Revue de presse

"Ces écoles catholiques plébiscitées par les musulmans" (Le Figaro, 7 av. 14)

2 mai 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Par Marie-Estelle Pech.

"[…] le malaise affleure parmi les enseignants lorsqu’il est question du corps ou de la sexualité avec certains élèves. « Il est parfois difficile de parler de Darwin et de l’évolution, ils râlent », raconte Sabrina Majewski, la professeure de biologie. Lorsqu’en histoire de l’art, des statues grecques ou romaines nues illustrent les pages d’un manuel, « certains rigolent, gênés. D’autres les cachent carrément avec leur trousse ou détournent les yeux », explique Christophe Arpin, le professeur d’histoire qui ne se démonte pas pour autant : « Je les engueule et les force à regarder. » Professeur de français et de catéchèse, Stéphanie Lacour s’est « une fois » entendu dire par une jeune fille que « son père choisirait son mari, qu’elle ne le connaîtrait pas et que c’était très bien ainsi ». Fin de la discussion : « Je lui ai dit que ce n’était pas ma conception du mariage mais je me suis confrontée à un mur. »

Les limites de cet accueil de musulmans en terrain catholique, ce sont ces « violences verbales liées à l’ignorance » de quelques « jeunes qui n’ont plus de repères et se raccrochent à leur religion comme à une bouée de sauvetage », rapporte le principal. Les discours « extrêmes » restent toutefois rarissimes, relève-t-il. Les parents qui inscrivent leurs enfants à Pascal le font en effet en connaissance de cause. Le règlement du collège et son « esprit » catholique leur sont expliqués lors de l’inscription. En réalité, la majorité des jeunes du collège sont surtout peu pratiquants, mal informés sur leurs religions respectives, selon le principal.

L’établissement s’est adapté peu à peu à sa nouvelle population. Pour les élèves notamment musulmans mais pas uniquement qui ne fréquentent pas la catéchèse, un cours de « culture religieuse » est proposé depuis dix ans. Le diocèse a décidé de le rendre obligatoire cette année. « Ce n’est pas uniquement historique. Il s’agit de s’approprier les différentes formes de spiritualité », raconte Christophe Arpin. Responsable de la Pastorale du collège, Marthe Olivier a choisi d’œuvrer dans cet établissement « parce qu’il correspond à mes valeurs ». « On rassure les parents. Il ne s’agit pas de convertir les enfants. Mais il m’est déjà arrivé qu’un enfant musulman réclame le baptême. Beaucoup demandent aussi à venir au caté pour partager ce temps avec leurs camarades. Une mère d’élève m’a déjà remerciée d’avoir parlé de Jésus à son fils, expliquant que dans l’islam, on ne parle pas assez de Jésus qui a une place de prophète très importante dans le Coran ». La chorale maîtrisienne du collège, elle, chante des chants religieux chrétiens, sans que cela ne pose de problème aux jeunes musulmans qui la fréquentent… Pour le reste, l’établissement ne diffère guère d’autres établissements catholiques entre les récoltes de jouets à Noël pour des associations caritatives ou les ventes de crêpes pour les Sœurs de la Sagesse à Haïti.

De fait, l’école catholique française accueille des élèves musulmans de façon grandissante depuis les années 1970. « Nous suivons l’évolution démographique », observe Claude Berruer, secrétaire général adjoint de l’enseignement catholique. Les musulmans représentent la moitié des effectifs de deux collèges de Roubaix. En Seine-Saint-Denis, les établissements catholiques comptent un tiers d’élèves de culture musulmane, voire davantage. La situation est similaire dans la périphérie de Lyon, Saint-Étienne. Et dans les quartiers nord de Marseille, un collège en reçoit 98 %. Certes, ces cas sont aussi liés à une implantation scolaire dans des zones « ghettos » peuplées par des populations d’origine immigrée.

Il aura cependant fallu longtemps pour que l’enseignement catholique ne considère plus le phénomène comme marginal et s’interroge sur une méthode d’éducation à adopter. Le « respect de la dimension spirituelle de l’individu » est recherché par les familles musulmanes qui espèrent aussi une école préservée et une forme « d’ascension sociale », affirme l’enseignement catholique qui a édité fin 2011 un guide pour ses personnels : « Musulmans en école catholique ». Un manuel pratique pour leur permettre de faire face à des cas qu’ont pu connaître certains établissements. Jusqu’à quel point faut-il tolérer les absences lors des fêtes religieuses ? Faut-il servir des repas halal ou organiser un coin de prière comme certains établissements ? Dans quelle mesure ces élèves peuvent-ils suivre certains cours de catéchisme ? « N’oubliez pas que le choix de ces familles est souvent lié au fait qu’on parlera de religion à leurs enfants et que ceux-ci seront respectés en tant que musulmans », répond le guide qui tente d’apporter des réponses à des dizaines d’exemples concrets : dans un collège catholique de centre-ville, on remarque de nombreuses absences des élèves musulmans au moment de l’Aïd. Le responsable de vie scolaire ne les sanctionne pas dans la mesure où leurs parents ont donné un motif sur le carnet de correspondance, ce qui entraîne une tension en salle des professeurs.

Ailleurs, c’est un groupe d’élèves de terminale qui refuse d’aller à la piscine pendant le ramadan, au motif qu’ils risqueraient d’avaler de l’eau. Les parents ont demandé une dispense d’activités sportives… Dans ce cas, juge l’enseignement catholique, il est nécessaire de « rappeler l’obligation d’assiduité pour tous les cours dans la circulaire du ministère de l’Éducation et le règlement de l’école ». Les demandes de coins prières interrogent aussi les responsables d’établissements. Dans tel lycée, des élèves musulmans prient régulièrement dans la cour. Un jour de pluie, la directrice leur propose une salle qu’ils s’approprient et qui devient leur salle de prière… Le vade-mecum de l’enseignement catholique indique que si l’établissement autorise la mise à disposition d’une salle de prière pour les musulmans, « il convient de bien encadrer la mise à disposition en posant des règles claires avec des lignes de conduite dans la salle, des horaires d’accessibilité et de jours ». Toutefois, « actuellement, face aux influences radicales, mieux vaut répondre négativement à toute demande pour éviter une source de conflit », recommande l’institution. Autant de sujets casse-tête que le collège privé Pascal de Roubaix n’a pas connus mais qu’une partie des établissements catholiques doit désormais résoudre."

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