Revue de presse

B. Poulet : "Contrôler sa mort" (Marianne, 15 déc. 22)

Bernard Poulet, journaliste et essayiste. 20 décembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Bernard Poulet : "Le suicide assisté, c’est la volonté de contrôler sa mort, pas de l’effacer : c’est l’ultime liberté"".

"J’entends certains de mes amis – notamment à Marianne – soutenir que l’autorisation du suicide assisté, autrement dit le choix de sa fin de vie, relèverait de la même catégorie ultralibérale et ultra-individualiste que la liberté de choisir son sexe ou l’autorisation de la gestation pour autrui (GPA). Même si cela a les apparences de la réalité, je crois qu’il s’agit d’une confusion intellectuelle et philosophique.

Vouloir choisir les conditions de sa fin de vie ne procède pas du consumérisme, du « droit à » si cher aux individus contemporains. Car, si on peut prétendre choisir son sexe, son enfant, sa conjugalité, on ne peut pas choisir de ne pas mourir, quoi qu’en pensent les illuminés transhumanistes.

Les avancées immenses de la médecine ont transformé les conditions de l’agonie et de la mort. Souvent, elles fabriquent aussi du handicap. Avec les progrès constants des techniques, on maintiendra en vie de plus en plus longtemps des gens qu’on ne peut plus guérir. Jusqu’où prolonger un coma dépassé, décider de débrancher ? Déjà, 40 % des décès à l’hôpital résultent d’une décision médicale. Qu’est-ce qui est le plus « libéral » : le droit individuel de choisir sa mort ou la liberté du personnel soignant de prendre des décisions ?

Mais, surtout, si la question du suicide assisté et de l’euthanasie s’impose dans l’agenda des sociétés occidentales, c’est parce que les religions et les croyances en l’au-delà ont largement reculé sous nos cieux démocratiques, en particulier en Europe.

Celui qui croit encore au ciel est bien sûr fondé à respecter l’interdit du suicide et à accepter l’injonction qu’il ne peut pas disposer de sa vie, qui ne dépend que de Dieu. Il peut légitimement estimer qu’il doit faire l’expérience d’une mort qu’il ne choisit pas. Puisque, selon la Bible, « nul ne sait ni le jour ni l’heure », le croyant peut rechercher « la riche pédagogie que porte la mort »*. Même si c’est au prix de grandes douleurs.

Mais celui qui ne croit pas au ciel, celui qui n’imagine pas d’au-delà de sa mort, est fondé non seulement à choisir de ne pas souffrir inutilement, mais aussi à organiser sa fin de vie comme il l’entend. Pourquoi devrait-il râler, étouffer, avoir mal ou même s’éteindre au bout d’une longue sédation terminale qui l’aura déjà coupé des siens ? Dans le monde de l’hétéronomie, le suicide était interdit car il portait atteinte soit à la volonté divine soit aux intérêts de l’état. Dans le monde de l’autonomie, l’individu revendique le droit à disposer de sa vie comme il l’entend. [...]"




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