Edito

Les laïques ont perdu une bataille mais ont recommencé à se battre (27 juin 18)

27 juin 2018

Les articles antilaïques du projet de « loi de confiance » confirmés en deuxième lecture à l’Assemblée nationale malgré le beau et digne combat des députés laïques de LREM et d’une infime partie de la gauche.

La loi dite « pour une société de confiance », Loi ESSoC, est passée en deuxième lecture ce mardi 26 juin 2018 à l’Assemblée nationale, au cours d’une séance qui s’est prolongée jusqu’à deux heures du matin. Nous nous concentrerons ici sur ses articles 25 et 38, qui constituent des attaques sévères contre la laïcité et l’égalité de traitement des citoyens.

Dès le 5 décembre 2017, le CLR alertait sur les « cavaliers législatifs », ces chevaux de Troie juridiques, que contenait le projet de loi. Modification de l’article 19 de la Loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 pour permettre aux associations cultuelles des modes de financement jusque-là interdits, autorisation pour ces associations d’accepter des dons de particuliers faits par sms, dans la plus totale opacité, déshabillage au profit exclusif de ces mêmes associations cultuelles de la loi sur la transparence dite « Sapin II », qui oblige les lobbies à se déclarer et à indiquer leurs démarches d’influence auprès des autorités publiques.
Loi "Société de confiance" : le CLR écrit à l’exécutif (CLR, 5 déc. 17)

Des amendements ont limité ces tentatives de faire échapper les associations cultuelles au droit commun, lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, grâce à notre vigilance et au travail de députés laïques et républicains, en particulier du Mouvement radical. Mais en mars 2018, les articles incriminés ont été rétablis lors du passage du projet de loi au Sénat. Le CLR et le Collectif laïque national se sont de nouveau inquiétés de cette manœuvre.
La loi "Société de confiance" remet en cause la Loi de Séparation des Eglises et de l’Etat (Collectif laïque national, 5 av. 18)

Le projet, revenu en seconde lecture à l’Assemblée, pour adoption définitive, a donc été présenté hier, sous sa forme « rétablie » par le Sénat, c’est-à-dire clairement antilaïque.

Dès le jeudi 21 juin, le CLR a pris l’initiative d’alerter l’ensemble des associations laïques sur ces graves manquements à la laïcité, suscitant des messages envoyés par des centaines de citoyens à leurs députés, de nombreux communiqués et déclarations des associations, des articles dans la presse et des interviews radio.

En outre, le CLR s’est mis en relation avec des élus et en particulier, au sein-même du groupe parlementaire LREM, avec des députés laïques et républicains qui n’ont pas voulu se plier à une logique majoritaire qui exigeait qu’ils votent contre leur conscience et contre l’esprit de nos institutions.

Ce travail d’alerte et de sensibilisation des élus a été suffisamment efficace pour que de nombreux représentants de la Nation s’alarment et décident de s’opposer à ces deux articles du projet de loi. Plusieurs amendements similaires ont été déposés pour leur retrait. C’est ainsi, fait assez exceptionnel, que lors du vote des amendements sur l’article 38, l’un des derniers, à deux heures du matin, 180 députés étaient encore présents dans l’hémicycle.

Si – et nous le regrettons – l’article 25 a été assez facilement sauvé par le gouvernement, il n’en a pas été de même de l’article 38, organisant de fait l’opacité du lobbying religieux auprès des autorités et des élus de la République. C’est sur cet article-là que s’est concentrée la bataille. Elle a duré près d’une heure. On a pu voir le Ministre des Finances et le rapporteur, démontrant ainsi à quel point ils étaient sous la pression de lobbies qui selon eux n’existent pas, monopoliser la parole, enchaîner analyses paradoxales et demi-vérités dénoncées par leurs opposants, pesant de toute l’autorité du gouvernement du groupe parlementaire LREM pour que les amendements soient rejetés. Sont venus à leur aide tous les députés « Les Républicains », qui semblaient manifestement « en plein accord » avec LREM et le gouvernement... M. Le Fur, député « Les Républicains » de la 3ème circonscription des Côtes-d’Armor, illustrant le degré d’absurdité auquel sont parvenus les partisans de cet article dans leur défense surréaliste, en est venu à adjurer ses collègues de ne pas voter ces amendements le jour où le Président de la République était à Rome en train de se faire introniser chanoine de Latran, comme si ce vote était une sorte de péché commis contre M. Macron !

Mais on a aussi assisté à la bataille des députés LREM opposés à ces renoncements à la laïcité. Nous remercions en particulier pour leur courage et la clarté de leur parole Mme Stéphanie Kerbarh, députée de la 9ème circonscription de la Seine-Maritime, porteuse de l’amendement de suppression de l’article 38, et Monsieur Jean-Louis Touraine, député de la 3ème circonscription du Rhône, son principal soutien. Nous remercions aussi avec reconnaissance Mme Valérie Rabault, députée de la 1ère circonscription du Tarn-et-Garonne, présidente du Groupe Nouvelle gauche à l’Assemblée nationale, pour la remarquable qualité technique et éthique de ses interventions, si efficaces et convaincantes qu’après chacune d’entre elles, le ministre s’est senti obligé d’intervenir pour « noyer le poisson ».

Malgré le combat mené par ces trois-là et par d’autres, que nous saluons même si nous ne pouvons tous les nommer, les amendements fusionnés de la Nouvelle gauche et des laïques de LREM ont été rejetés, par 87 voix contre 85. 64 députés LREM opposés au texte de l’article 38, étaient présents sur les bancs.

Cette défaite est lourde de conséquence, mais elle est aussi porteuse d’un espoir. En quelques jours, le CLR et d’autres associations ont suffisamment mobilisé pour que le réflexe laïque joue à plein et vienne inquiéter un gouvernement appuyé sur un groupe parlementaire très majoritaire et souvent très « obéissant ». Qu’en serait-il si nous nous donnions les moyens d’un dialogue fructueux, ouvert et positif avec les élus laïques et républicains de tous bords ?

Qu’en serait-il aussi, et nous abordons là la partie la plus grave et la plus attristante de notre questionnement, si la gauche, dont la tradition d’émancipation et de justice sociale est fondée sur la laïcité, avait joué son rôle ? Si le groupe « La France insoumise » au lieu des 4 présents en séance, avait réuni ses 17 membres ? Si le groupe « Nouvelle gauche » au lieu des 5 présents en séance, avait réuni ses 30 membres ? Si le groupe « Gauche démocrate et républicaine » au lieu des 3 présents en séance, avait réuni ses 16 membres ? Mesdames et Messieurs les députés de gauche, où étiez-vous ? Qu’avez-vous laissé faire ? Nous vous poserons longtemps ces questions.

Notre objectif est désormais clair, réunir les laïques, participer à la construction d’une alternative au retour des lobbies religieux riches et incontrôlés, dans notre société de liberté.



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