Revue de presse

"Israël-Palestine : la France est-elle totalement communautarisée ?" (Marianne, 2 nov. 23)

(Marianne, 2 nov. 23) 28 décembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"L’attaque du Hamas, le 7 octobre, et la riposte israélienne ont une nouvelle fois mis au jour la progression du communautarisme en France. De l’école au monde du sport, en passant par celui de l’entreprise, l’attachement identitaire grignote chaque jour un peu plus de terrain sur l’idéal républicain. Jusqu’au point de non-retour ?

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Lire "Importation du conflit israélo-palestinien : la France est-elle désormais totalement communautarisée ?"

[...] Le malaise est encore plus profond. Il réside dans la dichotomie entre la conception que se font les Français de leur nation et les comportements révélés par ce qui se passe entre Gaza et Tel-Aviv, à 4 500 kilomètres de là.

Le temps passe et le rêve universaliste français paraît chaque année plus naïf. Qu’est-ce donc que ce pays qui défend une conception de la nation opposée à toutes les autres (exception faite des États-Unis), proclamant que le sentiment d’unité transcendante qui lie tous ses membres n’a rien à voir avec leur couleur de peau, leur religion, pas même peut-être avec la langue qu’ils parlent ? Ernest Renan, que l’on cite toujours pour sa description de la nation comme un « plébiscite de tous les jours » écrivait aussi qu’elle résidait dans « le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune ». Bien sûr, la projection jacobine d’un citoyen libéré de toute attache communautaire pour participer à la République tient de l’utopie. Mais elle a longtemps constitué un horizon qui ne faisait pas débat. Nous comprenions le réel, mais nous nous projetions vers l’idéal, pour paraphraser Jaurès. [...]

Le propre des sociétés modernes est de substituer des liens impersonnels, fondés sur la confiance envers les institutions sociales telles que le droit ou l’État, aux loyautés plus primitives engendrées par les liens du sang ou la fidélité à un clan. Or ce miracle humain et démocratique est attaqué en plein cœur par la montée d’un tribalisme qui ramène l’Occident des siècles en arrière.

L’enfer communautaire n’est plus une chimère effrayante mais une menace tangible, qui s’apprécie à travers d’innombrables signaux faibles. [...]

On pourrait penser qu’une telle dégénérescence de ce qui a fait la grandeur de la France républicaine produirait une révolte massive. Mais les soldats de l’universalisme sont en voie de disparition. Les enseignants semblent pétrifiés par la peur de subir le même sort funeste que Samuel Paty et Dominique Bernard. Méprisée, mal rémunérée, la plus belle profession du monde n’attire plus. Une nouvelle génération de professeurs, éloignée des idéaux des hussards noirs de la République, émerge. De moins en moins d’entre eux estiment, comme Ferdinand Buisson, l’un des pères fondateurs de l’école laïque, que « les savoirs unissent, les croyances séparent ». L’anticléricalisme des Lumières, qui a projeté les jeunes Français dans la modernité, semble paradoxalement devenu désuet, à l’ère de l’obscurantisme 2.0.

La faillite inouïe de la gauche et de ses intellectuels figure évidemment en bonne place parmi les déserteurs du combat républicain. On manque d’espace et de temps pour détailler ce qui est devenu, au fil d’un honteux racolage clientéliste, un phénomène de grande ampleur : jadis, la gauche était le camp de la raison, de l’émancipation et de la liberté de conscience. Sa faction la plus importante dans les urnes est devenue l’agent actif du communautarisme, dans sa version islamiste. La France insoumise a le mérite d’exposer clairement sa stratégie : mobiliser davantage l’électorat abstentionniste dans les banlieues, clé de l’accession au second tour de la présidentielle selon ses stratèges. Voilà pourquoi ces derniers ne manquent pas une occasion de défendre l’abaya à l’école, de soutenir les émeutes dans les quartiers ou de relativiser les massacres du Hamas. On leur conseillerait volontiers d’écouter la leçon du philosophe polonais Leszek Kolakowski : « L’universalisme culturel se nie, si, pour ne pas tomber dans la tentation de la barbarie, il donne aux autres le droit d’être barbares. »

En conceptualisant la nécessité électorale d’une fuite en avant communautariste, les Insoumis (et leurs épigones universitaires) montrent avant tout la piètre opinion qu’ils se font de ces Français d’origine immigrée, regardés comme de « bons sauvages » à caresser dans le sens du poil. [...]"



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