Contribution

Oui, la laïcité est en danger ! (4)

par Edouard Moreau. 26 décembre 2022

En 2012, le président de la République François Hollande installe un Observatoire de la laïcité, à la présidence duquel le pouvoir nomme Jean-Louis Bianco. Lequel n’aura de cesse de proclamer : "La France n’a pas de problème avec sa laïcité" (Le Monde, 26 juin 2013), "Je ne crois pas que la laïcité soit en danger" (publicsenat.fr , 27 novembre 2017), « La laïcité n’est pas menacée » (ladepeche.fr , 13 décembre 2017).

Là est le noeud du désaccord.

Voir la première partie (école), la deuxième partie (élus locaux, liberté de conscience, liberté d’expresson...), la troisième partie (femmes).

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Depuis quelques années, l’offensive obscurantiste affiche de nouvelles ambitions, dépassant les « sphères de sens (école, administration, équipement public, parlement, tribunal) », pour reprendre la typologie de Caroline Fourest (C. Fourest, La dernière utopie, Menaces sur l’universalisme, Grasset, 2009), et se généralisant aux sphères « de la liberté réglementée (rue), de la liberté maximale (domicile), de la contrainte (hôpital, prison), de l’intérêt mutuel (entreprise), de l’accommodement (commerce, relation client-prestataire) ».

Dans le monde du travail, des musulmans subissent la pression de coreligionnaires extrémistes.

Des hommes refusent de serrer la main, voire de saluer, leurs collègues femmes.

Commençons par le service public. Les fonctionnaires ne peuvent porter de signes religieux, demander un lieu de prière, car il leur est interdit d’afficher leurs convictions religieuses, politiques et philosophiques. Pourtant, en juin 2019, le rapport de la mission d’information parlementaire sur les services publics face à la radicalisation évoque des agents priant sur leur lieu de travail ou refusant de serrer la main d’une femme ("Les services publics face à la radicalisation" : rapport de la mission d’information parlementaire, Assemblée nationale, 27 juin 19 ; "Les services publics face aux islamistes", Le Point, 20 juin 19). 

Dans la sphère de la justice, « les prisons françaises, où plus de la moitié des détenus seraient musulmans, constituent un terreau de recrutement pour les fondamentalistes. Dans certains établissements, il existe désormais une hiérarchie parallèle à l’administration qui impose ses propres règles » (Christophe Marquès, secrétaire général de FO pénitentiaire, "Les faux imams, rois des prisons", Le Point, 1er nov. 12). Des surveillants de l’administration pénitentiaire sont inscrits au « fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste ».
La protection judiciaire de la jeunesse est « en proie au séparatisme religieux » (lefigaro.fr , 5 juil. 21). « Un rapport de l’inspection générale de la justice clôturé en janvier 2021, mais seulement transmis aux juridictions le 21 juin dernier, tire un bilan catastrophique de la situation dans les structures d’accueil pour mineurs, comme les foyers et les centres éducatifs fermés ». En centres éducatifs fermés (CEF), « des éducateurs déclarent que tout le monde mange halal, car pour les non-musulmans ça ne change rien », « des éducateurs réveillent les jeunes pour le jeûne pendant la période de ramadan et rompent le jeûne avec les mineurs » ; « un éducateur rapporte qu’un collègue refuse d’aller à la piscine par peur que de l’eau ne rentre par la bouche en période de ramadan », tandis que certains « refusent de serrer la main de leurs collègues féminines ». 
Toujours en justice, des avocates réclament de pouvoir plaider avec le foulard islamique.

