Revue de presse

"Des cours de morale à l’école, de Jules Ferry à nos jours…" (lefigaro.fr , 22 av. 13)

22 avril 2013

"« Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger ». « Quand le corps est faible, il commande ; quand il est fort, il obéit ». « L’avare ne possède pas son bien, c’est son bien qui le possède ». « Si vous voulez qu’on dise du bien de vous, n’en dites point de vous-même ». « Puisque la vie est le premier des biens, l’homicide est le plus grands des crimes ». Ou encore, « Pain mal acquis remplit la bouche de gravier »… Quelques sentences et maximes venues tout droit des cours de morale de la fin du XIXe siècle.

Avec l’avènement de la IIIe République et les lois Ferry de 1881 et 1882, la morale devient l’un des piliers de l’enseignement. L’instruction morale et civique revêt à l’époque un sens particulier, puisqu’elle se substitue à l’instruction religieuse. « Le suffrage universel exigeait l’instruction universelle ; mais celle-ci n’est rien si l’éducation morale et civique ne vient pas la féconder », expliquait Léon Bourgeois, parlementaire radical de la IIIe République.

Aussi cette morale irrigue-t-elle l’enseignement, sous forme de dictée, de lectures, de récitation, et de sujets de rédactions. Au programme : devoirs envers sa famille, son instituteur, ses camarades, la patrie et la société. « Dites ce qu’il ne faut pas faire pour être un honnête homme ». « Comment un petit garçon, une petite fille de votre âge peuvent-ils aider leurs parents à la maison ? ». Ou encore « Vous avez vu votre camarade Jules fumer et vous lui faîtes observer qu’il va contracter, bien jeune, un mauvaise habitude. Jules vous répond : « Bah ! Une fois n’est pas coutume ! » Que pensez-vous de cette réponse ? ». Autant de sujets sur lesquels les petits écoliers ont été invités à disserter. Sujets recensés dans un précieux ouvrage publié en 1895 et réédité en 2011 (*).

Entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, alors que s’approche à grand pas la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, la morale laïque prend des allures de religion. Dans son ouvrage intitulé « La Morale laïque contre l’ordre moral », qui l’a amené à étudier 210 cahiers d’écoliers de l’époque, le sociologue Jean Baubérot raconte qu’au nom de cette morale, certains instituteurs n’hésitaient pas à revisiter les fables de La Fontaine : l’un fait intervenir une colombe qui apporte son secours à la cigale...

Largement rétrécie dans les années 1950, limitée à des petites phrases recopiées, la morale en tant que telle sera supprimée des enseignements après 1968. À ce jour, le terme de « morale laïque » ne figure pas au programme de l’Éducation nationale. Celle-ci, dans ses bulletins officiels, parle bien d’« instruction civique et morale », qui constitue « un enseignement à part entière ». Mais cette instruction se résume, en toute prudence, à l’éducation civique, la formation du citoyen.

En août 2011, pourtant, Luc Chatel publie une circulaire relative à « l’instruction morale à l’école ». « Il s’agit de transmettre les principes essentiels de la morale universelle, fondée sur les idées d’humanité et de raison », indique-t-elle, recommandant d’y consacrer « un temps régulier et quotidien », afin d’élaborer progressivement « l’aptitude à distinguer le bien du mal ». Sur le terrain, force est de constater qu’elle a été peu appliquée.

La morale, « laïque » cette fois, fait donc son grand retour avec Vincent Peillon, qui avait annoncé son intention de la remettre au goût du jour dès juillet dernier. Le ministre de l’Éducation présente ce 22 avril les conclusions d’une mission faite de trois experts appelés à réfléchir à ses conditions d’enseignement. Il devrait s’agir davantage d’un enseignement transversal irriguant l’ensemble de la scolarité, du CP à la terminale, que d’un cours dédié.

* Le livre de morale des écoles primaires et des cours d’adultes par Louis Boyer, inspecteur de l’enseignement primaire, officier de l’instruction publique, 1895. Ouvrage réédité en 2011 par les éditions des equateurs."

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