Edito du Président

Des voeux pour une République plus laïque et plus sociale (3 jan. 14)

par Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République 3 janvier 2014

Signe des temps incertains, 2013 s’est achevée comme elle avait commencé dans la confusion et l’indécence.
Confusion parce que le matraquage de la communication transforme le mouton en loup et le loup en mouton ! Pour un peu, ce serait la laïcité qui serait intolérante et les communautarismes confessionnels qui seraient exemple de paix et d’amour !
Indécence parce que la mémoire des faits s’envole, s’efface, disparait sous les rouleaux de l’évènementiel et du superficiel.

Que de crimes une nouvelle fois commis au nom de la foi, que d’obscurantismes, d’intolérances imposés au nom de dogmes. Les printemps arabes quasi mués en hivers islamistes [1] et la dramatique situation en Syrie ne nous rassurent pas.
L’Occident peut bien essayer d’imposer sa conception de la démocratie, la réalité de terrain est toute autre et il est bien difficile d’y retrouver le camp du bien et celui du mal ! D’autant que s’en mêlent les intérêts des grandes puissances locales et internationales.
Mais les femmes qui se battent en Tunisie pour obtenir que la Constitution leur garantisse l’égalité des droits avec les hommes, les Egyptiennes en première ligne face aux islamistes, les Palestiniennes qui refusent l’intégrisme qui s’impose à Gaza, montrent l’exemple du courage et l’universalisme des valeurs des Lumières : l’égalité des droits et la liberté de conscience.
Mais, tout au long de l’année, le balancier s’est orienté dans le mauvais sens : affrontements meurtriers entre chiites et sunnites, menaces sur les religions minoritaires et les incroyants, fragilisation de la paix dans les petits états de ce Proche-Orient.
Même la Turquie de l’islamiste Erdogan voudrait faire oublier qu’Atatürc avait fait de son pays le premier état laïque du monde musulman ! Et l’armée française a dû intervenir pour empêcher le Mali de tomber entre les mains d’islamistes qui se déchirent par ailleurs entre eux. Comme elle tente en Centrafrique d’empêcher une nouvelle Saint-Barthélémy entre chrétiens et musulmans !
Le retour du religieux en politique s’accompagne non de la fraternisation des peuples mais de la fragilisation de la paix civile et conduit parfois à d’odieuses guerres civiles.

L’Eglise s’est donnée un nouveau pape, un Jésuite, apparemment homme d’intelligence dont les appels à la paix et une intense campagne de communication le présentant comme le « pape des pauvres » ont fait de lui « l’homme de l’année » !
Mais au-delà des mots, les milliers d’actes pédophiles commis par des gens d’église demeurent protégés des poursuites juridiques. Rien de concret pour revenir sur la condamnation de l’homosexualité.
Surtout, les autorités vaticanes ont poursuivi leur mouvement de réinvestissement dans le champ politique. Le vernis « moderne » aura bien vite craquelé lorsque le gouvernement français a déposé une loi aboutissant à reconnaître la liberté du mariage pour les homosexuels et que l’Eglise s’est impliquée dans d’interminables manifestations de rue. Ou encore lorsqu’il s’est agit d’avancer vers le droit à mourir dans la dignité que souhaite une immense majorité de Français. Ou bien lorsque le chef du gouvernement espagnol a annoncé ces derniers jours son projet d’interdire l’IVG outre-Pyrénées et, s’il y parvient, en Europe !
Même sans préambule de la Constitution européenne proclamant les origines chrétiennes de l’Europe, le Vatican continue de se comporter comme s’il assumait la responsabilité morale du continent. 
Les laïques, tel Voltaire, ne se préoccupent pas de la foi et se battraient pour que chacun puisse pratiquer sa religion si quelqu’un tentait de l’en empêcher. Mais ils s’inquiètent du réinvestissement du religieux dans la sphère politique, qui pèse sur les moeurs, les lois éthiques, la recherche en bioéthique, le droit à mourir dans la dignité, le financement des écoles, le contenu des programmes scolaires et même l’interprétation du droit du travail.
Là se situe la limite au-delà de laquelle on passe de la liberté religieuse et d’expression à la remise en question du pacte républicain. Libre aux autorités religieuses d’exprimer leur opinion, mais en s’impliquant de fait avec les revendications communautaristes, le religieux quitte la sphère de la spiritualité pour celui de la politique et fragilise la paix civile.