A l’hôpital, le radicalisme religieux est « en augmentation lente mais constante ces 30 dernières années » (lefigaro.fr , 4 mars 22). Patrick Pelloux, le président de l’Association des médecins urgentistes de France, a remis le 3 mars 2022 au gouvernement un rapport sur la prévention et la lutte contre la radicalisation des agents exerçant au sein des établissements de santé. « La première expression de ces radicalisations dans le personnel hospitalier, extérieur ou chez les aumôniers, c’est le sexisme et l’homophobie, avant l’antisémitisme, qui n’est jamais très loin derrière. Ce genre de problèmes conduit des médecins à refuser de soigner ou d’utiliser certaines techniques, un phénomène heureusement encore très marginal. On a notamment eu le cas d’un médecin qui a refusé de faire une transplantation d’organe car c’était haram. Autre exemple : le cas d’un étudiant en médecine qui refusait catégoriquement de soigner les femmes, mais qui lui était membre d’un groupe à tendance sectaire sioniste. On sait que certains médecins refusent l’accès à l’avortement en surdatant la grossesse… » (Patrick Pelloux : "On risque de se retrouver avec des gens radicalisés travaillant à l’hôpital", marianne.net , 4 mars 22). L’urgentiste pointe notamment « l’entrée d’associations cultuelles dont le but véritable est du prosélytisme », ainsi que « des remises en cause des actes médicaux et chirurgicaux » et « un sexisme sournois. » « Depuis 2000, un infirmier exerçant dans un service de patients polyhandicapés dans l’est de la France manifeste ses croyances religieuses auprès de son équipe, entraînant la conversion d’un de ses collègues, et aurait tenu des propos antisémites. » « Autres cas relevés, "la discrimination par certains soignants du patient en fonction de son sexe. Des maris qui refusent que leur femme soit soignée par un homme", précise le rapport ».
« La médecine libérale n’est pas épargnée, signale l’urgentiste, citant le Conseil de l’ordre des médecins qui se dit inquiet de la montée en puissance d’une médecine communautarisée, « où les musulmans consultent uniquement des musulmans » (lefigaro.fr , 4 mars 22). En 2020 un collectif soi-disant anti-raciste a mis en ligne des annuaires de soignants "racisés". 

Dans les transports, on constate, par exemple à la RATP des « refus de serrer la main d’une femme, de prendre le volant après une conductrice », des « autobus immobilisés pendant que les conducteurs font leur prière » (Denis Maillard, Quand la religion s’invite dans l’entreprise, Fayard), « la multiplication des prières sur le lieu de travail, le refus de serrer la main d’une femme ou pour un homme de prendre un bus conduit par une collègue, voire de conduire avec des gants pour certains chauffeurs pour ne pas toucher quoi que ce soit qui l’ait été par une femme. » (G. Chevrier : Radicalisation dans les services publics, "des constats qui n’autorisent plus de dire « on ne savait pas »", atlantico.fr , 27 juin 19).
A Aéroports de Paris (ADP), des salariés suivis pour radicalisation peuvent toujours accéder aux zones réservées ("Radicalisation dans les aéroports : des « badges rouges » scrutés mais peu écartés", Le Figaro, 4 fév. 20). Chez Servair, filiale d’Air France spécialisée dans la restauration et la logistique, des manutentionnaires refusent de toucher à des caisses contenant de l’alcool, des salariés dans les bureaux de fret s’opposent aux commandes de vin. Des dérives souvent favorisées par un noyautage des syndicats par des intégristes religieux. En 2011, sous la pression d’un responsable du comité d’entreprise (CE) d’Air France, la viande servie à la cantine du personnel au sol de la compagnie est devenue exclusivement halal ("Air France : quand les islamistes noyautent les syndicats", marianne.net , 7 jan. 16)

