Communiqué du Comité Laïcité République

Loi "principes de la République" : beaucoup reste à faire (CLR, 3 mars 21)

3 mars 2021

A partir du 30 mars, le Sénat devra débattre du « projet de loi rectifié confortant les principes de la République ». Largement adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale, par 347 voix contre 151, ce projet a été enrichi de plusieurs amendements émanant de divers groupes parlementaires.

Globalement, ces amendements ne modifient pas l’équilibre général du projet de loi.
Sur bien des aspects, ils le renforcent.

Le point le plus important concerne ce que le CLR considérait, dans son analyse du texte soumis aux députés, comme une disposition inacceptable, à savoir l’autorisation accordée aux associations cultuelles d’exploiter directement des biens immobiliers non affectés à l’exercice du culte. Cette disposition qui favoriserait les « possédants » de patrimoine immobilier et conduirait inéluctablement à une situation concordataire a été amoindrie dans ses effets par un amendement plafonnant à 33% de leurs ressources annuelles les revenus issus de l’exploitation de l’immobilier non affecté au culte. Ce plafonnement n’est qu’un pis aller qui ne répond pas à notre souhait de voir disparaître cette disposition.

L’obligation d’un recours aux chèques ou virements pour effectuer les dons supérieurs à 150,00€, ou l’obligation de déclaration de toute aliénation d’un lieu de culte au profit d’un état étranger, permettant ainsi l’intervention de l’autorité administrative, ou encore l’extension au domaine culturel des dispositions prévues pour le cultuel (dons à des associations sportives) viennent compléter l’arsenal destiné à contrôler le financement des cultes, déjà bien encadré par le projet initial.

D’autres amendements visent à préciser le cadre de l’instruction en famille, et dans les établissements privés :

  • Le contrôle des embauches des enseignants dans les établissements hors contrats
  • L’obligation de recourir à la langue française pour l’enseignement à domicile
  • Le renforcement des dispositifs contre l’évitement scolaire
  • La suppression des prestations en l’absence de certificats d’inscription dans un établissement public ou privé
  • Le suivi médical des enfants instruits en famille

Un amendement prévoit la possibilité du recours à l’enseignement à distance en cas d’éloignement d’un établissement public, même s’il existe, en proximité, un établissement privé.

L’instauration d’un certificat de compétences acquises par les élèves en matière de maîtrise des outils numériques fait l’objet d’un autre amendement. Les enseignants sont, eux aussi, concernés par la maîtrise des dispositifs de transmission des connaissances.

L’amendement à l’article 1er bis -n°1883- propose la formation des enseignants et personnels éducatifs à l’enseignement du fait religieux et des valeurs républicaines. Ce thème qui a fait l’objet d’un colloque organisé par le CLR en avril 2018, avec une précision d’importance, puisque nous évoquions l’enseignement laïque du fait religieux, suscitera sans doute des réserves. Nous maintenons l’exigence d’une transmission par des enseignants, qu’ils soient philosophes ou historiens, condition essentielle à une distinction claire et sans ambiguïté entre connaissance et croyance, comme le rappelait Patrick Kessel lors dudit colloque.

Les dispositions concernant l’aggravation des peines encourues en cas de mutilations sexuelles, l’introduction dans le registre des délits du concept « d’établissement de la virginité » plus contraignant que celui de délivrance de « certificat de virginité », les moyens supplémentaires mobilisés pour faire respecter l’interdiction des mariages forcés sont autant de dispositions que nous ne pouvons qu’approuver.
Nous noterons aussi la volonté d’accentuer les peines prévues pour les commanditaires de certificats de virginité.

L’infiltration de milieu associatif sportif par le courant des Frères musulmans est, depuis longtemps, connue et a pourtant bénéficié du déni général pour poursuivre son implantation. Le projet de loi initial comportait des dispositions visant à contrôler le respect des valeurs républicaines au sein des clubs et fédérations. Pour compléter ce dispositif, un amendement redonne aux préfets compétence pour la délivrance et le retrait des agréments aux associations sportives. Le CNOS français, pour sa part, devra se doter d’une charte de respect de la laïcité et des valeurs et principes de la République dans le sport.

Le non respect des principes de la République par une association entraine, selon le texte proposé au vote, la dissolution de l’association et le remboursement des éventuelles subventions. Deux amendements complètent l’arsenal des mesures, l’un en interdisant aux dirigeants d’une association dissoute de fonder, gérer ou administrer une association ou un groupement pendant les 3 ans qui suivent la dissolution, l’autre en fixant un cadre temporel à la restitution des subventions versées.

Le respect du principe de neutralité exigé du maire et de ses adjoints est étendu à tous les élus du Conseil Municipal qui ne pourront dès lors faire valoir quelque clause de conscience que ce soit.

Les professions sensibles (policiers, gendarmes, agents de l’administration pénitentiaire) seront soumises à une prestation de serment les engageant à servir avec dignité la République et ses valeurs.

Citons encore d’autres dispositions comme la création d’un « point de contact unique » chargé de transmettre les requêtes effectuées par la justice aux entreprises de l’économie du numérique afin d’assurer l’efficacité des recours, ou encore, dans le cadre de la lutte contre les contenus haineux, l’obligation faite aux plateformes d’informer leurs utilisateurs des peines encourues en cas de contenus haineux.

Aucun des amendements votés ne suscite de réserve de la part du CLR. Pour autant, aucun ne lève celles que nous avions émises, notamment sur l’absence de l’extension des lois de la République à la totalité du territoire métropolitain et ultramarin.

Nous retiendrons que ce projet marque symboliquement la fin d’une période de déni et d’un aveuglement coupable.
Beaucoup reste à faire, à commencer par les moyens d’application de cette loi. Nous savons, par ailleurs, que cet arsenal législatif restera lettre morte si la République ne se dote pas d’une grande loi sociale permettant de la restaurer dans sa mission de protection de tous les citoyens. C’est précisément cette vocation qu’elle a perdue et qui lui a été subtilisée par les extrémistes, parfaitement informés de la nécessité de pourvoir aux besoins élémentaires pour conquérir les consciences.

Le Comité Laïcité République,
le 3 mars 2021.



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