Gilbert Abergel, président du Comité Laïcité République. Discours d’ouverture. 20 novembre 2023
"Rien ne nous fera oublier la catastrophe des pogroms [...]. Mais rien ne fera de nous, disais-je, des hommes et des femmes indifférents aux sorts des Palestiniens victimes d’une colonisation injustifiable."
C’est toujours avec plaisir que nous vous accueillons pour la cérémonie de remise des prix de la laïcité, aujourd’hui, la 17e édition.
Une cérémonie où domine, généralement, le plaisir des retrouvailles entre militants, le bonheur que nous avons à distinguer quelques-uns des plus ardents d’entre nous.
Cette cérémonie, est aujourd’hui emprunte, nous le ressentons tous, de tristesse et d’abattement. Le 7 octobre dernier, nous parvenait la nouvelle de ce pogrom, et, le 13, presque trois ans, jour pour jour après la décapitation de Samuel Paty, un professeur était de nouveau mis à mort devant son lycée à Arras. Le nom de Dominique Bernard est ainsi venu s’ajouter à la liste trop longue des victimes de l’islamisme.
Cette tristesse, cette révolte sont toujours présentes.
Il est de notre devoir de ne pas nous laisser envahir par l’horreur, et de conserver toute notre lucidité et notre raison pour nous y opposer.
Mais quand même…
Il a fallu environ une vingtaine d’années pour que l’on ouvre les yeux sur ce que fut l’extermination des juifs d’Europe. Vingt ans de déni pour certains, d’impuissance à nommer, de honte, voire de culpabilité pour s’en être sorti pour d’autres.
Et quand ils sont arrivés ces mots, ces récits, ces images, ces films, ces traces, on a entendu de naïfs « Plus jamais ça ! ».
Ce regard enfin porté sur ce nous avions alors identifié comme le « mal absolu » était censé nous protéger contre le retour de cette plongée dans la déshumanisation.
Hélas, nous savons que cette prise de conscience n’a jamais déclenché, ni un renoncement aux massacres, ni un processus d’extinction de l’antisémitisme. Il a toujours été là, prenant les habits proposés par l’air du temps, tantôt d’extrême droite, tantôt d’ultra-gauche, parfois déguisé en soutien au peuple palestinien, parfois à l’appui d’une demande de retour à une France pure. Et, de plus en plus, sans déguisement, avec l’expression la plus triviale de la haine du juif, comme le rappelle DH, lors de manifestations en 2014 où au cri de « Juif casse-toi la France n’est pas à toi », ou encore, plus récemment dans cette rame de métro de la ligne 3, il y a quelques jours, s’exprimait l’antisémitisme le plus exacerbé.
Mais qui s’attendait à le voir resurgir dans sa forme la plus terrifiante, la plus insupportable, celle du pogrom, c’est-à-dire l’assassinat, l’égorgement, la torture, l’élimination sans distinction d’âge d’une population d’enfants, de femmes, d’hommes parce que juifs ?
L’histoire est là pour nous l’enseigner : le pogrom annonce toujours, dans l’intention de ses auteurs, le projet d’éradication définitive, et qui peut douter de ce que, dans l’esprit des assassins du 7 octobre, le travail commencé devra être achevé ? Comment en douter quand ce projet est inscrit dans la charte du Hamas qui nous propose, par ailleurs, une version islamisée du « Protocole des Sages de Sion » dont on connait l’histoire ?
Rien ne nous fera oublier la catastrophe des pogroms de Beeri, et Kfar Aza, de la rave party dans le désert du Neguev. Rien ne nous fera oublier les mises en scènes macabres de ce massacre.
Mais rien non plus, ni personne ne fera de nous, parce que nous nous souvenons de ce que fut la volonté d’extermination des juifs d’Europe, parce que nous avons une perception aigüe de la limite au-delà de laquelle l’humanité est abolie, rien ne fera de nous, disais-je, des hommes et des femmes indifférents aux sorts des Palestiniens victimes d’une colonisation injustifiable au regard du droit international, indifférents au malheur des gazaouis tenus en otage par un mouvement terroriste, n’en déplaise à M. Erdogan et à Mme Obono.