Dans les entreprises privées, « depuis des décennies, la montée des revendications religieuses portées par les musulmans les plus radicaux déborde des ateliers, des chaînes de montage des usines ou des chantiers du BTP, où jusque-là ils étaient cantonnés, pour investir les domaines de l’animation, du socioculturel, des transports, des télécoms, de la sécurité, de l’aéroportuaire… » ("Le gros chantier de l’islam dans l’entreprise", Charlie Hebdo, 5 jan. 22)
Chez PSA, des salles de prière sont un des « acquis » des grèves de 1982. « Depuis trente ans, la gestion de l’islam en entreprise est devenue un réflexe chez PSA. Pendant la période du ramadan, les pauses déjeuners sont adaptées aux horaires de la rupture du jeûne. Les musulmans pratiquants ont droit à cinq minutes de plus pour manger, les non-musulmans en profitent pour fumer une cigarette ou boire un café. » ("La religion à la cantine et à la chaîne", liberation.fr , 26 jan. 10)
Selon une note du Service central du renseignement territorial (SCRT) du 5 mars 2014, « si la grande majorité des salariés de confession musulmane se montre discrète dans l’exercice de sa religion, certains, plus rigoristes, développent des comportements communautaristes créant un certain malaise auprès des salariés non pratiquants ». Les policiers mentionnent l’existence de « salles de prières clandestines » dans un « local d’allaitement mis à disposition des mères salariées » d’une multinationale de Belfort ou encore dans les « baraquements Algeco » d’un sous-traitant des transports strasbourgeois. Dans le Haut-Rhin, les salariés d’un équipementier automobile prient dans un ancien réfectoire. Les policiers précisent que les non-pratiquants, « minoritaires, s’agacent et estiment que la religion doit se pratiquer en dehors des zones de travail ». Dans le Territoire de Belfort, c’est un « chauffeur routier (…) régulièrement vêtu d’une tenue traditionnelle » qui a été licencié parce qu’il « tenait des propos extrémistes et refusait de parler au personnel féminin » tandis que, notent les experts du renseignement territorial, des ouvriers d’une usine métallurgique de Saint-Étienne « évitent tout contact tant visuel que physique avec la hiérarchie féminine ». Ils pointent aussi ces salariés lillois d’une société de transport en commun qui forment des « équipes de travail communautaires, avec prises de repas séparés »… Dans une entreprise de téléphonie, « un délégué syndical avait annexé le local de son organisation pour en faire une salle de prière ». « La grande majorité [des dirigeants et des directeurs des ressources humaines] souhaiterait qu’une législation voie le jour pour les entreprises privées. » ("Le communautarisme gagne l’entreprise", Le Figaro, 16 mai 14). 

La mosquée n’est pas le cœur de la radicalisation violente, « qui se fait d’abord par la famille, puis par Internet, puis le sport et les mosquées, presque par ordre décroissant », d’après le préfet de police des Bouches-du-Rhône ("Les services publics face aux islamistes", Le Point, 20 juin 19).

Dans le monde du sport, l’islamisme gagne du terrain. Dans la pratique en amateur : des équipements sont ponctuellement réservés aux femmes, gymnases (Le Raincy, Vigneux...), piscines (Lille, Louvroil, Mantes-la-Jolie, Sarcelles, Trappes...). Des participants sont soumis à diverses pressions, par exemple pour faire la prière ou manger halal, des salles de sport sont contraintes d’accepter le voile (Magali Lacroze et Patrick Karam, Le Livre noir du sport, éd. Plon, 2020 ; "Une salle de sport condamnée pour avoir interdit le voile", Reuters, 17 juin 14).
Des pompiers ou des animateurs de centre de loisirs pour enfant refusent de s’alimenter pendant le ramadan. Un centre aéré déconseille aux fillettes de porter des jupes (nouvelobs.com , 21 juil. 16).

Dans le sport professionnel, des groupes de pression tentent d’obtenir la révision des textes (Charte olympique, Fifa...) qui édictent qu’« aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique » (Charte olympique, art 50.2), alors même que l’Iran et l’Arabie saoudite « soumettent la participation de leurs athlètes féminines à des exigences reflétant un strict apartheid sexuel (participation aux seules disciplines jugées « coraniques », corps couvert de la tête aux pieds et épreuves non mixtes) » (Laïcité : « Le sport, lieu d’apprentissage d’une règle unique », collectif, lemonde.fr, 13 août 2019 ; "Le voile islamique va-t-il faire son entrée officielle dans le sport ?" A. Sugier, A.-M. Lizin, L. Weil-Curiel, LDIF, lemonde.fr , 7 mars 12). La France va-t-elle céder aux footballeuses voilées ? Des parlementaires ont déposé une proposition pour interdire le voile lors des compétitions sportives (janvier 2022). La majorité a voté contre.



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