Revue de presse

"Aide à mourir : la fin de vie mise sur pause" (N. Domenach, Challenges, 23 nov. 23)

(N. Domenach, Challenges, 23 nov. 23). Nicolas Domenach, éditorialiste à "Challenges". 26 novembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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""Ni le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face." Cette maxime, Emmanuel Macron paraît l’avoir fait sienne. Car, dès que la loi pour l’aide médicalisée à mourir se profile, le président procrastine. D’autres urgences sont toujours plus urgentes. Il repousse la décision. N’en finit pas de sonder les cœurs, les reins, les âmes, y compris la sienne.

Les arbitrages sont mis en attente et les ministres font du surplace dans le brouillard. Ses proches multiplient les confidences sur les tourments – respectables – du souverain républicain que le pape en personne aurait ébranlé dans sa détermination. Mais l’inertie corrompt la volonté. C’est reculer que d’être stationnaire. C’est prolonger des souffrances aussi que l’actuelle loi Claeys-Leonetti ne permet pas d’abréger. C’est refuser aussi l’ultime liberté laissée aux malades incurables de choisir une mort qui leur permettrait d’éviter une agonie parfois intolérable.

"Ce n’est pas toujours la loi qui prime"

Cette attente indue en blesse beaucoup. Car les textes de loi permettent la sédation profonde, mais pas d’abréger une déchéance que refuse celui qui est atteint d’un mal incurable. Certains, qui ont les moyens, partent en Suisse ou en Belgique. D’autres ont recours à une euthanasie clandestine s’ils ont affaire à un médecin compréhensif. On pense au très catholique Alain Juppé, ex-Premier ministre et membre du Conseil constitutionnel, confiant que "devant son père en phase terminale, hurlant de douleur sur son lit d’hôpital et sans espoir de rémission, il n’avait pas eu la cruauté de laisser continuer ce supplice, pas plus que le médecin" ; et de conclure : "Ce n’est pas toujours la loi qui prime, c’est aussi l’homme et le courage de ceux qui décident."

Mais tout le monde n’a pas le courage, ni les relations, ni l’esprit des lois qui permet de transgresser celles qui sont inhumaines. Comme quand l’avortement était réprimé, avant que n’intervienne la loi Veil. Il avait fallu la force de caractère d’une femme, et de quelques hommes tels Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac. On ne voudrait pas penser que cette fermeté-là manque désormais au sommet de l’Etat. La société est prête.

Un choix de vie et de mort pour la dignité de l’homme

Les Français, à plus de 80%, se sont prononcés pour cette aide à mourir, les parlementaires aussi : 83% d’entre eux ont voté en avril 2021 l’article 1 de la proposition de loi d’Olivier Falorni. Son entièreté n’avait pu être adoptée en raison des manœuvres d’une poignée de parlementaires LR. Mais Emmanuel Macron n’en assura pas moins qu’il donnerait suite après avoir entendu une Convention citoyenne qui, en avril 2023, se prononçait à 75,6% pour l’aide active à mourir. Engagement était pris de légiférer, d’autant qu’il était inconcevable qu’après le raté de la Convention sur l’écologie, celle-ci soit bafouée.

La Convention a posé les choix. D’abord, une généralisation des soins palliatifs car 21 départements manquent encore d’une unité dédiée. Ensuite, un renforcement des droits des patients. Enfin, le droit nouveau de l’aide active à mourir en ultime recours. Avec un choix délicat entre le suicide assisté (un médecin prescrit le produit létal que le patient s’administre lui-même) et l’euthanasie (le médecin lui-même administre le produit).

Evidemment, les débats parlementaires devront encore affiner les dispositions à prendre. Avec doigté, pour ne pas heurter des consciences. Mais au nom de quoi ceux-là devraient-ils priver les autres d’un choix de vie et de mort qui laisse à l’homme sa dignité ?"



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