Note de lecture

C. Pina : Le silence coupable des politiques face à l’islamisme

par Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République. 6 juillet 2016

Céline Pina, Silence coupable, Ed. Kero, 256 pp., 18.90 €.

Haro sur la classe politique qui a choisi le déni "quand il fallait assumer une parole forte".
Céline Pina ne mâche pas ses mots qui, dans Silence coupable, se livre à une critique musclée des élus, des partis, des syndicats et même de certaines associations laïques, qu’elle accuse d’avoir laissé le champ libre aux tenants de l’obscurantisme islamiste.
Tandis que "la laïcité est combattue à l’école, à l’hôpital, dans les services publics comme dans les entreprises privées", à quelques kilomètres de Paris, "certaines femmes ne vivent plus vraiment en France, ensevelies sous un linceul noir, assignées à résidence communautaire", écrit l’ancienne adjointe au maire de Jouy-le-Moutier (Val d’Oise) et conseillère régionale d’Ile de France.

Face à la multiplication des incidents communautaristes qui, à leur tour, alimentent en réaction la montée de l’extrême-droite, pourquoi les élus semblent-ils frappés de cécité ? "Une telle obstination dans le déni est-elle à mettre au compte de l’aveuglement ou du cynisme ? Ou de l’intérêt bien compris ?", s’interroge l’auteur.

Nombreux exemples à l’appui, Céline Pina s’essaie à démontrer que les tenants de l’islamisme politique ont pour objectif d’opérer une "mainmise sur la communauté musulmane dans les quartiers sensibles". Et pour ce faire, en lien avec le politique, ils procèdent au "noyautage de structures existantes, de dispositifs gouvernementaux et locaux". Ainsi, en Seine Saint-Denis, écrit l’auteur, "le noyautage par les islamistes d’associations (culturelles, sportives..) et de certaines institutions fait qu’il n’est plus possible de garder sa place sans passer sous [leurs] fourches caudines". "Le clientélisme entraîne dans son sillage le noyautage". "Lorsque j’étais adjointe au maire et conseillère régionale, j’ai pu constater les dégâts d’un clientélisme érigé en alpha et omega de la conquête d’un territoire et de sa conservation" poursuit-t-elle.

La politique des "grands frères" avait permis d’acheter la paix sociale, quitte à pactiser avec les caïds. Avec les accommodements raisonnables, une nouvelle étape a été franchie. La pression psychologique est si forte que certains préfèrent parfois fermer les yeux sur des manquements aux principes républicains afin "de ne pas abîmer le lien de confiance entre une association communautariste et les élus". Résultat : "des minorités peuvent désormais donner le ton dans certains quartiers" d’autant que les partis ont parfois choisi de désigner des candidats, non sur leur culture politique mais sur "leur pouvoir d’influence sur leur communautauté". "Les islamistes ne sont grands que parce que nos élites sont à genoux", poursuit-elle dans un réquisitoire implacable.

Quelle mouche a donc piqué les partis, à gauche en particulier, s’interroge Céline Pina ? Certains ont probablement cédé aux "idiots utiles" qui présentent l’islamisme politique comme une expression des "damnés de la terre" et la laïcité comme un discours dominateur, "colonialiste" et "raciste" ! D’autres cèdent aux sirènes électoralistes. Le think thank Terra Nova avait ainsi estimé que le "vote musulman" aurait assuré la victoire de François Hollande, qu’il s’était en quelque sorte substitué au traditionnel vote ouvrier [1]. En conséquence, il convenait de se donner les moyens de le conserver et de séduire ceux qui prétendent parler en leur nom. Comme si les citoyens de culture ou de religion musulmane votaient à l’unisson.

Le résultat n’a pas été probant au vu du résultat des élections régionales en 2015, en Seine-Saint-Denis notamment, laboratoire du clientélisme communautaire, commente l’auteur. Un clientélisme largement répandu puisque les pouvoirs locaux financent largement des associations culturelles, faux-nez d’associations cultuelles.

C’est bien pourquoi le Comité Laïcité République avait plaidé auprès du candidat François Hollande afin que les principes de la loi de séparation (art. 2 de la loi de 1905) soient inscrits dans la Constitution [2]. En donnant valeur constitutionnelle au principe de non financement, on aurait protégé les élus locaux des pressions communautaristes.
On sait ce qu’il advint.

Heureusement, a t-on envie d’ajouter, de plus en plus d’élus prennent la mesure des enjeux et revisitent la laïcité.

Mais ce déni de nombre de politiques répond-il seulement à une logique électoraliste ? Céline Pina en doute qui estime qu’ "à droite comme à gauche, il n’y a plus d’offre politique laïque et républicaine, autrement que de façade". "Le personnel politique n’est plus porteur que de ses ambitions, et non pas acteur d’un idéal collectif", regrette-t-elle.

Mais les politiques ne sont pas les seuls responsables d’une situation qui traduit les reculs de la pensée républicaine ces dernières années. Céline Pina cite ainsi les syndicats, pour le moins embarrassés face aux revendications religieuses dans le monde du travail. Elle égratigne l’Observatoire de la Laïcité qui fait de "la neutralité de l’Etat une forme de paralysie du pouvoir devant les revendications religieuses et le prosélytisme". Elle critique l’Unef, la Ligue de l’Enseignement, la Ligue des Droits de l’Homme qui ont choisi le camp du multiculturalisme plutôt que celui de l’universalisme. Mais si "la France est multiethnique, elle n’est pas multiculturelle", écrit-elle, constatant à regrets que "les différences sont essentialisées" au point de faire passer la Res Publica, "la quête du commun, pour l’expression d’un colonialisme culturel".

Exactement l’inverse de ce que défendait le comte de Clermont-Tonnerre en août 1789 quand il préconisait : « Il faut tout refuser aux juifs comme nation ; il faut tout leur accorder comme individus ; il faut qu’ils soient citoyens ».

Patrick Kessel


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