Comité Laïcité République Marne

Jean-Paul Angers (CLR Marne) : « C’est le symbole majeur de notre République, notre école laïque et républicaine, qui a été meurtri » (CLR Marne, 16 oct. 23)

Hommage à Samuel Paty à Reims : discours de Jean-Paul Angers, président du CLR Marne. 21 octobre 2023

Discours du Comité Laïcité République Marne, prononcé par son Président Jean-Paul Angers, le 16 octobre 2023, lors de l’hommage au Professeur Samuel Paty à Reims, Place d’Erlon

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Mesdames, Messieurs,

L’hommage que nous rendrons dans quelques instants à Samuel PATY sera le premier évènement organisé par le Comité Laïcité République Marne. Cette association, constituée cet été, est une déclinaison locale du Comité Laïcité République national.

Samuel Paty était professeur d’histoire-géographie au collège des Aulnes à Conflans-Sainte-Honorine. Le 16 octobre 2020, il y a 3 ans jour pour jour, Samuel Paty trouvait sur son chemin un fou de dieu, excité par la vindicte islamiste, qui l’égorgea et le décapita. Par cet acte d’une insoutenable barbarie, des forces obscurantistes, ennemies de notre République, des Lumières et de l’émancipation, se sont attaquées à notre pays et son creuset, l’Ecole.

Samuel Paty était un professeur courageux qui enseignait à ses élèves depuis des années le concept de liberté de conscience et de liberté d’expression. Il utilisa, entre autres, pour ce faire, des caricatures publiées par Charlie. Des parents fanatiques le dénoncèrent sur les réseaux sociaux, pour aboutir à cet acte d’une insoutenable barbarie.

Lors de l’hommage national rendu quelques jours après cet assassinat, lecture fut faite de deux lettres, la première celle de Jean Jaurès aux instituteurs et institutrices en 1888, la deuxième celle d’Albert Camus à son instituteur, après l’obtention du prix Nobel de littérature en 1957. Je vous invite à en refaire la lecture complète. L’une et l’autre de ces lettres nous ramènent à nos parcours individuels où nous avons nécessairement rencontré des enseignants investis à la façon de Samuel Paty. Le premier auteur nous rappelait que ces enseignants « tenaient en mains l’intelligence et l’âme des enfants », que « les enfants devaient se représenter à grands traits l’espèce humaine pour en dompter les brutalités de la nature et de l’instinct », alors que le second concluait que « sans la main tendue au petit enfant pauvre que j’étais, rien de mon parcours ne serait arrivé ».

Bien sûr, trois ans après cette tragédie, nos pensées vont prioritairement vers la famille de Samuel Paty, son épouse, ses enfants, ses parents. Mais, citoyens ardents défenseurs de notre République, au-delà de nos nuances partisanes, nous n’oublierons jamais que c’est le symbole majeur de cette République, notre école laïque et républicaine, qui a été meurtri.

Cette école laïque et républicaine, qui a été source d’ascenseur social et humain, parfois pour nous-mêmes, pour nos parents, grands-parents, arrière-grands-parents, nous la défendrons corps et biens. De trop nombreux enseignants avouent, sous couvert d’anonymat, être amenés à s’autocensurer dès lors qu’il est question de liberté de conscience, liberté d’expression, évocation du fait religieux. Sans m’étendre sur des tentatives de déstabilisation diverses et variées, cela illustre bien l’ampleur du chemin restant à parcourir pour un retour à la « normale ».

Un prix Samuel Paty, porté par l’association des professeurs d’histoire et de géographie, a été créé en 2021. La troisième édition, destinée aux élèves du cycle 3 de l’école élémentaire (CM1 et CM2), des classes des collèges, des classes des lycées généraux et technologiques, et des lycées professionnels porte sur le thème « La Laïcité à l’École : un principe pour se respecter ? » Nous invitons, établissements et enseignants à y participer.

