Contribution

Mosquée de Strasbourg, la réalité juridique (M. Seelig, 25 mars 21)

par Michel Seelig, président du Cercle Jean-Macé (Metz), membre du Conseil d’administration du CLR. 25 mars 2021

Sur le financement de la mosquée Eyyub Sultan, érigée par l’association Millî Görüş, la presse et les réseaux sociaux ont dit tout et n’importe quoi.

Il paraît nécessaire de présenter de manière synthétique l’ensemble du dossier du financement des cultes en Alsace et Moselle…

POUR LES CULTES DITS « RECONNUS »

1) Le CONCORDAT de 1801 concerne exclusivement l’Église catholique, et ses 17 articles ne prévoient rien en matière de financement des lieux de culte. L’article XII se contente d’indiquer que « Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront mises à la disposition des évêques ». Ces bâtiments restent des propriétés publiques, des communes ou de l’État pour les cathédrales

2) Les ARTICLES ORGANIQUES de 1802 n’en disent pas plus, article LXXV : « Les édifices anciennement destinés au culte catholique, actuellement entre les mains de la nation, à raison d’un édifice par cure et par succursale, seront mis à disposition des évêques par arrêté du préfet du département. » Rien non plus sur le financement de nouvelles églises. L’article LXXVII dispose que « Dans les paroisses où il n’y aura point d’édifice disponible pour le culte, l’évêque se concertera avec le préfet pour la désignation d’un édifice convenable ».

3) Les paroisses catholiques sont administrées par un établissement public, la FABRIQUE. Son fonctionnement et la participation à la gestion par les communes ne seront établis que plus tard, par le décret du 30 décembre 1809. Il prévoit que (article 92) « En cas d’insuffisance des ressources de la fabrique, les communes pourvoient […] aux charges mentionnées à l’article 37 ». Celui-ci liste ces charges : « notamment, les frais nécessaires aux célébrations cultuelles selon la convenance et les besoins des lieux ; Les salaires et charges sociales du personnel employé par la fabrique ; Les travaux d’embellissement, entretien, réparations, grosses réparations et reconstruction de l’église et du presbytère ; Les assurances des biens et des personnes et la couverture des risques de responsabilité civile. »

4) D’autres textes définissent la gestion des autres CULTES RECONNUS (luthériens et calvinistes, juifs)

Ci-dessous les liens pour accéder à ces textes :

Textes du Concordat (15 juillet 1801/26 messidor an IX) et Articles organiques (8 avril 1802/18 germinal an X)
Décret du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises

Ces textes, mis à jour et aménagés à la marge par diverses décisions de la puissance publique, notamment durant l’annexion par l’Empire allemand de 1871 à 1918, son toujours en vigueur.

POUR LES CULTES « NON RECONNUS », islam, bouddhisme, églises évangéliques, judaïsme « libéral » … les textes précités ne s’appliquent évidemment pas ! Le financement d’une mosquée ne peut pas dépendre du Concordat (comme on l’a trop lu et entendu).

En fait, un tel financement est possible car la loi de Séparation des Églises et de l’État ne s’applique pas, notamment son article 2 « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».

Les collectivités locales peuvent ainsi librement subventionner des associations (de droit local alsacien et mosellan), même si celles-ci ont notamment pour objet la gestion locale d’un culte.

C’est ainsi qu’une autre « grande mosquée » a déjà été construite à Strasbourg. Inaugurée en 2012, elle a été notamment financée par le Maroc et l’Arabie Saoudite. Elle a bénéficié d’un important apport des collectivités locales : 26 % du budget, dont 8 % pour la Région Alsace, 8 % pour le département du Bas-Rhin et 10 % pour la Ville (en sus de la mise à disposition du terrain par un bail emphytéotique)

Le projet actuel prévoit à nouveau un financement public, du moins pour la ville (10 % annoncés) et la Collectivité européenne d’Alsace (qui regroupe depuis le 1er janvier 2021 les deux départements du Bas Rhin et du Haut Rhin… En revanche, il serait à mon avis difficile à la région Grand Est (qui regroupe les anciennes régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine) de trouver un support juridique à sa participation.

Michel Seelig



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