Revue de presse

"On a aussi inventé... le clivage gauche-droite" (Marianne, 22 déc. 22)

18 janvier 2023

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Contestée, attaquée, remise en cause, la division phare de la vie politique instaurée par les députés de la Constituante en 1789 a pourtant conquis le monde entier. Sa puissance évocatrice semble assurer sa pérennité."

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Lire "En France, on a inventé et pérennisé… le clivage gauche-droite".

"[...] Cette invention, comme tant d’autres, nous vient de France. Sa genèse, archiconnue, se noue à l’été 1789, dans la toute nouvelle Assemblée nationale constituante, en pleine Révolution française. Les députés de toutes obédiences se regroupent, se rangent progressivement par affinités politiques dans la salle des Menus-Plaisirs, à Versailles. Le baron de Gauville, député noble conservateur, écrit dans son journal : « Nous commencions à nous reconnaître : ceux qui étaient attachés à la religion et au roi s’étaient cantonnés à la droite du président, afin d’éviter les cris, les propos et les indécences qui se passaient dans la partie opposée. » Plus objectivement, le 28 août 1789, lors du débat sur le veto royal, les opposants au pouvoir de blocage absolu du monarque se regroupent à gauche ; ses partisans, à droite.

Durant de longues années, droite et gauche se trouvent davantage dans la bouche des pensionnaires des différentes assemblées que dans le langage politique commun. Il faudra des décennies d’enracinement et d’acclimatation, particulièrement au tournant du XXe siècle, pour passer « de la langue spécialisée de la cuisine parlementaire en idiome basique du suffrage universel », comme le décrit Marcel Gauchet dans son brillant la Droite et la Gauche. Histoire et destin. Selon l’historien, la permanence du couple droite-gauche tient notamment à sa capacité à saisir les clivages de chaque époque tout en offrant une gamme de nuances permettant de décanter les contradictions internes à chaque camp. La transformation incessante des termes de l’opposition ne traduit pas une fragilité conceptuelle, mais, au contraire, une puissance symbolique incomparable. Ainsi, gauche et droite auront tour à tour incarné la bataille entre les révolutionnaires et les partisans de l’Ancien Régime, le duel entre les cléricaux attachés à la foi et les laïques voués aux Lumières, l’affrontement entre les partisans du socialisme et ceux du capitalisme…

Au passage, suivant une vieille tradition française, le particulier hexagonal s’est mué en universel terrestre. Les termes de l’Assemblée versaillaise sont désormais utilisés sur l’ensemble du globe. Ainsi, les anglophones se déchirent entre leftists et citoyens right-wing, l’Italie compte de nombreux maires se réclamant du centro sinistra, la gauche radicale allemande se nomme Die Linke pour attester son authenticité, les communistes espagnols se fédèrent au sein d’Izquierda Unida. Ce foisonnement ne doit pas conduire à une simplification. Comme l’ont montré de nombreux auteurs (citons le mythique René Rémond et ses fameuses droites orléaniste, bonapartiste et légitimiste, ou la monumentale étude de Jacques Julliard et ses Gauches françaises), on parlera plus justement de gauches et de droites, au pluriel, afin de mieux capturer les sensibilités. [...]"


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Marianne "Ce que le monde doit à la France" (22 déc. 22) (note du CLR).


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