“Une "mosquée" dans la cité U” (L’Express, 10 jan. 08)

14 janvier 2008

"Des affichettes confectionnées à la hâte barrent la porte d’entrée : « Stop à la fermeture abusive de la salle ! » Le long bâtiment G étale sa façade fanée dans un recoin de la résidence universitaire d’Antony (Hauts-de-Seine), la plus grande de France avec ses 2 000 résidents. Ici, le « G » renvoie davantage au mot « guêpier » qu’à une lettre de l’alphabet. Le climat est électrique depuis que le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de Versailles a bouclé, le 2 janvier, une salle du rez-de-chaussée afin d’y effectuer des travaux de sécurité et, surtout, de mieux contrôler son utilisation.

L’endroit, réservé à des activités « polyvalentes », selon l’épithète administrative en usage, abritait en réalité un lieu de culte musulman, au vu et au su de tous... depuis 1978. Au fil des années, la pièce avait même fini par faire office de mosquée de proximité, fréquentée tant par des résidents de la cité U que par des croyants de passage.

Cent cinquante fidèles à la prière du vendredi, les hommes et les femmes séparés par une cloison, une boîte aux lettres et du courrier adressé à la « mosquée Omar ibn al-Khattab », dûment répertoriée sur les sites Web spécialisés... De quoi faire désordre dans un édifice public soumis à la règle laïque. « Cette salle était devenue une enclave », souligne Alain Boissinot, recteur de l’académie de Versailles.

"Nous avons cru bien faire et nous n’en sommes pas fiers"
Pour comprendre, il faut revenir aux années 1980, marquées par l’essor de la pratique musulmane en France. Les entreprises et les administrations font preuve de bienveillance envers les fidèles, souvent dépourvus de lieux de culte. A partir de la décennie suivante, la religion du Prophète devient un sujet sensible en raison des attentats islamistes. A Antony, la direction laisse fonctionner le lieu de culte, de crainte de susciter des polémiques. « Nous avons cru bien faire et nous n’en sommes pas fiers, admet Jean-Pierre Guyet, directeur adjoint du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), mais l’administration a aussi le droit de rectifier ses fautes. »

Le cas d’Antony n’est pas isolé. Une dizaine d’autres mosquées officieuses, nichées dans des cités U, ont été discrètement fermées depuis 2001. Deux autres subsistent, dans la région de Valenciennes (Nord). Dans le bâtiment G, toutefois, l’histoire dure depuis trop longtemps pour se résoudre en un tour de clef. C’est « la direction elle-même » qui a mis la pièce à la disposition des étudiants musulmans, tonne Abdellatif Belkadi, l’un des représentants de la « mosquée ». « Juste en face, ajoute-t-il, il y a une salle d’eau et des toilettes : ça convenait parfaitement pour les ablutions. » Les fidèles invoquent le règlement intérieur, qui garantit la « liberté religieuse, de réunion et d’association » des résidents."

“Une "mosquée" dans la cité U”.


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