Revue de presse / tribune

"Race, genre… Faut-il déconstruire la science ?" (Gérard Panczer, L’Express, 20 juil. 23)

(L’Express, 20 juil. 23). Gérard Panczer, physicien, professeur en spectroscopies optiques des géomatériaux à l’université Claude-Bernard-Lyon I, membre du collectif Vigilance universités. 20 juillet 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Race, genre… Faut-il déconstruire la science ? Par le physicien Gérard Panczer".

Ces dernières années, les comités éditoriaux de revues scientifiques internationales publient et donnent la parole à des chercheuses et chercheurs en sciences dures revendiquant une visibilité, une prise en considération des minorités de genre, "raciales", ethniques et sexuelles, et dénonçant des discriminations au sein des STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques ; STEM en anglais).

Dès 2013, un article (Ko et al.) présentait, dans une analyse critique, le parcours et l’expérience de chercheuses de couleur, "en utilisant la théorie de l’intersectionnalité et l’analyse narrative" et en montrant "la façon dont l’intersection du genre et de la race affecte la performance, l’identité, la persévérance et les expériences globales de carrière et d’éducation dans les sciences physiques". Kozlowski et al. (2022) font le constat par analyse biométrique que la communauté des chercheurs américains composée "d’hommes blancs" n’est pas représentative de la population, et que si la plupart des études se sont penchées "sur la race ou le sexe", elles ne tiennent pas compte "de l’intersection de ces variables".

Certains considèrent donc que "les efforts visant à établir et à réduire les préjugés dans l’édition savante demanderont aux auteurs, aux critiques et aux éditeurs de divulguer leur race ou leur origine ethnique" (Else & Perkel, 2022).

Idéologie partisane

A l’université Concordia (Montréal), l’équipe Decolonizing Light étudie "la reproduction du colonialisme dans et à travers la physique et dans l’enseignement supérieur de la physique". Sa motivation est décrite ainsi : "plus encore que les autres sciences, la physique est un champ dominé par les hommes blancs, et donc un miroir des schémas coloniaux et des inégalités sociales." Le "donc" donne à penser que ce qui suit (schémas coloniaux et inégalités sociales) est une conséquence logique du simple fait d’être "blanc". Il est clair que l’idéologie partisane y supplante la rigueur minimale de la méthode scientifique.

Il est bon pourtant de se souvenir qu’aux Etats-Unis, du fait de la ségrégation, des universités ont été créées pour les Noirs (HBCU, Historically Black Colleges and Universities) : Lincoln University, Howard University, Morehouse College et Spelman College. Ce n’est qu’en 1955 que la première étudiante noire a pu fréquenter l’Université de l’Alabama, et seulement en 1962 que le premier étudiant noir a pu intégrer l’Université du Mississippi. De même, un numerus clausus (quota) appliqué aux Juifs était officiellement en place dans plusieurs universités nord-américaines. Les instructions au bureau des admissions de Yale concernant les quotas ethniques étaient très précises : "N’admettez jamais plus de cinq juifs, ne prenez que deux catholiques italiens et ne prenez aucun noir" (Burrow, 2008). C’est donc pour contrer ces discriminations, entre autres, en ce qui concerne l’accès des Noirs aux universités qu’a été mise en place la politique de discrimination positive ("affirmative action") en 1965.

"Depuis l’origine de la nation américaine, tout citoyen au long de sa vie, ne cesse de décliner son identité raciale… Cette classification, qui nous paraît obsessionnelle, fut d’abord à l’origine de la discrimination ; puis elle est devenue le socle de l’affirmative action. Mais celle-ci n’est-elle pas la poursuite de celle-là dans des habits neufs ?", estimait dès 2003 Ward Connely, opposant afro-américain à "l’affirmative action". "L’affirmative action perpétue la dépendance et les comportements d’esclave sous un autre nom. Bien des jeunes noirs en concluent qu’il ne faut pas trop travailler à l’école, puisque les Blancs, de toute manière, leur devront réparation : comportement courant qui fait perdre pied à l’école, puis dans la société". Les partisans américains de l’abolition de la discrimination positive revendiquent une Amérique "colorblind", indifférente aux critères raciaux, plus adaptée aux nouvelles réalités d’une nation où la ségrégation institutionnelle appartient à l’histoire, et où les métissages rendent de plus en plus improbables les catégories ethniques déterminées.

Incursions "communautaristes"
Récemment, un article de la revue Science (Mervis, 2022) a constaté la sous-représentation actuelle des étudiants noirs, Afro-américains ou autres, en physique aux Etats-Unis. Il y est entre autres montré que le nombre de doctorats américains en physique décernés à des étudiants hispaniques a triplé (de 16 à 60 PhD) ces vingt dernières années, tout en restant absolument stable pour les étudiants noirs (16 PhD par an). Malgré le titre de l’article, aucune exclusion n’y est mise en évidence.

Toutes ces prétendues preuves de sous-représentation se fondent sur l’a priori que chaque domaine doit refléter les proportions de la population, ce qui n’a sociologiquement aucun sens. Par exemple, si la grande majorité des enseignants du primaire et du secondaire sont des femmes, cela prouve-t-il que les hommes sont discriminés dans le monde de l’éducation ? [...]"


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