Revue de presse

"Annecy, le - mauvais - rôle des religions" (I. de Gaulmyn, La Croix L’Hebdo, 17 juin 23)

(I. de Gaulmyn, La Croix L’Hebdo, 17 juin 23). Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef à "La Croix". 18 juin 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Annecy, le (mauvais) rôle des religions".

"À force de vouloir évacuer le religieux du débat public, il revient, et à vrai dire, sous un mode un peu nauséabond. Après le drame d’Annecy, toute la palette de la récupération religieuse s’est jouée, de manière souvent indécente. Tout d’abord, l’annonce d’une attaque au couteau par un migrant syrien a immédiatement été suivie de la question désormais habituelle : s’agit-il d’un acte terroriste ? Et donc, par « déduction logique », d’un musulman ? Sauf que le tueur a crié, non pas « Allah Akbar » mais « In the name of Jesus Christ ».

Il n’en fallait pas moins pour que les chaînes d’information en continu mettent le focus sur les « chrétiens d’Orient » de Syrie, comme s’il y avait là une explication à un geste qui reste tout de même largement du domaine de l’inexplicable et invite plus au silence douloureux qu’à l’extrapolation hasardeuse.

Ensuite, il a été révélé qu’un jeune catholique, dénommé Henri, qui fait un tour des sanctuaires de France avec son sac à dos, se trouvait parmi ceux s’étant courageusement interposés. La même machine s’est remise à fonctionner, à l’envers.

Voilà un bon chrétien, ont commencé à bruisser les réseaux sociaux dans le milieu catho, n’hésitant pas à faire du jeune homme leur super-héros aux couleurs de la foi. À l’inverse, dans le quotidien Libération, une chronique de Daniel Schneidermann, plus bête que méchante, a cru bon d’ironiser, et sous le titre « Henri d’Arc, un héros chez Bolloré », de caricaturer le jeune homme, ses convictions religieuses et ses réponses sur CNews, la télévision détenue par Vincent Bolloré. On ne peut s’empêcher de penser que si Henri avait été un musulman de couleur, jamais Libé n’aurait laissé passer cela…

François Bayrou, dans Les Échos, a eu raison de ­dénoncer « la vague d’absurdités » suscitée par l’attaque au couteau d’Annecy, et de renvoyer dos à dos « ceux qui auraient voulu que l’assaillant soit musulman », et ceux qui, après l’intervention du jeune catholique, « voudraient nous entraîner dans le prosélytisme religieux », alors que son geste est d’abord celui « de quelqu’un qui est responsable ­devant les siens, ses frères humains ». On ne saurait mieux dire. Cette tendance, de plus en plus affirmée, à vouloir mettre la confession religieuse en exergue, soit pour encenser, soit pour ostraciser des personnes, est inquiétante. Elle montre comment une forme de communautarisme guette notre pays…

Et pendant ce temps-là, des familles syriennes à Roissy

Au fond, la meilleure réponse à ce drame nous est venue involontairement de l’aéroport de Roissy, le lendemain soir de l’agression. Une délégation d’une association chrétienne, la communauté de Sant’Egidio, accueillait quatre familles de réfugiés… syriens. Ces derniers arrivaient d’un camp de Beyrouth par la procédure dite des « couloirs humanitaires », qui fait venir en France, par avion, des familles dont la situation a été examinée sur place, éligibles à l’asile, avec l’accord des autorités françaises. L’intérêt est justement d’éviter les trajets périlleux en Méditerranée, le passage par des réseaux de mafieux, les maltraitances dont certains ne ressortent pas indemnes…

À Roissy, il y avait donc des bénévoles, mais aussi une représentante du ministère de l’intérieur, qui a souhaité la bienvenue à ces familles, les remerciant même « d’avoir choisi la France ». Personne, alors, ne s’est posé la question de la religion des familles accueillies, ni de qui que ce soit. C’était juste une histoire d’hommes et de femmes, une histoire de solidarité. Et là aussi, comme pour Henri, une histoire de responsabilité : celle de l’association qui va assurer le suivi et l’intégration de ces familles. Celle de l’État, qui a donné son accord. Et enfin celle de ces parents, qui ont pris la lourde décision d’emmener leurs enfants loin de la guerre et de leur pays, pour ce voyage sans retour, tout leur passé se résumant alors, ce vendredi soir, aux 23 kg de bagages autorisés par personne…"


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