Revue de presse

"Le Vatican a suspendu ses travaux sur la mafia" (La Croix, 4 juil. 23)

5 juillet 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Enquête Alors que se tient, à partir du 3 juillet à Berlin, une rencontre internationale sur l’action de l’Église face au crime organisé, sous l’égide de la Conférence épiscopale allemande, les travaux du Vatican sur le sujet sont totalement à l’arrêt, selon les informations de La Croix.

Loup Besmond de Senneville (à Rome)

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"L’initiative avait été annoncée avec force. Et elle avait été reprise dans le monde entier. En mai 2021, le Vatican avait révélé avoir créé un groupe de travail sur l’excommunication des mafieux. Une manière de s’attaquer à ce fléau, et en particulier à son volet religieux, puisque les références catholiques demeurent omniprésentes dans ces groupes criminels, qu’il s’agisse du recours à la figure de la Vierge Marie, ou encore des petits autels à la gloire de certains mafieux assassinés, visibles dans certaines villes comme Naples. Et pourtant, ces travaux sont, depuis plusieurs mois, totalement à l’arrêt, a appris La Croix.

La « pause » des travaux du Vatican nourrit les discussions et les interrogations lors du colloque international sur l’Église et la mafia, organisé depuis le lundi 3 juillet, pendant trois jours, par la commission Justice et paix de la Conférence des évêques allemands. Des intervenants – dont des évêques – venus du monde entier doivent ainsi intervenir à Berlin, nourrissant la réflexion sur « l’action de l’Église face au crime organisé ».

Les huit membres du groupe de travail du Vatican – parmi lesquels on trouve notamment le président du tribunal de l’État de la cité du Vatican, Giuseppe Pignatone, mais aussi l’évêque sicilien de Monreale, Mgr Michele Pennisi, et l’ancienne présidente de la commission parlementaire italienne de lutte contre la mafia, Rosy Bindi – avaient pourtant mis au point une série de propositions. Un document final, bouclé en 2021 après une dizaine de réunions tenues entre mai et octobre 2021, n’a jamais pu être remis au pape François. Et ce malgré l’implication de représentants des dicastères pour les textes législatifs et de la doctrine de la foi, ainsi que de deux cardinaux : Peter Turkson, le préfet du dicastère pour le développement humain intégral, et Silvano Tomasi, ancien observateur permanent du Saint-Siège aux Nations unies à Genève.

Parmi les suggestions du groupe pontifical, que d’aucuns jugeaient beaucoup « trop italien », on trouvait des suggestions de modifications doctrinales. Ses membres proposaient aussi de faire évoluer le droit canonique, interne à l’Église catholique, et d’ouvrir la possibilité pour le Vatican d’excommunier certains mafieux. Une mesure forte, qui aurait notamment eu pour effet d’empêcher les obsèques religieuses de membres d’organisations criminelles préalablement exclus de l’institution.

Ensablement

Pourquoi ce document de quatre pages n’a-t-il jamais été remis au pape François ? « L’audience demandée par le groupe de travail n’a jamais été accordée », affirme une source interne. Certaines sources vaticanes font part de « fortes résistances » au sein de la Curie, qui auraient porté à laisser le dossier s’ensabler. « Continuer dans cette voie, ça voulait dire devoir être exemplaire en interne, estime-t-on au sein d’un dicastère. Et donc être prêt à avoir un débat sur les soupçons de corruption au sein même du Vatican. » D’autres pointent aussi une forme de méconnaissance de l’importance du sujet.

Cet arrêt est d’autant plus difficilement compréhensible que les premiers travaux sur le sujet remontent en réalité à 2016. C’est à ce moment-là que le dicastère pour le développement humain intégral, chargé, à Rome, d’un vaste champ allant de l’écologie à l’économie, en passant par les migrations et la réflexion sur le pacifisme, s’était doté d’une cellule étudiant spécifiquement la corruption.

Les services du pape avaient alors lancé une consultation internationale auprès de toutes les conférences épiscopales du monde. Une trentaine d’entre elles avaient nommé des responsables pour coordonner la lutte de l’Église contre la criminalité organisée de leur pays. Ce fut notamment le cas au Brésil, en Colombie, en Italie et aux États-Unis. Et, en 2019, le cardinal Turkson avait publié un livre sur la corruption.

« Ce travail est mort dans le silence le plus complet », déplore une source vaticane. « La personne du dicastère qui s’en occupait est détachée pour trois ans à l’Université pontificale grégorienne », répond-on au dicastère pour le développement humain intégral, où l’on insiste sur le caractère temporaire de l’interruption des travaux : « On verra à son retour pour la poursuite de la recherche. »

« Les mafias gagnent lorsque la peur prend le dessus sur la vie »
Le pape François, aux membres de la direction italienne des enquêtes anti-mafia, le 23 juin 2022 :

« Les mafias gagnent lorsque la peur prend le dessus sur la vie, c’est pourquoi elles s’emparent des esprits et des cœurs, dépouillant de l’intérieur les gens de leur dignité et de leur liberté. Vous qui êtes ici, vous travaillez pour que la peur ne puisse pas gagner : vous êtes donc un soutien au changement, une lueur d’espoir au milieu des ténèbres, un témoignage de liberté. Je vous encourage à poursuivre dans cette voie : soyez forts et apportez l’espoir, surtout parmi les plus faibles. »"


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