Revue de presse

"Dans ses meetings, Eric Zemmour prêche sa « vraie histoire » de France" (Le Monde, 21 sept. 21)

21 septembre 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Le polémiste nationaliste a lancé sa tournée politique vendredi 17 et samedi 18 septembre, à Toulon et à Nice, sans se déclarer officiellement candidat à l’élection présidentielle.

Ivanne Trippenbach

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Une figurine de Napoléon Bonaparte trône sur la table à dédicace. Eric Zemmour reçoit les cadeaux de ses fans en signant La France n’a pas dit son dernier mot (Rubempré, 352 p., 21,90 euros) et des affiches « Zemmour président », vendredi 17 septembre, au palais des congrès de Toulon. Il fera de même le lendemain, à Nice. Deux étapes, deux « conférences » dans une effervescence propre aux meetings politiques : entrée en scène sous les acclamations, flyers « Je vote Zemmour en 2022 », près de 60 médias accrédités…

Mais lorsque l’essayiste identitaire prend la parole, le silence tombe. A Toulon, quelque 800 admirateurs l’ont écouté religieusement, comme hypnotisés. Eric Zemmour se mesure d’emblée à Napoléon. Il fait défiler le panthéon de ses grands hommes, de Tocqueville à de Gaulle, dans lequel il semble s’installer. Il prend par la main son public en se racontant en Rastignac, entré dans le Quartier latin comme on franchit le mur de Berlin, fier de décrocher une « note magnifique en histoire » à Sciences Po. Et flatte ce public composé de pieds-noirs, qui comprendraient « avant tout le monde » l’avenir d’une France menacée par l’islam.

Le polémiste conçoit son ouvrage Le Suicide français (Albin Michel, 2014) comme « le moment 1789 », dit-il, notre époque comme la Terreur, où plane la « guillotine médiatique et judiciaire ». Son public applaudit la chaîne CNews, hue « les chiens de garde de l’idéologie dominante ». Il défend « l’homme hétérosexuel blanc », vu comme « pire qu’Hitler », et présage qu’une « guerre menée par des minorités finira physiquement ». « Je suis le premier défenseur des femmes. Qui les menace, qui les agresse dans la rue, qui les vole, les viole, les tue parfois ? », ajoute-t-il en désignant immigrés et musulmans. Dans sa « guerre de civilisation », il décrit « des enclaves étrangères » en France, devenues « une concession coloniale » au monde arabo-musulman.

Attirés par son « aura »

« On a déjà fait une heure ? », s’étonne Zemmour, emporté par son emphase à Toulon. Dehors, une poignée de manifestants ont agité des pancartes ; ses sympathisants ont répliqué par une Marseillaise entonnée à pleins poumons, persuadés que leur idole est victime de « caricatures » du « système ». Lui surfe sur cette défiance. « Je sais que vous ne croirez rien de ce qu’on vous dira sur moi », a-t-il lancé à Nice, samedi 18 septembre, très applaudi. Pour dégonfler les controverses, comme celle sur les prénoms étrangers, il joue sur deux ressorts : les médias déformeraient ses propos et la France éternelle serait de son côté. « Je vais vous raconter la vraie histoire de la France et de la République, narre-t-il devant un parterre de militants assis en tailleur, souvent de jeunes identitaires. Imposer des prénoms qui fleurent le terroir français et l’histoire de France, cela a fabriqué des Français pendant deux siècles. »

Tous les participants ne connaissent pas ses thèses, loin de là. Ils se disent attirés par son « aura », sa « culture brillantissime », voient en lui l’occasion de « tout dynamiter ». Qu’importe qu’il ait plusieurs fois été condamné pour « provocation à la haine raciale ». « Zemmour est un passionné d’histoire, il est antisystème et napoléonien. Il y a du bon dans l’Empire », explique Benjamin, 26 ans, veston aux arabesques moirées. L’étudiant en lettres considère, à propos du procès Papon et de la responsabilité de l’Etat dans la Shoah, que « la vérité n’existe pas… Qui est derrière ces études ? ». Zemmour écrit dans son nouveau livre que ce procès est « idéologique », pour dire, avant tout, que « la France est coupable ».

Marie-Hélène, née en 1950, ancienne haut fonctionnaire et catholique, inquiète de « la disparition de la France » qu’elle a aimée, juge « pas faux » le vieil axiome du glaive et du bouclier, selon lequel Pétain aurait protégé les juifs de l’occupant. En 2014, l’auteur du Suicide français soutenait déjà que Pétain avait « sauvé les juifs français » à 95 % en sacrifiant les juifs étrangers. « Zemmour fait le buzz et prétend incarner, à lui seul, la vérité de l’histoire », analyse l’historien Laurent Joly, directeur de recherche du CNRS, qui décortique la politique de Vichy dans L’Etat contre les juifs (Grasset, 2018).

« Néo-révisionnisme agressif »

Mais ce « néo-révisionnisme agressif », selon le chercheur, est surtout « important pour son projet politique » : « Son but est de préparer les esprits à la réaction nationaliste et antimusulmane qu’il appelle de ses vœux, une ficelle gramscienne un peu grosse et cynique. » « On révise tous l’histoire, répond Eric Zemmour au Monde. Vous connaissez la formule de 1984 [le roman de George Orwell] : “Celui qui tient le passé tient l’avenir, celui qui tient le présent tient le passé”. Je le fais exprès, je veux combattre les conceptions de l’histoire que je conteste. »

Ils sont nombreux à le suivre. « Tout est dans sa tête, c’est une leçon d’histoire ! Il nous sort de l’obscurantisme ! », s’émerveille Nicole, pharmacienne à Marseille, fille de pieds-noirs convaincue que « la civilisation musulmane veut remplacer, écraser, étouffer les racines chrétiennes de la France ». « Le grand remplacement, on y est déjà. C’est galopant, chronique », abonde un médecin, 63 ans. Même chez ceux qui n’apprécient pas Zemmour, comme Otis, 21 ans, on entend qu’« il est un peu extrémiste, mais il connaît bien l’histoire de France ».

Comme Donald Trump, Zemmour se pose en « truth teller », diseur de vérité, selon la formule du New York Times. Il moque, dans ses réunions publiques, journalistes et politiques : « Tous pareils ! » Cerné de micros et de caméras, il s’exprime comme un candidat en égratignant Marine Le Pen ou Michel Barnier, et plus largement la classe politique pour sa « méconnaissance de l’histoire de France » – sauf Jean-Luc Mélenchon, avec qui il débattra jeudi 23 septembre sur BFM-TV. Peu disert sur l’économie ou l’environnement, Eric Zemmour a réaffirmé : « L’islam est le plus grand danger. Il nous faut tout faire pour rester en vie. » A Toulon, il projetait : « J’ai des tas de solutions à vous proposer. Je pense pouvoir inoculer au peuple français ma volonté. »

Ses aficionados du Sud-Est, en tout cas, ont vu en lui « un petit bonhomme courageux », « un homme fort », qui « redonne envie de voter » et qui « sait ce qu’il veut ». « Ne soyez pas trop modeste », l’a prié l’arrière-petite-fille de Jacques Bainville, qui s’est présentée avec son exemplaire à dédicacer. Zemmour avait des étoiles plein les yeux ; c’est à l’historien nationaliste de l’Action française qu’il s’était comparé pour déclarer, sur une chaîne YouTube, en juillet, qu’il songeait à « passer à l’action ». Nez à nez avec l’histoire, la sienne, il y a vu un signe « magnifique »."

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Voir aussi dans la Revue de presse la rubrique Eric Zemmour dans Droite (note du CLR).


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