"Faux amis de la laïcité et idiots utiles" (CLR, Licra, 5 nov. 16)

VIDEO Jacqueline Costa-Lascoux : ouverture du Colloque "Faux amis de la laïcité et idiots utiles"

Directrice de recherche au CNRS, CEVIPOF, Sc. po Paris, auteure de "Le monde arabo-musulman dans les manuels scolaires français" (Unesco). 7 novembre 2016

Merci à toutes et à tous d’être avec nous pour débattre d’un thème dont l’énoncé vous a peut-être intrigué : « Les idiots utiles ». Ne craignez rien, nous n’allons pas dresser un mur des « idiots », mais réfléchir à un phénomène qui a accompagné les totalitarismes du XXe siècle et qui perdure, sous d’autres formes, avec les « faux amis de la laïcité ».

Vous souvenez-vous du film d’Ingmar Bergman, L’œuf du serpent ? Sorti en 1977, il se passe à Berlin dans les années 1920, dans les mêmes décors que le chef d’oeuvre de Fassbinder Berlin Alexander Platz : le chômage, la misère, le désespoir et la mort qui rode, pendant que d’autres font la fête. Bergman a avoué que durant sa vie à Berlin, dans les années 20, il n’a rien vu venir, rien compris. Il a même été séduit par le nazisme à ses débuts.

Combien d’intellectuels et d’artistes ont « fait leur valise » (expression empruntée à Simone de Beauvoir) pour aller à Moscou, Cuba, Pékin, Phnom Penh, Téhéran… ? Ils n’ont rien vu. L’aveuglement et, plus encore, le déni, pour une juste cause : la défense des opprimés. Les idiots utiles sont souvent de bonne foi, mais ils sont sourds et aveugles – nous le sommes tous à un moment où un autre et l’actualité n’est pas si facile à déchiffrer – ; ils ne veulent ni voir ni entendre au nom d’une idéologie, qui leur donne bonne conscience et qui confère un sens invariant aux choses et aux évènements, quels que soient les démentis de la réalité.

Le XXè siècle a vu défiler pléthore d’idiots utiles ignorant les pires massacres. Il paraît que Lénine a utilisé l’expression pour se moquer d’eux – l’expression a été utilisée en plusieurs langues.

Aujourd’hui, en France, les idiots utiles se parent, notamment, de la défense des victimes du racisme anti-musulman ou anti-immigré, l’un et l’autre étant confondu. Ils pourfendent ceux qu’ils qualifient d’islamophobes. Les tenants d’une laïcité « ouverte », « positive », ne voient que de l’intolérance dans la critique des intégrismes. Mais ils ne s’offusquent guère des provocations contre la liberté d’expression ou des atteintes aux personnes, puisque c’est pour la bonne cause : lutter contre la stigmatisation des musulmans… en pratiquant l’amalgame qu’ils reprochent aux autres. Car, précisément, condamner des actes, des pratiques, ne se confond pas avec un jugement global sur une population. Qu’ils cessent ce jeu qui consiste à reprocher aux autres ce qu’ils font eux-mêmes en permanence !

« Les collabos » de l’islamisme, comme les appelle Jacques Julliard [1], sont caparaçonnés dans un politiquement correct inébranlable… même les violences faites aux femmes, l’antisémitisme déclaré, les attentats qui se succèdent ne les font guère sourcillés. Après des dénonciations de principe – reconnaissons leur cela – , ils apportent toujours des correctifs : « Ils l’ont tout de même bien cherché en offensant les croyants. » Les idiots utiles sont tellement persuadés d’être dans le juste et dans le vrai, d’être généreux, qu’ils n’hésitent pas à pratiquer l’insulte, la censure, la menace contre ceux qui osent mettre en cause les intégrismes, c’est-à-dire l’instrumentalisation politique du religieux. Lisez Zineb.

Plusieurs d’entre nous ont été ou sont encore menacés de mort, sans que les faux amis de la laïcité ne les défendent ni même s’indignent. Alors un grand merci aux intervenants d’avoir accepté de parler de ce phénomène qui envahit nos vies et limite nos libertés.

Cette journée n’est pas une nième tribune sur la laïcité, en général, et encore moins une réunion pour invectiver tel ou tel. Nous sommes ici à l’Assemblée nationale, l’institution qui œuvre à l’intérêt général. C’est dans cet esprit que nous voulons analyser un phénomène et en mesurer les conséquences.

Merci au Comité Laïcité République, et à l’ami Patrick Kessel, merci à la Licra, merci à Marianne, d’avoir permis cette rencontre. La laïcité, c’est avant tout le dialogue et la salle prendra part au débat à la fin des interventions, qui devront respecter le temps imparti.

Vous avez la parole !



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