Revue de presse

« Le terrorisme n’est que la partie émergée de l’iceberg politico-religieux islamiste » (R. Fregosi, lefigaro.fr/vox , 22 juin 17)

Renée Fregosi, philosophe et politologue, auteur de "Les nouveaux autoritaires. Justiciers, censeurs et autocrates" (Moment). 22 juin 2017

"Malgré les attentats de Londres et de Paris, les responsables politiques ne lient toujours pas le terrorisme au fondamentalisme islamique. Dans sa tribune, Renée Fregosi prend position et dénonce ce silence qui participe à l’affaiblissement de l’autorité de l’État.

Les attentats se succèdent. Plus ou moins meurtriers, certains spectaculairement ou plus discrètement déjoués, mais leur qualification d’islamiste reste insignifiante. Au lendemain de l’attentat islamiste de Londres le 3 juin dernier, excepté Marine Le pen, le silence des responsables politiques sur la nature de ce « terrorisme » était assourdissant. Seuls Jean-Yves Le Drian en France osa qualifier de « djihadiste » l’attentat terroriste, et Denis McShane en Angleterre (ancien ministre de Tony Blair aujourd’hui marginalisé au sein de son parti), appela sans détour à lutter contre le totalitarisme islamiste. Après les attentats de Charlie, de l’Hypercacher puis du Bataclan, la nécessité de « nommer l’ennemi » avait gagné des partisans dans le monde politique démocratique, mais cette stratégie semble aujourd’hui au point mort, avec notamment l’effacement de Manuel Valls du devant de la scène politique. Or, laisser au Front national la défense de la laïcité et la dénonciation de l’islamisme, c’est faire doublement le jeu du totalitarisme islamiste. Parce que le laïcisme du Front national n’est pas la lutte laïque pour l’émancipation des individus et les principes républicains, et qu’il cache mal sa xénophobie foncière et sa dimension autoritaire.

La guerre au « terrorisme » est certes déclarée, mais en se refusant à le qualifier, à le définir on s’interdit d’en saisir la logique dans sa globalité. S’il s’agissait de terrorisme « en général », de phénomènes de « radicalisation » quelconques, de « violence aveugle », voire de simples actes de « déséquilibrés », des mesures techniques de plus ou moins grande envergure devraient pouvoir en venir à bout. Reconduction de l’État d’urgence, aménagement de l’État de droit, et bricolage des dispositifs individuels de « dé-radicalisation ». Si les attentats étaient le seul produit d’agents extérieurs, les guerres menées contre les groupes islamistes en Afrique et au Moyen-Orient pourraient en venir à bout ou du moins réduire considérablement leur capacité de nuisance. Mais l’ennemi est tout autant à l’extérieur qu’à l’intérieur. En agissant ainsi a posteriori, on ne s’attaque en rien au « vivier » des milliers de « fichés S » ou susceptible de l’être, sans cesse alimenté par de nouvelles recrues pouvant « passer à l’acte » à un moment indéterminable, et nos sociétés continuent à être travaillées par des conflits culturels et civilisationnels destructeurs.

Car le terrorisme n’est que la partie émergée de l’iceberg politico-religieux qui plonge ses racines à la fois dans l’expansion de l’intégrisme musulman à travers le monde, et dans nos sociétés occidentales désarmées face à la question religieuse et déstructurée socialement par les inégalités et les défauts d’intégration d’une immigration non maîtrisée. Que tous les musulmans ne soient pas des terroristes ne signifie pas pour autant que l’islam n’a « rien à voir » avec l’islamisme. La matrice idéologique politico-religieuse se fonde dans la religion musulmane, ses textes sacralisés, ses préceptes de séparation des sexes et de haine des femmes et des homosexuels, ses exhortations aux croyants à se dissocier, jusqu’au meurtre, de leurs « chiens » d’ennemis, les « mécréants », les « impies », les Juifs, les apostats. Et c’est pourquoi il est si facile aux militants islamistes de créer une solidarité entre eux-mêmes et la « communauté » musulmane qu’ils contribuent en grande part à consolider.

