Revue de presse

"Salafistes et djihadistes : quelles différences, quels points communs ?" (R. Caillet, lefigaro.fr/vox , 26 nov. 15)

R. Caillet, historien spécialiste de la mouvance djihadiste. 28 novembre 2015

"[...] Il existe un tronc commun doctrinal entre ces deux courants du salafisme, les réunissant sur un certain nombre de points où ils se distinguent d’autres mouvements islamistes tels que le Tabligh ou les Frères Musulmans. En premier lieu, tous les salafistes s’accordent sur les interprétations théologiques d’Ibn Taymiyya (1263-1328) et de Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab (1703-1792) mais aussi sur la validité du concept d’al-Wala wa-l-Bara (l’alliance et le désaveu), concept définit au XIXe siècle par l’un des petits-fils de Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab, Sulayman b. Abdallah Al ash-Shaykh (1786-1818). Si pour les djihadistes ce dogme d’al-Wala wa-l-Bara doit pousser à la confrontation avec les infidèles, les salafistes quiétistes n’y voient qu’un appel à une rupture symbolique avec l’Occident, notamment par leurs tenues vestimentaires et le rejet du mode de vie des occidentaux. Autre spécificité du salafisme à l’époque contemporaine, la « Hijra », c’est-à-dire l’émigration d’un pays non-musulman vers une terre d’Islam. Pour les djihadistes, comme il n’existe aucune terre d’Islam à notre époque, hormis les territoires de l’Etat islamique (EI), il s’agit d’un départ vers une terre de djihad mais pour les salafistes quiétistes, la Hijra signifie rejoindre leurs pays d’origine ou n’importe quel autre pays musulman. [...]

On l’aura compris, l’enseignement religieux salafiste, toutes tendances confondues, va donc à l’encontre des valeurs défendues par la majorité des Français. Les tenants du courant salafiste quiétiste peuvent donc être éventuellement des indicateurs des services de renseignements, notamment en raison de leur hostilité envers leurs rivaux djihadistes, mais ils ne sauraient être des partenaires du gouvernement, contrairement à ce qui se fait dans certains pays arabes ou européens, évoluant en dehors d’un cadre laïc. Sans même parler du cadre laïque français, si la lecture littéraliste des textes scripturaires par les salafistes ne pose pas de problème majeur dans des pays conservateurs de culture musulmane ce n’est pas le cas en France, où leur refus de la mixité, de serrer la main d’une femme, des représentations d’êtres vivants, y compris les poupées des fillettes, et l’exhortation à la pratique de la polygamie sont très mal perçus par l’opinion publique. Pour certains experts, la diffusion massive en France d’une norme islamique ultra-orthodoxe, en d’autres termes « la banalisation du salafisme », même quiétiste, dans les banlieues, susciterait un rejet de la République au sein des populations issues de l’immigration. Sans partager complètement cette analyse, nous pouvons cependant constater qu’aujourd’hui, pour les responsables politiques français, le salafisme quiétiste est davantage considéré comme une partie du problème plutôt qu’une partie de la solution."

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