Edito

Afghanistan : non au renoncement (19 août 21)

19 août 2021

A ceux qui attendent du nouveau pouvoir taliban la mise en place d’un gouvernement inclusif,
A ceux qui se précipitent pour proposer d’établir avec lui des relations saines et équilibrées, et qui rêvent d’en faire des partenaires respectables,
A tous ces responsables qui, au nom de la realpolitik, mais au prix du renoncement aux valeurs humaines les plus élémentaires, nous invitent à reconnaître les nouveaux maîtres de Kaboul comme les « gagnants »,
A tous ces amnésiques, à tous ces adeptes du renoncement,
Nous rappelons les cris désespérés de ces femmes afghanes qui déclarent aujourd’hui attendre qu’on vienne les mettre à mort, ayant déjà expérimenté la mansuétude de ces adeptes de la charia.
Nous les invitons à se souvenir ce qu’au nom de cette idéologie mortifère, les talibans ont commis comme massacres et tortures, privilégiant les femmes comme victimes.

Le Comité Laïcité République, avait remis, en 2014, le Prix International de la Laïcité à Shoukria Haïdar, professeure d’éducation physique et responsable du comité olympique afghan. Lors de la réception de son prix, elle nous avait rappelé son action pour empêcher toute tentative de reconnaissance du pouvoir des talibans, lorsque ces derniers avaient conquis l’Afghanistan.

« Il était impossible d’accepter le pouvoir des talibans. Pour la première fois dans l’histoire de l’Afghanistan, la totalité des droits des femmes était éradiquée par décrets officiels : le droit de travailler, de se soigner, de sortir de chez elles, de porter des vêtements blancs, l’obligation leur était faite de porter le tchadri. Pour l’ensemble de la population, il était désormais interdit d’écouter de la musique, d’aller au cinéma, les hommes étaient obligés de porter la barbe. C’était inacceptable ! »

A l’époque, trois Etats (l’Arabie Saoudite, le Pakistan et les États Arabes Unis) avaient reconnu l’État taliban.
L’Europe s’apprêtait à suivre. Il fallait absolument empêcher cela. Son action et celle d’autres personnalités et associations afghanes avaient permis d’empêcher une telle reconnaissance.

Il semble qu’aujourd’hui ce soit le chemin inverse qui se profile.

Avec la chute du régime taliban, en 2001, les femmes afghanes avaient repris leur travail, s’étaient fait une place légitime à l’Assemblée nationale et au Sénat, les droits des femmes étaient reconnus. Plus de 3 millions de petites filles pouvaient se rendre à l’école. Dans toutes les universités, et dans toutes les branches du savoir, les filles poursuivaient leurs études. En 2004, une nouvelle Constitution de l’Afghanistan avait été votée ; dans son article 22, était inscrite l’égalité de droits et de devoirs entre les femmes et les hommes d’Afghanistan.

C’est cela qui risque de disparaître par la volonté des nouveaux maîtres, sous le regard indifférent d’un Occident fatigué, replié sur lui-même, las de défendre ses valeurs, et résigné au pire, en habillant ce pire de la lucidité dont devraient faire preuve les gouvernements raisonnables.

Ce renoncement qui s’annonce signe une défaite, une de plus, de l’universalisme. De cet universalisme qui fait de la femme afghane l’égale de toutes les femmes, qu’elles vivent en occident ou ailleurs, avec le droit à disposer de leur existence, avec la liberté de penser, d’agir, de vivre, comme chaque être humain.

La tonalité de quelques discours entendus ça et là fait craindre le pire et le rideau qui ne manquera pas de tomber sur cet Afghanistan mortifère achèvera de nous rendre aveugles au sort de son peuple, notamment de ses femmes.

Nous continuerons, pour notre part, à les rendre visibles, à leur donner la parole, à parler en leurs noms quand elles seront empêchées.

Comité Laïcité République


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