Nous, commun des citoyens ou modestement engagé au sein de notre Comité Laïcité République régional, pensons que militer pour le principe intangible de laïcité demeure une façon vertueuse d’honorer la mémoire de Samuel Paty. Notre Laïcité, celle issue de la loi de 1905, n’a aucunement besoin d’être adjectivée. Les règles sont simples :
1. Liberté absolue de conscience (à chaque individu, par sa recherche, son étude, sa connaissance de se forger son opinion, y compris dans le domaine spirituel), chacun est libre de croire ou de ne pas croire,
2. Equité de traitement entre les religions (il ne saurait être question de hiérarchiser les religions entre elles),
3. Neutralité de l’Etat vis-à-vis de la religion (même si le paysage spirituel a changé depuis la fin du XIXe siècle, rappelons la citation de Victor Hugo « L’église chez elle, l’Etat chez lui »). Cette neutralité revêt un caractère essentiel au sein de l’école de la République.

Enfin, rendre hommage à Samuel Paty, c’est rappeler notre aversion et notre répugnance face au terrorisme religieux. Nous devons donc combattre les fanatismes, les intégrismes, l’intolérance et l’irrespect. L’actualité du Proche-Orient nous interpelle. Le Comité Laïcité République Marne condamne le terrorisme du Hamas ourdi par les obscurantistes et fanatiques. Tout comme nous dénonçons les théocraties. En cela, permettez-moi une pensée particulière pour Narges Mohammadi, Prix Nobel de la Paix 2023 et incarcérée dans la prison des mollahs iraniens, ou encore pour Masha Amini, battue à mort pour un voile "mal ajusté". Nous savons donc faire la différence entre théocratie et démocratie même imparfaite. Il convient sans cesse de rappeler à nos élus, mais aussi à notre diplomatie, les principes intangibles de notre République et de les porter de façon universelle.

Vois, Samuel Paty, ta mort nous peine mais elle nous oblige.

Voilà, notre propos initial, rédigé avant ce vendredi 13, s’arrêtait là. Nous avons décidé de ne pas en changer une virgule. Notre peine et notre chagrin sont immenses. Mais peine et chagrin ne peuvent pas se cumuler à l’infini et il faut veiller à ce que la mémoire de chacun ne soit pas oubliée.

La nouvelle tragédie, vous la connaissez. Dominique Bernard, professeur de français au Lycée Gambetta d’Arras, est tombé sous les coups d’un nouveau barbare, égorgé par un illuminé radicalisé. Son courage a certainement contribué à préserver d’autres vies. Il était agrégé de lettres, féru de littérature et de culture, très apprécié de ses élèves et collègues. Nous pensons aux siens. Jean Zay, ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, assassiné plus tard par la Milice, disait : « Les écoles doivent rester l‘asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas ».

Encore une fois, le tueur et ses complices ont placé leur dogme théocratique au-dessus des lois de la République et de la démocratie, en piétinant ce qui nous est le plus cher, la vie de nos concitoyens. Un journaliste m’interrogeait : « N’est-il pas trop tard pour réagir ? ». Nous savons l’effort incommensurable que nous exigeons de ceux qui sont en première ligne, enseignants et communauté éducative, mais aussi les forces de l’ordre, dont je salue la présence ce soir, et meurtries en leur temps par les crimes liés à Charlie ou encore l’assassinat du gendarme Beltrame.

Il en va de notre culture. La Laïcité est fille de notre histoire multiséculaire jalonnée de conflits religieux, apaisés par la volonté des hommes. Notre République, depuis son avènement, a permis à des milliers, des millions de gens venus d’ailleurs, de s’intégrer et devenir citoyens à part entière par le respect de nos règles. Notre Etat de droit ne doit pas être en état de faiblesse. Nous en appelons à tous, en particulier aux élus de l’arc républicain, mais aussi au pouvoir judiciaire, de veiller à ce que les fanatisés, radicalisés, islamistes ennemis de notre République soient empêchés de nuire.

Nous allons observer, avant dislocation, un instant de recueillement à la mémoire de Samuel et à la mémoire de Dominique.



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