Revue de presse

Sihem Habchi : "Baby-loup : symbole républicain en péril" (huffingtonpost.fr , 27 nov. 13)

27 novembre 2013

"La situation de la crèche Babyloup reflète aujourd’hui la situation des femmes des quartiers : l’abandon des pouvoirs publics, l’achat de la paix sociale sur le dos des femmes et le dévoiement de la laïcité.

Depuis 1989, année de "l’affaire du voile" à l’école de Creil, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ainsi, 23 ans plus tard, la République, toujours à l’épreuve des pressions obscurantistes, fait face aux mêmes obstacles : le refus d’appliquer la laïcité à tous et toutes avec un obscurantisme rampant.

Après tant de combats sur le terrain, je ne sais plus ce qui est le pire, entre les menaces sur les corps et les âmes de prosélytes toujours plus imaginatifs ou les trahisons de ceux qui sont là, censés vous protéger non comme minorités mais comme citoyennes. On subit les menaces et elles vous forgent, on ne réussit pas à supporter la trahison des élites républicaines.

En effet, à partir de la loi de 2004 qui protégeait la liberté de conscience du mineur dans l’espace de l’école, on se demande aujourd’hui comment concevoir qu’il n’en va pas de même pour le secteur de la petite enfance.

Cette question semble partagée par une majorité de Français qui, en soutenant la crèche Babyloup, expriment le choix du bon sens.

Les pérégrinations de cette affaire tendent à révéler les errements de certains adeptes du compromis. De fait, on crée l’Observatoire de la Laïcité avec pour objet immédiat la nécessité de trouver une issue à la crèche Babyloup. Mais, en regardant de plus près la composition de cet Observatoire, on découvre que cela ne pouvait mener qu’à l’évidence d’un non soutien à la crèche.

Certes, la perversion est un art qui conduit à se défausser. Les deux femmes qui ont été choisies pour leur background "musulman" et membres de l’Observatoire sont farouchement pro-voile. Je pourrais ainsi citer une certaine Dounia Bouzar, nommée pour son expertise par le Premier Ministre et bien connue pour ses écrits en 2001 sur les prédicateurs qu’elle désigne comme les nouveaux travailleurs sociaux.

Il est urgent de rappeler que pendant près de 10 ans, certains membres du gouvernement se sont opposés à toute loi visant la restriction de la liberté religieuse. À l’exception du vote de Manuel Valls et de celui de Aurélie Fillipeti, la loi sur la burqa est passée avec l’abstention de la majorité qui est au pouvoir.

Mais force est de constater aujourd’hui, entre l’abandon des quartiers populaires à la violence et les communautaristes, que la mise sous embargo de la seule association féministe issue des quartiers, à savoir, NPNS, qui a porté le combat laïque et féministe, permet de craindre le pire.

La fermeture de la crèche Babyloup à Chanteloup les Vignes, suite à la décision de la cour de Cassation en mars dernier d’annuler le licenciement de l’employée voilée, symbolise un recul pour la République.

Les réponses juridiques ne manquent pas. Si une crèche privée subventionnée par des fonds publics est dotée de règles d’organisation et de fonctionnement spécifiques, elle exerce donc une activité de service public au sens matériel.

En l’espèce, Babyloup peut sans problème être requalifié en activité de service public, ce qui permettrait de déclarer légal en l’état le règlement intérieur de Babyloup et de pouvoir ainsi valider le licenciement. D’autant que la reconnaissance d’un tel règlement stipulant la neutralité confessionnelle apporte une réponse non négligeable face à l’absence d’encadrement juridique de l’expression religieuse dans le secteur privé, source de conflits recensés par la Commission Laïcité du HCI.

Sur le principe, ce choix est possible, c’est un choix politique et de société. Cette jurisprudence offrirait la voie de l’apaisement sur le terrain. Le statu quo et la passivité donnent raison à tous les prosélytes décidés à faire fermer la crèche par pressions et intimidations. Étouffer Babyloup conduit aussi à réduire l’espoir d’un souffle nouveau pour les femmes. Une crèche ouverte 24H sur 24H, 7 jours sur 7 est une telle innovation que l’on s’étonne que cette idée ne soit pas reprise avec le soutien de l’Etat pour appuyer et permettre le travail des femmes dans les quartiers. Alors se pose la question de la justice sociale face à cette notion de liberté religieuse supposée.

Le choix du "laisser-faire" ou du "laisser pourrir la situation", nourrit le ressentiment, le repli et la haine de l’Autre. Le corps social se fragmente, finit par se détourner de la République en trouvant un salut dans une dynamique religieuse et communautaire dangereuse. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous insuffler nos valeurs républicaines si, dès l’enfance nous ne sommes pas capables de garantir la liberté de conscience ? [...]"

Lire "Baby-loup : symbole républicain en péril".


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