Revue de presse

"Laïcité « dévoyée » : l’ex-CCIF invité par Sud Éducation pour faire la leçon aux professeurs" (charliehebdo.fr , 21 nov. 23)

21 novembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Ils sont de retour. Dissous en 2020 dans le sillage de la décapitation de Samuel Paty, puis ressuscité en Belgique dans la foulée, le Collectif contre l’islamophobie en Europe dispense pourtant bien des stages sur la laïcité aux professeurs français. « Charlie » s’est invité à l’un d’eux, à Angoulême. Reportage.

Yovan Simovic

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[...] La trentaine de participants est d’abord invitée à réagir à une campagne nationale de promotion de la laïcité à l’école, lancée par le ministère de l’Éducation nationale en 2021. Intitulée « C’est ça la laïcité », elle avait créé la polémique à sa sortie. On y voit des gamins de différentes couleurs de peau et avec des prénoms à consonances plus ou moins étrangères. Selon cette campagne, la laïcité permettrait « à Sacha et Neissa d’être dans le même bain », à « Imrane, Axelle et Ismail » de « penser par eux-mêmes » ou encore de « donner le même enseignement à Romane, Elyjah et Alex quelles que soient leurs croyances ».

Certes, la campagne enfile les poncifs, mais pour certains professeurs réunis ce matin-là, le diagnostic est bien pire : elle est « xénophobe », « raciste » et rappelle notre « héritage colonial ». Bref, rien de moins qu’« une affiche de propagande ». Après avoir vérifié que l’indignation antiraciste avait bien fait frémir la salle, Aïcha Bounaga, chercheuse en sociologie et membre du CCIE, entame, agile, sa présentation. L’école « plurielle » perpétue une « forme d’ethnicisation » et les professeurs de la République qui constituent ce jour-là son auditoire sont bien évidemment incapables d’être « indifférents à la différence » – laïcité ou non. [...]

Mais à mesure que la présentation du CCIE délie les langues, on se rend compte combien les religions ont bel et bien fait leur retour à l’école. À en croire ce prof d’EPS, certaines élèves musulmanes évoquent l’islam pour demander à être dispensées de cours de natation. Réaction du CCIE  ? Bien sûr, elles ne « peuvent pas refuser d’y participer en raison de leur croyance ». Mais la nuance n’est jamais loin : « Pourquoi ne les écoute-t-on pas  ? » Peut-être, justement, en raison du principe… de laïcité. Mais Mariem Sabil a une autre solution : les laisser porter un « vêtement couvrant ». Ne dites pas « burkini », car l’intervenante « n’aime pas beaucoup » ce terme. Il ne s’agit que d’ « d’un maillot développé en Australie ». Factuellement vrai. [...]

Jusqu’où iront ces petites stratégies militantes  ? Une professeure des écoles s’interroge : « Si un élève, un professeur ou autre, ne respecte pas le principe de neutralité, qui doit lui dire  ? » Première réponse : « Vous pouvez le faire vous-même, mais je comprends que ce soit violent, sinon vous pouvez demander au chef d’établissement. » Puis, immanquablement : « Vous pouvez aussi ne rien dire ». Le tout, sourire aux lèvres.

Le Collectif contre l’islamophobie en Europe, une association initialement dissoute en France pour ses liens avec l’islam politique donc, invite tranquillement les professeurs qui assistent à ses conférences à déroger aux principes de l’école publique. Pourquoi s’en priveraient-ils  ? Après tout, parmi les plus jeunes professeurs présents ce jour-là, la plupart estime que la laïcité « pose problème car elle amène de la colère et de la violence entre les communautés ». Il n’y a guère plus que les plus âgés qui se rappellent que « les années quatre-vingt ont signé un retour du religieux dans la société ». Un retour en force qui leur « fait peur » et qui fait de la laïcité un principe « important » qui « protège la liberté de croire ou de ne pas croire ». Des arguments surannés.

Car avant les années 1980, expliquent les intervenantes du CCIE, la France a galvanisé la différence des cultures et des origines ethniques des élèves. Une attitude jugée « paternaliste ». Mais depuis l’affaire du voile de Creil en 1989 et la loi de 2004 dont elle a accouchée, la République s’est mise à vouloir « contrôler l’expression religieuse des jeunes musulmans ». Et de signer ainsi la « genèse de la construction du « problème » musulman ». Pile je gagne, face tu perds.

Pire : depuis 2015 et les lois antiterroristes, « on ne tend plus la main aux jeunes, on rentre dans une sphère uniquement répressive. » Un magma idéologique où la laïcité, la neutralité de l’école et la lutte contre le terrorisme islamiste, qui a fait 266 morts depuis 2014, se fondent dans une même bouillie argumentative. Les intervenantes concluent le chapitre tout en finesse : « On voudrait faire croire que la laïcité c’est « être heureux et avoir des amis », alors que c’est dire aux jeunes musulmans qu’ils sont des terroristes en puissance. » [...]"


Voir aussi dans la Revue de presse les dossiers Atteintes à la laïcité à l’école publique, Ecole : programmes, dans Ecole, Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) (note de la rédaction CLR).


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