes, qui devait être donnée ce mardi 21 mars à l’Antre 2, à Lille, une salle qui appartient à l’université. Le spectacle devait être suivi d’un débat auquel devait participer Marika Bret, DRH de Charlie Hebdo et à l’origine de l’assentiment des parents de Charb à la publication de ce texte, trois mois après la tuerie.

« Cela s’inscrit dans un contexte », explique le metteur en scène lillois du spectacle, Gérald Dumont. « Depuis un peu plus d’un an, on la jouait en milieu scolaire et dans les centres sociaux, mais depuis qu’on cherche à la produire dans des salles, on sent que c’est compliqué. »

« Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est Avignon », poursuit Marika Bret. « En collaboration avec l’équipe du journal, un projet est spécifiquement conçu pour le festival 2017 », expliquent M. Bret et G. Dumont dans une lettre ouverte aux élus. Pendant une dizaine de jours, après la lecture (« illustrée » de dessins de Charb), un échange avec des journalistes, des dessinateurs... est prévu. Le tout en cette année de 25e anniversaire du journal. « Le projet a été présenté à plusieurs lieux du festival et a rapidement suscité un vif intérêt. Puis il s’en est suivi un silence assourdissant, et les propos tenus de manière "non officielle" révélaient que la peur d’un potentiel danger expliquait un refus qui n’osait pas se nommer. »

Via ce courrier adressé entre autres à Xavier Bertrand, Martine Aubry (la compagnie est lilloise), Anne Hidalgo ou des grands directeurs de structures théâtrales, Gérald Dumont et Marika Bret veulent « tirer la sonnette d’alarme ». Ils dénoncent une « censure sécuritaire ». Mettent en avant l’utilité sociétale de ce texte « ouvert » et « tolérant ». « Ça manque de courage. Et le courage ce n’est pas ceux qui disent "j’ai pas peur", c’est ceux qui disent "j’ai peur, mais j’y vais quand même" », s’indigne celle qui vit entourée d’officiers de sécurité.

« La parole de Charb,on ne l’entend plus car il a été tué. Si on n’entend plus ses mots, il sera mort deux fois. Ça me rend triste et en colère », poursuit le metteur en scène. Peut-être « plus triste » encore que la Ligue des droits de l’Homme puisse ne pas vouloir soutenir l’expression d’un homme mort à cause de ses idées .

Laurent Decotte

La Ligue des Droits de l’Homme n’est plus « Charlie » ?

Le 2 mai, la maison régionale de l’environnement et des solidarités (MRES) à Lille n’accueillera pas la lecture-spectacle du livre de Charb. « La LDH et le MRAP (qui sont à la MRES) n’ont pas soutenu la tenue d’un tel rendez-vous », indique le directeur de la MRES. « Au MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), il y a un débat au national pas encore tranché donc nous ne pouvions pas nous engager », justifie Louisette Faréniaux du comité lillois. « À la Ligue des droits de l’Homme, les militants craignaient de cautionner au final la ligne politique mise en avant par Charlie depuis Val et dont les prises de position sur la religion musulmane ne correspondent pas à l’idée que nous nous faisons de la laïcité », explique, « gêné », Gérard Minet, secrétaire de la section lilloise de la LDH. L. D."

Lire "Quand les mots de Charb, le rédacteur en chef de Charlie Hebdo tué en 2015, dérangent...".



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