Note de lecture

F. Jullien : Impossible de définir une identité culturelle française ou européenne (G. Casel)

par Gilles Casel. 22 janvier 2019

[Les échos "Culture (Lire, entendre & voir)" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

François Jullien, Il n’y a pas d’identité culturelle, Cahiers de l’Herne, 2016, 104 p., 7 e.

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François Jullien est philosophe, helléniste, et de plus, éminent sinologue, professeur à l’université Paris-Diderot et titulaire de la Chaire sur l’altérité au Collège d’Etudes mondiales de la Fondation Maison des sciences de l’homme. Ses travaux sont traduits dans de nombreuses langues.

Le propre de la culture est de « muter et de se transformer » : il est donc impossible de définir une identité culturelle française ou européenne. En fait il existe des ressources (plutôt que des racines [1]), propres à chaque culture. Les dépositaires de ces ressources (ou fécondités) sont libres de les « déployer », de les « activer » ou non (ex. : l’enseignement du latin et du grec [2]).

Par ailleurs, le concept d’universalisme est « en difficulté » : parce qu’en période de mondialisation, il rencontre d’autres cultures [3]. Et parce qu’il est le produit d’une histoire singulière.

L’universel n’est pas, de ce fait, « périmé » ! Tant s’en faut. Mais, ne convient-il pas que nous fassions nous-mêmes, un tri dans le « leg historique de l’universel occidental » pour en identifier les éléments valides ?

C’est à une conception dynamique des cultures que nous sommes ainsi invités.

Et à ménager les conditions des échanges des ressources. Nombre de lecteurs trouveront là matière à une réflexion renouvelée et plus assurée. Alors que le rouleau compresseur de la mondialisation crée de l’uniforme, l’auteur nous engage à créer un « dia-logue » des cultures, à « mettre en tension » ou « en regard », leurs ressources respectives pour créer du commun au-delà de toute prétendue synthèse ou amalgame.

Cette conception conduit aussi à ne pas faire de l’universalisme un tout fini, une complétude qui ignorerait son manque, mais bien au contraire, selon une belle formule, « de rouvrir du manque dans toute totalité achevée ».

La distinction entre les concepts identifiés par François Jullien est euphorisante pour le lecteur : ressources (ou fécondités), qui n’appartiennent pas et sont à disposition ; rappel de ce qu’est l’uniforme ; l’écart entre plusieurs cultures qui permet le dia-logue. Le lecteur aurait aimé pendant sa lecture, plus d’exemples pour fixer sa pensée ; il sera perplexe, un temps, en constatant l’absence de référence aux Droits de l’Homme.

Il s’est aussi probablement interrogé sur la portée de cette invitation : « Faire le tri dans le leg historique de l’universel occidental ».

Gilles Casel

[1Sur ce refus explicite de la métaphore des racines, cf. aussi : Amin Maalouf, Origines, Grasset, p.9 : "Les racines retiennent l’arbre captif dès la naissance et le nourrissent au prix d’un chantage : « Tu te libères et tu meurs »."

[2Comme pendant au latin et au grec, ressources très peu activées, nous ajouterions volontiers la francophonie portée, elle, par une politique constante et déterminée.

[3Voir les comparaisons tout à fait étonnantes entre les langues pensées chinoise et française.


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