La France est un pays riche de sa diversité. Peut-être le pays le plus divers d’Europe. C’est sa force, son énergie qui, au fil du temps, croise, métisse, constitue la France de demain. Encore faut-il que celle-ci n’ait pas honte d’elle-même, se respecte, soit fière de ses valeurs et se donne les moyens de les concrétiser toujours mieux. Diverse, la France n’a pas besoin de droits différents pour chaque communauté menaçant de s’affronter demain, mais de plus de laïcité, de plus d’égalité des droits, de plus de solidarité. Osons le mot, de plus en plus de citoyenneté et de fraternité.

2013, de ce point de vue, aura inquiété les laïques, ceux qui entendent que la laïcité s’applique à toutes les religions, à toutes les communautés, et ne soit pas à géométrie variable.
Car il est des politiques et des laïques qui s’affirment laïques essentiellement lorsqu’il s’agit de critiquer les églises chrétiennes mais qui se taisent lorsqu’il s’agit de dénoncer certaines provocations islamistes, comme ce fut le cas à la crèche Baby-Loup, de peur d’être traités d’« islamophobes ». Et ils en viennent à réclamer des adaptations de la loi républicaine en fonction des origines !
Comme il en est d’autres, ceux de l’extrême droite, qui tentent de détourner la laïcité à seule fin de stigmatiser les musulmans alors que l’immense majorité des musulmans de France n’ont d’autre désir que de vivre en citoyens avec et comme tous les autres citoyens.

Le Président de la République, au cours de sa campagne électorale, s’était engagé à replacer la laïcité au coeur de la République. A plusieurs reprises il a confirmé cet objectif. De fait, le mariage pour tous, la révision des lois de bioéthique, la charte de la laïcité à l’école de Vincent Peillon ont concrétisé une certaine volonté de réconcilier une partie de la Gauche avec la laïcité [2].
Mais l’engagement de conforter la loi de séparation des églises et de l’Etat en inscrivant ses principes dans la Constitution s’est trouvé écarté. La loi Carle, votée sous Sarkozy, mettant à parité écoles publiques et privées en matière de financement public, n’a pas été modifiée. Le rapport de la mission Laïcité de feu le HCI formulant des propositions sur l’université a été enterré sans examen tandis que le rapport sur l’intégration suggérant l’autorisation du port des signes religieux à l’école a trouvé place, malencontreusement, sur le site du Premier Ministre ! Et le Conseil d’Etat a remis un avis un peu mi-chèvre, mi-chou sur les accompagnements scolaires, laissant à chaque directeur d’établissement le soin d’établir si un parent portant un signe religieux peut ou non accompagner les élèves.
Voilà le temps de la laïcité à la carte !

2014 pourrait bien marquer un tournant. La décision de la Cour de Cassation sur le dossier Baby-Loup est attendue avec circonspection. Dans un premier temps, le Président s’était déclaré favorable à ce que les mêmes principes s’appliquent à l’école publique et en crèche de type public. L’immense majorité des Français partage cette opinion, qui, à 85 % selon un récent sondage, souhaitent un renforcement de la laïcité.
Une laïcité qui n’est tournée contre personne, contre aucune religion et peut seule permettre un réel vivre ensemble, non pas à côté les uns des autres, avec des droits différents, mais en égaux. C’est permettre à chacun de vivre selon sa conscience mais dans le cadre des mêmes droits et des mêmes devoirs, quelles que soient les origines, les convictions, la couleur de la peau. Dans le respect et la tolérance mutuelle.

Tel est l’enjeu de la laïcité pour l’année qui s’ouvre, année doublement électorale. Le Président de la République, à l’occasion de la présentation de ses voeux, a réaffirmé avec fermeté l’importance qu’il confère à cette clé de voûte de l’édifice républicain et de la paix sociale. Pour concrétiser les paroles en actes, il faudra en convaincre une partie de sa majorité qui, croyant faire bien, flatte le communautarisme et par simple effet mécanique, aboutit à l’inverse de ce qu’elle souhaite. Car communautarisme et extrême-droite se confortent mutuellement.

Le Comité Laïcité République, aux côtés du Collectif des associations laïques, sera engagé dans cette décisive bataille des idées en faveur d’une République plus laïque et plus sociale.

A tous les citoyens qui se reconnaissent dans cette perspective, à vous tous chers amis, le Comité Laïcité République adresse ses voeux les meilleurs, républicains et laïques !

Patrick Kessel
président du Comité Laïcité République


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