Aucune cause ne peut légitimer l’antisémitisme, cette forme de haine absolue qui exige la destruction de l’Autre différent, et qui tisse sa toile sur tous les continents.
Et ce n’est certainement pas, la nomination d’un iranien à la présidence du forum du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU qui entravera cette dynamique mortifère. Ce conseil qui a dénoncé la France pour avoir prohibé la dissimulation du visage dans l’espace public, entendez le voile intégral.
Au sein de notre République, depuis le 7 octobre, nous ne sommes pas loin du millier d’actes antisémites.
Exprimer la crainte d’une importation de ce conflit, au sein de notre République est donc peine perdue. Le mal est fait. Avec la complicité de cette extrême gauche dupée par le chantage à l’islamophobie ainsi que le soulignait Pierre-André Taguieff cette déclinaison du conflit s’est installée dans les esprits.
Le même Pierre-André Taguieff qui soulignait ce paradoxe : « Plus l’islamisme tue, et plus on dénonce l’islamophobie ».
Ont-ils compris, ces amis d’autrefois, que cet « allahu akbar », quand il est scandé hors de la mosquée, est un cri de guerre, le même que celui qui fut hurlé à l’hyper casher, à l’école Ozara Thora, après la tuerie dans la salle de rédaction de Charlie, lors des terrifiants assassinats de Samuel Paty, de Dominique Bernard, à Beeri et à Kfar Aza, et hélas, dans les rues de Paris ?
Ces amis d’autrefois qui prétendent qu’appliquer la laïcité à l’islam relèverait de l’islamophobie…
Doit-on encore perdre du temps à démontrer que, l’"islamophobie" n’est qu’un leurre, une illusion, une intoxication, comme l’analyse le sociologue Philippe d’Iribane ?
Elisabeth Badinter n’avait-elle pas déclaré qu’« il ne fallait pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe » s’attirant les foudres de feu l’Observatoire de la laïcité qui lui reprocha d’avoir en une seule interview « détruit un travail de trois ans sur la laïcité » ?
Cette supercherie qu’est l’"islamophobie" est pourtant maniée sans vergogne par des femmes et des hommes qui prétendent défendre la République et qui en oublient les principes.
Qu’y a-t-il de républicain dans le comportement d’une députée de gauche qui va emprunter dans la presse anglo-saxonne, par ailleurs bien connue pour son admiration du modèle républicain, les arguments de sa démonstration d’une République islamophobe. Une élue qui s’est encore illustrée en attaquant Caroline Fourest que nous soutenons sans réserve. Caroline Fourest que je veux saluer pour sa constance et qui reçut, ici même, le Prix de la laïcité, Caroline qui a simplement expliqué que le souci d’un traitement médiatique équitable de ce conflit ne devait pas nous rendre amnésiques à ce que l’humanité a produit de plus horrible et qui a fait un retour sidérant lors de cette tragique journée du 7 octobre. Oui la mort d’un enfant en temps de guerre est toujours une tragédie mais se retrancher derrière cette évidence pour ne pas reconnaître le caractère inhumain de l’égorgement, la décapitation d’un enfant parce que juif frise le négationnisme. Cette députée sans doute inaccessible à cet effort de mémoire et de réflexion est allée puiser dans son réservoir d’invectives et de propos faussement scandalisés les éléments d’une plainte déposée auprès de l’Arcom.
Qu’y-a-t-il de républicain dans cette invitation faites au rappeur Médine quand leurs initiateurs font semblant d’oublier que derrière chaque mot d’esprit se cache un message révélateur d’une pulsion qui ne demande qu’à s’exprimer le moment venu. N’allez pas dire que Monsieur Médine n’aime ni les juifs ni les laïques. Non il proteste seulement contre les sionistes et veut « crucifier les laïcards ». Chère Rachel, ta réaction fut exemplaire.
