Communiqué du Comité Laïcité République

Lettre ouverte au ministre de l’Education nationale (CLR, 26 av. 23)

26 avril 2023

Monsieur le Ministre,

Le Comité Laïcité République avait exprimé sa crainte qu’un ferment de discorde ne soit introduit au sein du Conseil des sages suite à votre décision de nommer en son sein Monsieur Policar. Il n’aura malheureusement pas fallu attendre longtemps, car dès le lendemain de sa nomination, Monsieur Policar, s’exprimant sur la Loi du 15 mars 2004 interdisant les signes religieux dans l’école publique faisait la déclaration suivante

« La dimension émancipatrice de la laïcité qui consiste à imposer la lumière, n’est pas ce que je défends. Mais plutôt une approche anglo-saxonne qui prend en compte la notion de tolérance. Tolérer le port d’un foulard ne veut pas dire l’approuver. » [1].

Cette déclaration de la part d’un membre du Conseil des sages de la laïcité est une une offense à l’école laïque, et une complaisance à l’égard de ceux qui, refusant la Loi de 2004, veulent y imposer des signes religieux, et le « chacun selon sa différence ».

Tout citoyen peut s ‘exprimer comme il l’entend dans le débat public, mais nous sommes en droit d’attendre d’un membre d’une institution comme le Conseil des sages, une certaine réserve et le respect d’un contrat moral et républicain. D’évidence M. Policar n’en a cure.

Cette prise de position n’est pas la première de la part de ce sociologue qui a, à maintes reprises, manifesté son hostilité à la laïcité républicaine, lui préférant le multiculturalisme.

Votre silence, suite à ces déclarations, signifie-t-il que la nomination de Monsieur Policar annonce un projet politique orientant notre école vers un modèle anglo-saxon, multiculturaliste, privilégiant la reconnaissance des particularismes par rapport à l’égalité ?

Par ailleurs, nous voulons croire que la nomination de Madame Calvès, professeure de droit public, ne traduit pas la volonté d’introduire une dose de "discrimination positive" dans l’approche des nouvelles questions que le Conseil des sages aura à traiter.

Nous sommes en effet inquiets devant le risque d’une réorientation des missions de cette institution. Cette approche qui promeut le multiculturalisme, s’oppose au modèle d’une République égalitaire, qui veut la réussite d’un individu soit le fait de son mérite et de son talent propres, non le fruit d’une discrimination, fût-elle positive, toujours susceptible d’induire un doute dans l’esprit du bénéficiaire sur son mérite propre, quand ce ne serait l’expression d’un racisme inversé qu’on pourrait y déceler.

Multiculturalisme et "discrimination positive" ont échoué, ne réglant en rien la question des inégalités sociales criantes des sociétés qui ont cru y voir une solution miracle. Aux Etats-Unis, les classes défavorisées sont abandonnées à leur sort, comme en témoigne leur sur-représentation dans la population carcérale, près d’un tiers, alors qu’elles ne représentent que 13 % de la population américaine.

Loin de faire prévaloir une logique des minorités contraire à nos valeurs, à nos principes et à notre histoire, une politique de lutte contre les discriminations doit promouvoir l’égalité.

Monsieur le ministre de l’Éducation nationale, vous avez souvent affirmé votre volonté de faire appliquer la laïcité avec fermeté. Aussi attendons-nous que vous preniez vos distances face aux déclarations de Monsieur Policar.

Le Conseil des Sages de la Laïcité ne peut être le lieu d’une contestation de la loi de 2004, ou de la promotion d’un modèle scolaire éloigné des idéaux républicains.

Le Conseil des Sages doit poursuivre son travail d’amélioration du rôle de l’institution scolaire pour plus de laïcité, œuvrant ainsi à une société du mélange et non de la séparation, pour plus de fraternité.


Précision (29 avril 2023)

Dans la lettre ouverte que nous avons récemment adressée à Monsieur le ministre de l’Education nationale, une allusion à d’anciens travaux de Madame Gwénaële Calvès sur la notion de discrimination positive a pu être interprétée comme une critique à son égard.

Nous tenons à préciser qu’il s’agissait pour nous de mettre en garde contre la tentation ministérielle d’instrumentaliser la notoriété de cette professeure de droit public, et non de condamner ses travaux universitaires sur la laïcité dont nous signalons l’intérêt et la qualité.

Nous ne mettons pas sur le même plan Monsieur Policar et Madame Calvès et nous adressons à cette dernière nos excuses pour cette approximation éditoriale.


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