Revue de presse

"La mort de Nahel et la question de l’identité" (Yana Grinshpun, revuedesdeuxmondes.fr , 13 juil. 23)

Yana Grinshpun, maître de conférence en sciences du langage à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3. 15 juillet 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Lire "La mort de Nahel et la question de l’identité".

"[...] En travaillant sur les discours prosélytes islamiques adressés aux jeunes, et pas seulement « issus de l’immigration », un invariant ressort très clairement : le rapport aux origines, le socle qui construit l’identité musulmane forte dont on attend qu’elle s’oppose à toute autre identité, notamment celle du monde occidental. [...]

L’autorité dont parlent les médias, le gouvernement et l’establishment n’est pas la même que celle à laquelle obéit un grand nombre de jeunes émeutiers. Ce qui n’est pas reconnu, ce n’est pas tant l’autorité parentale que celle de la loi en général. [...]

Dans Islam, phobie et culpabilité, Daniel Sibony démonte les mécanismes du fonctionnement narcissique collectif engendrés par les discours de culpabilité française, qui sont aujourd’hui majoritairement les discours issus de la gauche (politique et médiatique) qui expliquent la révolte par le « racisme » de la police et par le désespoir de la jeunesse « des quartiers ». Cela permet un montage psychologique intéressant. On prend (ou on feint) de prendre sur soi la faute, qui permet d’exonérer de leur responsabilité les personnes concernées. On se déclare la cause des « ennuis » (« nous ne traitons pas bien nos jeunes, nous sommes injustes, nous sommes racistes, nos écoles les discriminent » etc.), c’est à nous de réparer ce qu’ils ont fait. Cette culpabilité imaginaire « est présentée comme le signe d’une exigence éthique supérieure : loin de se “défiler”, il est là, présent, prêt à répondre pour ceux qui n’en ont pas les moyens, prêt à parler à leur place ».

Ce discours, non seulement narcissique, mais condescendant et masochiste en même temps (cela n’est pas contradictoire), préfère endosser cette culpabilité plutôt que de mettre en avant l’idée de la responsabilité. Or, leur dialectique n’est pas la même. La culpabilité, comme l’explique Sibony, induit une faute. Si vous êtes pauvres, c’est de notre faute, si vous n’avez pas réussi votre vie, c’est à cause de nous, de notre accueil insuffisant. Si vous êtes désespérés, c’est que nous ne vous avons pas donné beaucoup d’espoir. Ce curieux raisonnement réduit l’autre aussi au silence. Non pas au silence de la censure, mais au silence de l’irresponsabilité dans laquelle on l’installe confortablement grâce à l’exercice démagogique de l’auto-culpabilisation. Puisque l’establishment dit que tout est de sa faute, il exonère les musulmans d’aller chercher des explications chez eux, dans leur mode de vie, leur mode relationnel, leur rapport aux autres. [...]

On n’a pas le droit de « ricaner » quand on parle du Livre Saint. Point d’humour quand on parle de choses sacrées. Nous sommes dans une logique très différente de la nôtre, où l’on peut rire de tout, de toutes les religions, de tous les dieux et de tous les prophètes, mais depuis les assassinats successifs qui ont eu lieu en Europe, depuis la décapitation de Samuel Paty, on sait bien que la loi française ne protège pas contre celle de la charia qui interdit toute critique de l’islam, surtout aux mécréants. Mais l’on n’en parle pas. On préfère ne pas parler du Texte, du discours que ce Texte ne cesse de transmettre depuis des siècles avec un sens intact de la vindicte. Quand un manifestant cite un verset du Coran qui appelle à la vengeance, avant que les émeutes n’aient commencé, on préfère censurer la vidéo plutôt que de reconnaître le problème. Quand les émeutiers taguent le mémorial de la déportation avec les mots : « On va vous faire une shoah ! » et crient « Morts aux Porcs » et « Mort aux juifs », ils se réfèrent consciemment ou pas à la vindicte du Texte, qui est toujours là, même si le policier qui a tiré n’est pas juif. Mais l’association des forces hostiles au Coran est immédiate dans l’esprit de ces jeunes. [...]

Le problème identitaire, inscrit profondément dans la culture islamique, fait que l’identité de la « meilleure communauté » se sent toujours menacée par d’autres. Le problème est aussi la peur de la part des musulmans, de la perdre. La défense de cette identité passe par la projection sur les autres de formes de rejets (c’est le Coran qui traite mal les juifs et les chrétiens), mais ce sont eux qui sont accusés de ne pas aimer les musulmans. Ce sont les juifs et les chrétiens (Israël et l’Occident, si on traduit ces catégories en « collectif ») que le Texte considère comme les traîtres, qu’il faut combattre ou convertir, et ce sont eux à qui le manque d’amour est reproché.

Et cela marche très bien, d’une part parce que le monde occidental a gardé son âme chrétienne et d’autre part parce que l’idéologie post-moderniste a rendu l’idée de l’appartenance nationale et culturelle carrément « raciste » ou « chauviniste ». Les discours dont j’ai dit qu’ils étaient narcissiques s’inspirent de la solution chrétienne : « on ne les a pas assez aimés, alors ils sont malheureux ». Le problème c’est qu’il n’y a pas de relation saine possible, sans réciprocité. Sinon, on reste dans le schéma actuel d’un couple sadomasochiste où la France jouit de son masochisme et l’islam de sa violence à l’égard des autres, jamais remise en cause et dont on préfère ne pas parler. [...]"


Voir aussi dans la Revue de presse les rubriques Islam, Islamisme,
"Deux camps se font face : les salauds ou les victimes" (Tristane Banon, Franc-tireur, 12 juil. 23), Bassem Asseh : « L’intégration, ce n’est pas seulement le travail ou la sécurité, c’est aussi et d’abord la langue et les principes communs » (Le Monde, 12 juil. 23), K. Daoud : "La France, « bardellisée » ou tiers-mondisée ?" (Le Point, 6 juil. 23), Didier Leschi : "La seule aspiration des émeutiers est de vouloir accéder aux biens matériels" (L’Express, 6 juil. 23), G. Chevrier : "Les extrêmes se répondent dans une forme de radicalisation" (Sud Radio, 10 juil. 23), P. Valentin : « Émeutes : quand les médias anglo-saxons accusent la France de racisme » (Le Figaro, 6 juil. 23), Christophe Guilluy : "Au sujet des quartiers, on pourrait dire que l’extrême gauche s’extrême-droitise" (marianne.net , 1er juil. 23), Georges Bensoussan : « Le déni nourri par le “gauchisme culturel” est largement responsable de la situation » (Le Figaro, 3 juil. 23), Natacha Polony : "Le déshonneur et la guerre" (Marianne, 6 juil. 23), "Quand la « violence légitime » change de camp" (R.-P. Droit, Le Point, 6 juil. 23), Iannis Roder : "Nous payons aujourd’hui une absence générale d’autorité" (lexpress.fr , 4 juil. 23 ; L’Express, 6 juil. 23), "« On brûle les PD, qu’ils crèvent en enfer le Coran » : menacé par les émeutiers, un café LGBT fermé temporairement à Brest" (lefigaro.fr , 2 juil. 23),
dans les Initiatives proches Catherine Kintzler "Susceptibles d’être envahis à tout moment par la barbarie, tous les territoires sont « perdus »" (mezetulle.fr , 5 juil. 23) (note de la rédaction CLR).


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