Revue de presse

« Dans mon diocèse, je pense qu’on est 25 % de prêtres à organiser des messes publiques en catimini » (leparisien.fr , 21 nov. 20)

"Au cœur d’une messe clandestine en plein confinement" 22 novembre 2020

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Bravant l’interdit, des prêtres célèbrent des messes en toute discrétion et en toute illégalité. Nous avons pu assister à l’une d’entre elles.

Par Vincent Mongaillard

Les fidèles, masqués, arrivent au compte-gouttes depuis une demi-heure. Quand le prêtre fait son apparition dans l’allée, ils sont désormais 75 à se retrouver dans l’église. Les portes ont été fermées à clé, l’assistance se lève. Bienvenue au cœur d’une messe clandestine dans une paroisse « ordinaire » d’Ile-de-France.

Le curé nous a autorisés à y assister à condition de préserver son anonymat. Car communier en plein confinement est strictement hors-la-loi. Si les « établissements de culte sont autorisés à rester ouverts » selon l’article 47 du décret du 29 octobre, « tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de 30 personnes ». « Il y a des gens qui prient, moi, je viens célébrer la messe, tant mieux pour ceux qui sont là », nous confie le col romain frondeur, un sourire en coin, « bien conscient que c’est illégal ».

« Mais c’est aussi en pleine conscience que je me sens obligé de le faire. Dans mon diocèse, je pense qu’on est 25 % de prêtres à organiser des messes publiques en catimini. Je n’incite pas du tout à la désobéissance, je fais ça pour ceux qui en ont besoin. Il y a des paroissiens qui sont venus me voir en pleurant parce qu’ils étaient privés de messe », défend-il. Lors du premier confinement, il avait respecté à la lettre les restrictions gouvernementales. « Mais j’avais très mauvaise conscience, j’avais l’impression d’avoir trahi, abandonné mes fidèles », se rappelle-t-il en prenant un air grave.

Dans l’assemblée, on retrouve les « plus pratiquants des fidèles ». Ce « ne sont pas des délinquants ». Ils viennent chercher dans l’office « une force ». On aperçoit une mère et ses deux filles, un bébé dans les bras de sa « maman », un père et son fiston, des étudiants, des couples de quinquagénaires, plus de femmes que d’hommes. Et beaucoup de personnes âgées. « Elles s’abstiennent de voir leurs petits-enfants, elles se privent de leur famille mais se rendent à la messe qui est vitale pour elles », observe le clerc.

Avant d’enfiler sa chasuble, il patiente sur le parvis, saluant les fidèles tout en égrenant son chapelet. Il recense aussi le nombre d’entrants avec un compteur manuel de poche. « Au-delà de 90-100, je ne laisse plus entrer. On ne s’entasse pas. Ce n’est pas parce qu’on est dans l’illégalité qu’on n’a pas le sens des responsabilités », martèle-t-il. Certains sont là grâce au bouche-à-oreille. D’autres se souviennent que leur curé, « avant le reconfinement », s’était engagé, lors du dernier office autorisé, à poursuivre les célébrations publiques malgré l’interdiction.

La messe commence par une prière. « Je confesse à Dieu tout-puissant, je reconnais devant mes frères que j’ai péché… » Il n’y a pas de cantiques. C’est une messe basse, non chantée. « A la fois pour être discrets et parce que les chants sont plus risqués en matière de contamination », précise l’ecclésiastique. Dans son homélie, il évoque l’actualité tout en plongeant dans un passé lointain.

« Les épidémies de peste étaient autrement plus graves que la pandémie actuelle. On n’arrêtait pas la messe pour autant, on poursuivait les sacrements », lance-t-il. Et de finir son sermon : « Les sacrements, comme la charité, sont nécessaires au salut. » Une bonne âme assure la quête. On n’entend pas les pièces qui s’entrechoquent. Dans le panier, on dépose plutôt des billets. Les croyants se souhaitent « la paix du Christ » sans se serrer la main, mais avec un signe de la tête.

« Heureux les invités au repas du Seigneur », convie le curé. Au moment de la célébration de l’Eucharistie, face aux cierges allumés sur l’autel, il met alors son masque et se frotte les mains avec du gel hydroalcoolique. Il est accompagné par deux laïcs pour donner la communion dans la main des participants, et jamais à la bouche. L’office, plus court que d’habitude, s’achève au bout de 35 minutes. « Allez dans la paix du Christ », conclut le maître des lieux qui ne s’attarde pas à l’intérieur de l’édifice.

Les troupes catholiques se dispersent discrètement, par petits groupes, via les deux sorties dont une seulement connue des initiés. « On a de la chance d’avoir cette messe, il faut la savourer », témoigne une vieille dame au moment de retrouver l’air frais. Mais d’ajouter : « On est comme si on faisait quelque chose de mal, c’est abominable cette sensation… »

Le curé, lui, dit adieu à ses ouailles sur le parvis. « Merci padre ! », encense une paroissienne. En enfreignant la loi, « le berger et ses brebis » risquent une amende pour non-respect du confinement, mais aussi une fermeture du lieu de culte par les autorités. « Le risque, c’est aussi de perdre mon boulot, que mon évêque m’interdise de célébrer et que cela crée des divisions », redoute-t-il.

A la Conférence des évêques de France (CEF), « on réprouve ces pratiques qui sont illégales ». « Je trouve ça stupide d’ignorer la loi alors que nous devons montrer, nous aussi catholiques, que nous participons à la lutte contre l’épidémie. Cela jette un soupçon sur l’ensemble de l’Église », regrette son porte-parole Vincent Neymon."

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