Culture / Cinéma

Bernadette - Chirac : le patron, c’était la femme (E. Moreau, 17 sept. 23)

(E. Moreau, 17 sept. 23). Par Edouard Moreau 17 septembre 2023

[Les échos "Culture" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Bernadette, de Léa Domenach, Clémence Dargent (scénario), 1 h 32, avec Catherine Deneuve, Denis Podalydes, Michel Vuillermoz, Sara Giraudeau, François Vincentelli, Lionel Abelanski, Laurent Stocker... Sortie le 4 oct. 23.

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Dans l’extraordinaire carrière de Jacques Chirac, son épouse, Bernadette, a toujours occupé un second rôle, voire un emploi de figurant.
Tout a changé quand, sous le premier mandat du président Chirac, le 31 août 1997, Lady Diana meurt à Paris dans un accident la circulation.
Panique dans les hautes sphères : on ne trouve pas le président. Il passerait la nuit avec une star italienne (C. C.).

Après cette énième humiliation, Bernadette Chirac décide de reprendre en main sa propre image.

C’est ce qu’ imagine le long-métrage Bernadette, s’inspirant de la réalité en l’accommodant de fiction (ceci est précisé sans aucune ambiguïté dès le début).

En acceptant d’interpréter Bernadette Chirac, Catherine Deneuve a pris un risque d’image. Elle a eu raison. C’est un chef d’oeuvre de comédie. Tout en nuances, comme on les aime.

Mademoiselle (« de Rochefort ») Deneuve n’est pas tombée dans l’écueil du comique outré. Les compositions de "Bernadette" (et de ses filles) sont tout en retenue et, à l’occasion, ironie.

A contrario, Chirac, ses conseillers et ministres (Villepin, Sarkozy, Bertrand...), sont ici de grands enfants.
Tous ces personnages sont servis par des comédiens exceptionnels, lesquels ont intégré à merveille la manière de se comporter et les tics de leurs modèles. Notamment Sarkozy, à tel point qu’on regrette qu’il n’apparaisse pas plus souvent dans le film.

Il faut souligner les performances - outre bien sûr de Catherine Deneuve - de Michel Vuillermoz, hilarant dans le rôle de Jacques Chirac, de Laurent Stocker (Nicolas Sarkozy), de François Vincentelli (Dominique de Villepin)... Quant à l’acteur qui joue Xavier Bertrand (aujourd’hui président de la Région Hauts-de-France), la personne qui m’accompagnait au cinéma, chtimi (nordiste), m’a lancé "Mais c’est Xavier Bertrand qui joue son propre rôle !"

Un scénario et des comédiens en or, donc. Mais s’ajoute à ces atouts décisifs une maîtrise technique époustouflante : le rythme ne laisse au spectateur aucun répit, grâce à un montage au cordeau et une bande son musicale très ajustée.

Excellente l’idée de ménager des parenthèses chantées (ce qui fait penser à Un air de famille, Klapisch, Jaoui, Bacri, 1996) par une chorale classique, pour (à la place d’une voix off) rappeler le contexte.
Voire verser dans le délire réjouissant : le remake de Dieu m’a donné la foi, d’Ophélie Winter, quand Mme Chirac s’élance en campagne électorale sur les routes de Corrèze...

Certains détails montrent que rien n’a été laissé au hasard. Ainsi parmi les conseillers de Chirac deux sont presque jumeaux et toujours habillés de la même façon. Une manière de suggérer que ces gens sont interchangeables ?
De même, plusieurs passages sont allusifs (ex. Claude Chirac et Frédéric Salat-Baroux).

C’est un de ces (rares) films, très soignés, qu’il faut voir au moins une deuxième fois (avec le même plaisir, voire redoublé), pour en apprécier tout le suc.

Bernadette fait penser, pour son réalisme sur le milieu politique, à l’excellente série télé Baron noir, ou au film L’Exercice de l’Etat (Pierre Schoeller, 2011).

Mais surtout, pour son caractère parodique, à Quai d’Orsay (Bertrand Tavernier, 2013) , tordant grâce notamment aux performances de Thierry Lhermitte (Dominique de Villepin, l’Auguste) et Niels Arestrup (le clown blanc).

Bernadette est encore plus drôle. Et subtil. On est estomaqué par une telle maestria.

Edouard Moreau


Voir aussi dans la rubrique Culture, dans Cinéma, d’autres critiques de films (note de la rédaction CLR).


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