Comme le révolutionnaire préconisé par Mao, l’islamiste est « au sein du peuple comme un poisson dans l’eau ». Ainsi se diffuse la doctrine fondamentaliste et le militant islamiste est protégé bien au-delà de son cercle restreint par des liens de solidarité communautaire. « L’amalgame » tant dénoncé entre Arabes, Maghrébins, musulmans et islamistes est conçu par les islamistes eux-mêmes pour souder et s’aliéner ces populations, certes partiellement discriminées, exclues et stigmatisées mais dont la situation objective est amplifiée pour y développer un fort sentiment de victimisation favorable au rejet du cadre national. Il n’est donc pas seulement scandaleux du point de vue intellectuel mais criminel du point de vue politique de refuser d’évaluer et d’analyser pour les combattre, les mentalités entretenues dans les milieux arabo-musulmans et au-delà, comme ont pu le faire récemment certains universitaires à propos des enquêtes de Fondapol/Fondation Jean-Jaurès et celles d’IPSOS/Fondation du judaïsme, sur le racisme et l’antisémitisme. Sont tout aussi scandaleux et inquiétants, la déprogrammation d’une émission comme le documentaire d’Arte sur l’antisémitisme en Europe et les procès intentés dans l’indifférence quasi générale à Georges Bensoussan.

Prôner une « laïcité ouverte » contre les tenants du combat laïque n’a aidé en rien à l’entrée de la religion musulmane dans les cadres de la société laïque française, pas plus que l’option communautariste assumée en Belgique ou en Grande Bretagne n’a permis d’éviter la « radicalisation » musulmane au sein des populations nationales de ces pays. La stratégie de la complaisance à l’égard des idéologues comme Tariq Ramadan et des pratiques dites « traditionnelles » (port du voile, tabous alimentaire, séparation des sexes dans les espaces publics, mariages arrangés…), loin d’apaiser les esprits et la vie collective, renforce l’emprise islamiste et l’antagonisme entre différents groupes sociaux. Le multiculturalisme n’est pas le remède aux pensées de l’orthodoxie, et les accommodements avec les exigences religieuses et communautaristes sont déraisonnables. La revendication à l’autonomie des individus a été dévoyée en droit de choisir y compris sa propre soumission, l’État renonçant à trancher entre des libertés individuelles contradictoires. La « tolérance » de l’intolérable érigée en valeur suprême s’oppose radicalement au principe de la libre-pensée, et affaiblie la République dans son pouvoir d’instaurer et de maintenir un cadre commun. C’est aussi sur ces renoncements persistants que l’islamisme ne cesse de progresser malgré certains reculs sur le terrain militaire.

Certes, les liens tant logistiques qu’idéologiques sont complexes et difficiles à démêler. L’islamisme tire sa force à la fois d’une sociologie de proximité voire de promiscuité (au sein de la famille, du quartier, de la bande, du réseau mafieux) qu’elle va irriguer, et d’une vacuité de sens qu’elle vient combler par sa projection eschatologique. Et pour compliquer la lecture, des oppositions parfois violentes divisent le monde musulman entre sunnites et chiites, mais aussi entre familles sunnites et entre différents intérêts nationaux économiques et géopolitiques, et rivalités historiques ou claniques (ainsi le conflit récent au sein des émirats du Golfe). Mais, des Frères musulmans à la république des mollahs iraniens, du wahhabisme saoudien aux régimes autoritaires d’Algérie ou d’Égypte qui jouent avec la religion comme variable d’ajustement et enjeux tactiques, c’est la même approche communautariste et anti-occidentale qui est à l’œuvre.

Alors, se défiant des calculs irresponsables à courte vue comme des sentiments de culpabilité hors d’âge, les progressistes au pouvoir en France, doivent impérativement sortir de leur déni de la réalité pour mener au fond, le combat contre le totalitarisme islamiste sous toutes ses formes."

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