Culture / Théâtre

Ça ira : enthousiasmant (G. Durand)

par Gérard Durand. 7 juin 2019

Ça ira, fin de Louis, de Joël Pommerat, Théâtre de la Porte St Martin (jusqu’au 14 juillet 2019).

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Le spectacle dure 4h30, interrompues par deux courtes pauses de 10mn, mais si cette durée inhabituelle peut surprendre et même inquiéter il se trouve que beaucoup trouvent à la fin qu’une demie heure de plus n’aurait pas été de trop tant il y a encore de choses à dire.

Joël Pommerat, qui figure aujourd’hui parmi les dramaturges et metteurs en scène du paysage théâtral français les plus reconnus, se définit lui-même comme « écrivain de spectacles » et à de très rares exceptions près ne met en scène que ses propres textes et c’est bien le cas ici. Durée hors normes et mise en scène hors normes qui est une grosse production ou plus d’une trentaine d’acteurs et de figurants se partagent la scène et la salle, l’orateur est applaudi ou conspué selon qu’il entraine ou non l’adhésion du peuple.

Il ne s’agit pas ici de représenter tel ou tel épisode de la révolution de 1789, n’attendez pas de Robespierre ni de Danton mais le cheminement d’un pouvoir installé depuis des siècles vers celui du peuple pris au sens large du terme c’est-à-dire l’ensemble de la population y compris les anciennes classes dirigeantes. Le cadre révolutionnaire en est le support mais les similitudes avec la situation politique de la France d’aujourd’hui sont frappantes alors que l’auteur présentant sa pièce pour la première fois en 2016 ne pouvait prévoir les mouvements telluriques du paysage politique survenus à partir de 2017.

Tout commence par une crise financière obligeant le pouvoir à trouver de nouvelles recettes, mais il ne peut les trouver chez un tiers état déjà trop pressuré et doit donc se poser la question des privilèges de la noblesse et du clergé peu enclins à l’accepter. Face à ces obstacles un Roi que l’on va voir hésiter entre fermeté et mollesse au gré de ses humeurs mais surtout isolé de la réalité de son peuple par un entourage qui ne lui laisse voir que peu de choses.

Débats sur la réunion ou pas de états généraux, le roi doit bien s’y résoudre et les districts élisent des délégués qui élisent ensuite les députés qui les représenteront, l’ensemble sans que les trois classes se mélangent comme, un fois élus, les députés se réuniront dans trois assemblées séparées.

La suite est celle du comportement humain dans les périodes de crise, les extrémistes, les modérés, les intérêts de classe qui poussent à collaborer avec le pouvoir, la réaction, les ministres que l’on chasse pour les rappeler ensuite, ceux qui ne se contentent pas des élections et veulent suivre leurs élus en poursuivant leurs réunions, la tentative de récupération du mouvement par la bourgeoisie, les excès parfois sanguinaires des sections etc…

On est à la fois spectateur et presque acteur par la présence de comédiens dans la salle mais jamais passif et l’on en sort enthousiaste. Spectacle à voir, il ne reste plus qu’un mois et demi, réservez car c’est plein tous les soirs.

Gérard Durand


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