Revue de presse

"Le sursaut de la gauche anti-woke" (Le Point, 22 fév. 24)

(Le Point, 22 fév. 24) 26 février 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Chloé Morin, Quand il aura vingt ans, Fayard, 7 février 2024, 320 p., 21,50 €.

Thierry Keller, Quand on n’ose plus rien dire de peur de passer pour un réac, L’Aube, 19 janvier 2024, 19 €.

Pierre Valentin, Comprendre la révolution woke, Gallimard, coll. Le Débat, 12 oct. 2023, 224 p., 17 €.

"Longtemps inaudible, la gauche universaliste sonne la charge contre la mouvance woke. Suffisant pour retrouver la confiance des Français ?

Par Kévin Badeau et Samuel Dufay

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Lire "Le sursaut de la gauche anti-woke".

[...] Pour mémoire, cette idéologie importée des États-Unis fédère des militants radicaux qui se disent « éveillés » aux discriminations dont les « minorités » (femmes, non-Blancs, musulmans, trans, homo…) seraient les victimes.

Leurs cibles ? Les systèmes d’oppression supposés ou réels, comme le « patriarcat », le « néocolonialisme » et le « racisme systémique », qu’ils combattent par la censure et la négation de la science, sous couvert de bons sentiments. Cette idéologie polémique, dont les principaux intéressés refusent de porter l’étiquette, fracture le camp progressiste : la gauche traditionnelle lui reproche d’enfermer les individus dans des identités assignées, à rebours de ses idéaux émancipateurs.

Une réaction, mais pourquoi maintenant ? L’essayiste conservateur Pierre Valentin remarque un « sursaut » depuis le 7 octobre 2023, date de l’attaque du Hamas contre Israël. « Une partie de la gauche “à l’ancienne” a enfin pris conscience de l’ampleur et de la radicalité du phénomène », décrypte l’auteur de Comprendre la révolution woke (Gallimard, 2023). Après ce pogrom, Olivier Faure, secrétaire général du PS, a hésité à rompre avec la Nupes, l’alliance de gauche qu’il forme notamment avec La France insoumise (LFI). Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, sensible aux idées woke, étant le seul de toute la classe politique à ne pas condamner ces attaques pour ce qu’elles sont – terroristes –, considérant plutôt le Hamas comme une organisation en lutte contre l’« oppresseur » israélien. « Plus qu’un réveil, je constate une libération de la parole », nuance Xavier-Laurent Salvador, cofondateur de l’Observatoire du décolonialisme.

D’autres n’ont pas attendu le déclic pour combattre le wokisme. Au sein de la rédaction de Charlie, évidemment, mais aussi chez Franc-Tireur. Caroline Fourest, sa directrice, est même pionnière dans l’anti-wokisme de gauche en France. [...]

À quelques exceptions près – Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Fabien Roussel –, cette « libération » s’arrête bien souvent aux portes de l’arène politique. Ni Raphaël Glucksmann, candidat du PS aux élections européennes, ni François Ruffin n’ont répondu aux sollicitations du Point. Désintérêt pour des débats subalternes ou crainte de s’aliéner des électeurs potentiels ?

En juin dernier, le député LFI de la Somme a déclaré, au nom de « l’apaisement et de la stabilité », qu’une éventuelle loi sur le changement de genre et la gestation pour autrui ne devait pas figurer « au cœur du projet politique » de la Nupes. Blâmé dans son propre camp, il a ensuite fait machine arrière et affirmé qu’il devait « progresser » sur ces questions.

« Beaucoup de responsables de gauche ne sont pas au clair sur ces sujets, ils sont gênés », déplore Chloé Morin. Au point, pour certains, de tenir un double discours. « En privé, François Hollande critique le wokisme, mais en public c’est une autre histoire », souffle un commentateur politique. Comme si la fracture ouverte lors de la primaire de 2016 entre deux gauches « irréconciliables », celles de Benoît Hamon et de Manuel Valls, n’avait jamais été comblée.

La confrontation apparaît aujourd’hui aussi vive que stérile. [...]

Les électeurs ont peut-être déjà tranché. « Plus les idées woke sont puissantes, moins la gauche dans son ensemble rassemble d’électeurs », observe le politologue Philippe Raynaud. La preuve : « Avant 2017, les partis de gauche récoltaient en général plus de 40 % des suffrages. Aujourd’hui, c’est plutôt 20 à 25 % », calcule-t-il. La ligne de Manuel Valls, dont une partie des soutiens ont trouvé refuge chez Macron, aurait-elle été plus pertinente ? [...]"


Voir aussi dans la Revue de presse les dossiers "Wokisme", Gauche, Guerre Hamas-Israël (2023-24) (note de la rédaction CLR).


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