Remise des Prix le 8 novembre 2023 à l’Hôtel de ville de Paris

VIDEO Prix de la Laïcité 2023. Prix spécial : Elisabeth et Robert Badinter (Prix de la Laïcité, 8 nov. 23)

14 novembre 2023

Gilbert Abergel, Alain Seksig, Elisabeth Badinter.

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A. Seksig : Elisabeth et Robert Badinter, nous vous attribuons "un prix du courage, de la lucidité et de la constance"

Alain Seksig, Inspecteur d’académie honoraire, membre du Conseil des sages de la laïcité.

« Comme vient de le dire Gilbert Abergel, les membres du jury des prix nationaux et internationaux de la laïcité ont décidé, en juin dernier, de vous attribuer, chers Elisabeth et Robert Badinter ou chers Robert et Elisabeth Badinter, un prix spécial pour la présente édition ; un prix à tous deux, un même prix pour vous deux. Un prix du courage, de la lucidité et de la constance, dans la défense et illustration de nos principes républicains autant que de la constance à vous-même. C’est le beau couple que vous formez que nous souhaitons aussi honorer. Avec respect, admiration et affection, et malgré vos réticences à recevoir un tel hommage, pourtant si justifié.

À vrai dire, vous remettre à tous deux ce prix spécial est d’abord un immense honneur et une fierté pour le Comité Laïcité République. Depuis plus de 30 ans, nous avons vu ensemble les principes républicains faire l’objet de toutes sortes d’incompréhensions, d’interprétations erronées, de dévoiements -y compris de la part de certains responsables politiques et institutionnels qui sont ou étaient censés les incarner, notamment auprès des jeunes générations. Par vos alertes et vos interventions dans le débat public, vous avez toujours contribué à faire vivre nos principes républicains et vous nous avez aidé à les porter.

Vous représentez aux yeux de tant de nos concitoyens -et au-delà même de nos frontières- nos idéaux républicains de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité. Nous éprouvons tant de gratitude à votre endroit, que nous sommes heureux de pouvoir vous l’exprimer ce soir.

Chère Elisabeth, par vos travaux, par votre voix, vous êtes un des beaux visages de Marianne. Depuis 1989 et l’appel que vous aviez signé au moment de l’affaire de Creil avec Elisabeth de Fontenay, Catherine Kintzler, Régis Debray et Alain Finkielkraut, vous n’avez cessé d’accompagner et d’inspirer le combat pour la laïcité et l’émancipation des femmes en particulier.

Ainsi avez-vous participé aux travaux sur la laïcité de feu le Haut Conseil à l’Intégration, de 2010 à 2013. Dans l’avant-propos d’un ouvrage rendant compte des travaux du HCI, vous écrivez, non sans drôlerie : « On dit volontiers que la laïcité est un concept intraduisible, une exception française. Tenter de faire comprendre à un public étranger aussi bienveillant que les Norvégiens, l’importance de la laïcité pour la démocratie, est une gageure quasiment perdue d’avance. L’interprète bredouille et les visages de l’auditoire affichent tous les signes de l’incompréhension. En revanche, si l’on procède du particulier au général, on a une meilleure chance d’être entendu. Ainsi, lorsque l’on part de la condition des femmes dans les pays où règne toute puissante la loi religieuse, on comprend vite l’importance de la laïcité, son intérêt vital pour que vivent ensemble des personnes d’origine et de croyances diverses » (cf Faire vivre la laïcité Le Publieur, Paris 2014, p. 5).

Quant à vous, cher Robert Badinter, sage gardien s’il en est de notre Constitution, droit, juste, pédagogue, jamais à court d’idées et de projets -y compris du côté du théâtre- notre pays vous doit déjà tant ! Je me souviens que, lors de l’inauguration de la charte de la laïcité à l’école à laquelle Vincent Peillon vous avait convié voici dix ans, le 9 septembre 2013 dans un lycée de La Ferté-sous-Jouarre, vous aviez évoqué les Sceaux de la République que vous avez longtemps gardés -c’est ainsi qu’il faut comprendre l’autre nom du ministre de la justice : garde des Sceaux, il en est en effet le dépositaire et le gardien.

Ce sont toujours les Sceaux de la Deuxième République de 1848 qui ont court, nous aviez-vous appris, conçus en un temps où le mot laïcité n’était pas même nouveau et pas encore d’un usage général comme le dira quarante ans plus tard Ferdinand Buisson dans son Dictionnaire de pédagogie. Les Sceaux de la République, utilisés en des occasions solennelles telle par exemple une modification de la Constitution, portent ainsi la mention : République Française – démocratique, une et indivisible. Vous aviez alors suggéré d’en proposer l’actualisation en mentionnant, à l’instar de l’article premier de la Constitution, la laïcité comme une des caractéristiques essentielles de la République. Soyez assuré que les associations présentes dans cette salle sauront reprendre et porter votre proposition jusqu’à son aboutissement.

Chers Elisabeth et Robert Badinter, un livre, paru en 2018, faisait déjà de vous « deux enfants de la République » -c’est son titre. Vous comptez parmi les héritiers de Condorcet, votre grand homme, et de Victor Hugo ; vous êtes reconnus comme tels. Vous étiez, cher Robert Badinter, aux côtés du Premier ministre, dans son bureau, au moment où celui-ci s’apprêtait à signer la promulgation de la loi du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort. Avant d’apposer son paraphe, Pierre Mauroy s’est tourné vers vous et vous a dit, complice « C’est Victor Hugo qui serait heureux !... ».

Chère Elisabeth et Robert Badinter, votre présence, même à distance, dans les beaux salons de l’Hôtel de ville de Paris, donne à notre cérémonie un éclat particulier et, dans le contexte que nous connaissons et dont madame la Maire de Paris, Gilbert Abergel et Abnousse Shalmani ont parlé tout à l’heure, une résonance singulière.

En même temps que ce prix spécial symbolisé par une médaille qu’avec Patrick Kessel, notre président d’honneur, nous vous remettrons en mains propres, recevez tous deux l’assurance de notre profond respect et de notre gratitude éternelle pour votre cheminement, déjà ancien, à nos côtés, et pour votre engagement continu, inspirant, stimulant en faveur de la laïcité républicaine.

À tous deux, toute notre reconnaissance et notre indéfectible amitié. À tous deux, merci. »


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Elisabeth Badinter

« [...] Il y a eu une gradation dans l’opposition à la laïcité, et notamment du côté de la gauche.

Nous avons été lachés par une partie de la gauche au départ qui nous avait attaqués à propos de notre "intolérance".

Et puis, un peu plus tard, ce n’était plus d’intolérance dont nous étions taxés, c’était, effectivement, d’être "racistes". [...] C’était très grave et ça nous désignait - pardonnez-moi l’expression - comme des "salauds". [...]

Depuis, je dirais, une quinzaine d’années, l’entrisme des islamistes radicaux a passé encore un stade. Ce stade, cest celui de la menace. [...]

Le silence s’est fait à l’égard de la défense de la laïcité. [...] »



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