Nous avons eu droit, nous aussi, de la part de ces donneurs de leçons LFI, NPA, à notre flot d’injures : « Islamophobes, fascistes », et j’en passe ! Ils ne sont jamais à court de qualificatifs pour dénoncer ceux qui ne pensent pas comme eux.
Et nous ne cesserons pas, nous, de dénoncer cette tartufferie qui consiste à se dire solidaires de Masha Amini, et adversaires déclarés de la loi de 2004, notamment en réaction à l’interdiction des abayas décidée par le ministre de l’Education nationale.
Face à ces renoncements, il y a, et c’est heureux, une gauche qui résiste, et une droite républicaine qui ne se laisse pas bercer par le chant des sirènes frontistes.
Je le répète : Loin d’être pétrifiés, nous résistons.
Nous nous sommes efforcés, au cours de l’année écoulée, de maintenir en vie le combat des Iraniens et des Iraniennes. Nous avons organisé de nombreuses manifestations grâce à une forte mobilisation de nos CLR régionaux. Je veux les remercier vivement. Ce sont aujourd’hui une douzaine d’implantations régionales, et bientôt davantage qui relaient notre message, qui agissent au quotidien.
Et je veux remercier, en notre nom à tous, ceux qui par leur détermination, souvent en prenant des risques, nous démontrent que la République se défend.
Merci à Annie Sugier, à Frédéric Thiriez qui ont mené le combat qui a conduit à la décision du Conseil d’État renvoyant les « hijabeuses » à leurs ruminations.
Merci à Mme la ministre des Sports, Amélie Oudéa Castéra pour avoir, dans la logique de cet arrêt, rappelé la position intransigeante de notre République.
Merci à Philippe Diallo, président de la Fédération française de football, qui n’a jamais cédé aux pressions communautaristes.
Merci au ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, pour ce rappel au respect de la loi de 2004.
Merci à Marie-Laure Brossier qui, accompagnée de Frédéric Thiriez, a obtenu devant la justice que soit rappelé, à une municipalité de gauche qu’un prêt sans intérêt accordé à une association cultuelle équivaut au financement d’un culte, proscrit par la Loi de Séparation.
Merci au Conseil des Sages de la laïcité
Merci à Iannis Roder, à Jean Pierre Obin, à Médéric Chapitaux, à Florence Bergeaud-Blackler et à nos nombreux amis et militants.
Merci au GODF pour sa constance et sa détermination dans la défense des valeurs de la République.
Merci à l’Observatoire du décolonialisme, et à ses talentueux animateurs.
Merci aux associations réunies au sein du Collectif Laïque National pour leur engagement.
Merci à Charlie. Nous garderons, comme greffée dans nos mémoires le traumatisme et la douleur de leur exécution mais aussi la leçon de leur liberté, de leur liberté d’expression. Un usage toujours présent dans le Charlie d’aujourd’hui. Merci Charlie.
Je salue la présence parmi nous de Mme et M. Charbonnier, parents de notre ami Charb, fidèles à nos rendez-vous.
Merci à Franc-Tireur, à Marianne,
Merci à Sophia Aram, à Anne Rosencher, à Richard Malka, à Rachel Kahn, à Abnousse Shalmani.
Merci à nos lauréats de ce soir. Merci et bravo.
Abnousse est la présidente du jury de cette édition 2023. Son engagement est sans faille. Je veux aussi la remercier pour sa disponibilité, son enthousiasme, sa rigueur. Abnousse est une éditorialiste de talent, mais surtout une amoureuse du siècle des Lumières, de la littérature française, une femme qui sait de quoi elle parle.
Elle a dirigé les travaux du jury. Dirigé est le mot qui convient.
Il ne me reste plus qu’à lui céder la parole et à vous inviter à faire de cette soirée, une soirée d’espoir et de résistance.
Voir aussi le dossier Prix de la Laïcité 2023 dans Prix de la Laïcité,
dans la Revue de presse le dossier Médias : Prix de la Laïcité dans Le CLR dans les médias (note de la rédaction CLR).
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