Revue de presse

Sophia Chikirou, brutalité, gestion financière discutable, "perdurant grâce à son statut de « femme du chef »" (Le Monde, 4 oct. 23)

(Le Monde, 4 oct. 23). 3 octobre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Selon les informations du « Monde », l’élue et ancienne conseillère en communication devrait être prochainement entendue en vue d’une éventuelle mise en examen pour « escroquerie aggravée ». Les méthodes de Mme Chikirou, mélange de brutalité et de gestion financière à la légalité parfois discutable, suscitent des critiques au sein de La France insoumise.

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Lire "Pourquoi la justice enquête sur la députée LFI Sophia Chikirou".

Il est des rappels à l’ordre qui échappent à tous, sauf à leur cible. Ce 6 mars 2022, les quelque 15 000 personnes rassemblées sur l’esplanade du Gros-Caillou, à Lyon, pour assister au meeting de Jean-Luc Mélenchon ne se sont pas formalisées lorsque les enceintes se sont mises à cracher la musique d’entrée du candidat à la présidentielle de La France insoumise (LFI) en plein discours de Mathilde Panot. Tout juste s’en souviennent-elles. Leur leader s’était promptement hissé sur scène, cravate rouge et verbe haut, s’élançant pour cinquante minutes de discours. La députée du Val-de-Marne l’avait accueilli avec un sourire de circonstance, avant de se retirer en coulisses, des larmes de rage aux yeux.

Son intervention, un honneur longuement préparé, n’a pas été coupée par hasard. Lors de la répétition, Sophia Chikirou, prestataire à la manœuvre en régie, avait exprimé de profonds désaccords sur son texte, exigeant des changements refusés par l’oratrice. Cheville ouvrière de la percée de Jean-Luc Mélenchon dans les quartiers populaires en 2017, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale en 2021, coordinatrice de la mobilisation militante en 2022… qu’importe la place prépondérante de Mathilde Panot au sein du mouvement, nul ne résiste impunément à Sophia Chikirou.

Connue dans le parti depuis 2011, la relation sentimentale – parfois discontinue – entre Jean-Luc Mélenchon et Sophia Chikirou était ignorée du public jusqu’au 16 octobre 2018. Venus perquisitionner à l’aube le domicile de Jean-Luc Mélenchon dans le cadre de l’enquête sur ses comptes de campagne de 2017, les enquêteurs avaient eu la surprise d’y trouver celle qui avait assuré le rôle de directrice de la communication et de deuxième prestataire. D’un sujet privé, leur lien devient d’intérêt public, ainsi que l’a tranché la justice en août 2019, déboutant le couple de ses demandes de dommages et intérêts après la publication d’un article de Closer. « L’évocation par l’article (…) d’une relation sentimentale réelle ou supposée entretenue dans ces circonstances d’actualité judiciaire (…) [est] susceptible de contribuer à un débat d’intérêt général dont il est légitime d’informer le public », justifie le juge.

En interne, l’enquête judiciaire ravive les critiques autour du poids de Sophia Chikirou dans les décisions du parti et les craintes de voir certaines de ses pratiques mettre en danger le mouvement. Selon les documents et des témoignages rassemblés par Le Monde, la « méthode Chikirou » est, en effet, un mélange de brutalité et de gestion financière à la légalité parfois discutable, perdurant, selon ses contempteurs, grâce à son statut de « femme du chef », une expression utilisée par des cadres « insoumis ». [...]

Si la plupart des prestations extérieures ont été refacturées avec une faible marge, le travail des salariés et des stagiaires de Mediascop a été facturé avec des suppléments importants. La plupart étaient payés à des niveaux de salaires inférieurs à leurs compétences – six de ces salariés sur treize étaient payés au smic, trois autres touchaient 12,50 euros de l’heure. Ils avaient été convaincus par Sophia Chikirou d’accepter une faible rémunération « pour la cause », en raison du faible budget supposé de la campagne, expliquent plusieurs d’entre eux, interrogés par Le Monde.

Leur travail, lui, a été facturé au prix pratiqué par les plus grandes agences de communication. Sans coûts fixes à payer, avec des coûts salariaux faibles, Mediascop a ainsi dégagé une marge nette de 18 % sur la campagne de 2017, bien au-dessus de ses concurrents étudiés par les experts judiciaires, qui se situaient entre 1 % et 8 %.

Jusqu’ici, ce système était admis par les militants et les cadres « insoumis », qui y voyaient une méthode nécessaire pour financer leur activité politique. Selon le rapport comptable, les marges dégagées ont surtout servi à rémunérer Sophia Chikirou. A la fin de 2016, outre les 9 500 euros au titre de son statut de dirigeante (environ 2 375 euros brut entre septembre et décembre), la communicante a décidé de se verser 64 000 euros de dividendes bruts sur les 76 000 euros de bénéfices dégagés par sa société cette année-là. En 2017, sa rémunération brute s’est élevée à 64 368 euros (5 364 euros brut par mois), à laquelle s’est ajoutée une prime de 65 000 euros, versée l’année suivante. Quelques menus coûts personnels – une cafetière, un micro-ondes et une télévision – ont, par ailleurs, été pris en charge par son entreprise. [...]

En avril 2018, Le Média annonce, à tort, que l’évacuation policière de l’université de Tolbiac, à Paris, a provoqué un blessé grave. Après plusieurs jours de flottement, un communiqué est préparé, sans que Le Média y reconnaisse directement avoir commis une erreur. Des journalistes demandent la publication d’un vrai mea culpa. « En politique, on ne s’excuse jamais », leur rétorque Sophia Chikirou, avant de déclarer à une salariée que « cette bande de tafioles de merde » devrait « se [mettre son communiqué] dans le cul profond », dans un message que Le Monde a pu consulter. [...]

Après le premier tour des élections régionales de 2021, écologistes, socialistes et « insoumis » se retrouvent pour une longue nuit de négociations en vue de s’unir. Arrivé en tête des candidats de gauche en Ile-de-France, Julien Bayou désigne sa directrice de campagne pour présider le groupe le plus sensible, le « dispositif humain », chargé de monter la nouvelle liste pour le second tour. A 31 ans, vêtue d’un trench camel, Léa Balage El Mariky tranche avec les jeunes loups et les vieux briscards présents autour de la table. « C’est qui la stagiaire avec sa robe de chambre ignoble ? », s’exclame en ricanant Sophia Chikirou depuis la salle où sont rassemblés les communicants. Choqués, les écologistes obtiennent son exclusion de la négociation. Ses excuses viendront près d’un an plus tard, alors que se préparent de nouvelles négociations communes en vue des élections législatives de 2022. [...]

En l’espace d’un peu plus d’un an, onze assistants parlementaires ont travaillé pour elle, sans compter les stagiaires. Huit sont partis, la plaçant dans le top 5 des députés affichant le plus important taux de rotation de collaborateurs. [...]"


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Sophia Chikirou dans La France insoumise dans Gauche,
la rubrique Entreprise privée dans Travail (note de la rédaction CLR).


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