Revue de presse

"Service public : chronologie d’une démolition" (Marianne, 21 juin 19)

Par Franck Dedieu, directeur adjoint de la rédaction de Marianne. 18 juillet 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Privatisation de fleurons, coupes dans les effectifs de police, suppression de tribunaux, austérité budgétaire à l’hôpital… Droite, gauche, ils s’y sont tous mis depuis trente ans.

  • 1987 - ÉDOUARD BALLADUR VEND LES BIJOUX DE FAMILLE
    Le vent reaganien touche les côtes françaises lors des élections législatives de 1986 et atteint le ministère des Finances un an plus tard, quand l’hôte des lieux, Edouard Balladur, lance sa grande vague de privatisations. Suez, Paribas, CGE (devenue Alcatel et Alstom) et TF 1 basculent dans le privé. Quelque 1,5 million de Français, convertis à l’actionnariat populaire par le charme de Catherine Deneuve, souscrivent les yeux fermés aux actions Suez. Mais le 19 octobre 1987, le krach boursier leur ouvrira les yeux sur le risque des marchés financiers.
  • 1995 - ALAIN JUPPÉ DÉSHABILLE LA FRANCE INDUSTRIELLE
    Au mitan des années 90, même le parti gaulliste privatise à marche forcée. Tout à son objectif de qualifier la France pour entrer dans le club de l’euro, Juppé, Premier ministre de Chirac, cherche obstinément des recettes. Il privatise alors pour environ 15 milliards de francs Pechiney et Usinor-Sacilor. Ces deux fleurons passeront sous pavillon étranger avec pertes d’emplois et fracas industriels. Le premier se verra dépecer par le canadien Alcan ; le deuxième rogner par l’anglo-indien Mittal.
  • 1996 - MICHEL BARNIER OUVRE LE MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ
    Comme souvent à Bruxelles, tout commence par un nom de code et finit par une ode à la concurrence. Et la matière électrique ne fait pas exception. La directive 96/92 organise la compétition du marché de l’électricité entre fournisseurs sur le marché des entreprises. Michel Barnier, le ministre des Affaires européennes de l’époque, n’y trouve rien à redire. Mais, pour EDF, alors monopole, le monde change à cet instant-là. Fin 2005, l’Etat met une partie du capital en Bourse… mais le cours s’effondre et, avec lui, la valeur du portefeuille de l’Etat. Un recul de… 40 milliards.
  • 1997 - DOMINIQUE STRAUSS-KAHN VEND FRANCE TÉLÉCOM
    Rien ne devait arrêter la dream team de Jospin dans sa course à la modernité économique. Et surtout pas les agents de France Télécom, pourtant angoissés à l’idée devoir leur entreprise plonger dans l’univers agité de la Bourse. Selon le ministre de l’Economie Dominique Strauss-Kahn, l’opérateur doit jouer le jeu des marchés pour trouver de l’argent frais et racheter des actifs comme le britannique Orange, quitte à s’endetter (61 milliards d’euros en 2000) au-delà du raisonnable. Pour quel résultat ? Les effectifs en France entre 2007 et 2018 ont baissé de 12 %.
  • 2002 - LIONEL JOSPIN ET JACQUES CHIRAC LIBÉRALISENT L’ÉNERGIE
    A Paris, les deux têtes de l’exécutif bataillaient ferme pour le bureau de l’Elysée. Mais, en ce mois de mars 2002, à Barcelone, ils se trouvaient côte à côte. Ensemble même, Chirac et Jospin, devaient retarder encore la libéralisation totale du marché de l’énergie. Tout le gratin libéral européen les attend au tournant. La France avait libéralisé « seulement » 30 % de son énergie, contre 100 % pour la très sociale-démocrate Suède. De guerre lasse, ils accepteront les grandes lignes de la libéralisation, moyennant quelques réserves sur la date et le marché des particuliers.
  • 2003 - JEAN-FRANÇOIS MATTÉI PRÉPARE L’HÔPITAL AUX LOIS DU MARCHÉ
    Déjà, le vocable utilisé : « gouvernance ».Un emprunt à peine voilé à la terminologie managériale très en vogue au début des années 2000. Le ministre de la Santé, Jean-François Mattéi, pond son plan Hôpital 2007. Il instaure la tarification à l’activité pour mettre au diapason les moyens alloués aux établissements avec leur activité. Une logique de rentabilité, pas toujours compatible avec les missions de service public. Et, quand les exigences d’économie s’en mêlent et que la demande de soins bondit, les blouses blanches en ressentent les effets.
  • 2005 - DOMINIQUE DE VILLEPIN SOLDE LES AUTOROUTES
    L’allure altière, le verbe haut, il sut, à l’ONU, tenir tête aux Etats-Unis… mais pas aux sociétés d’autoroutes. Selon le Premier ministre et les grosses têtes de Bercy, 15 milliards déposés sur la table par les Vinci, Eiffage et consorts, ajoutés à une dette de 20 milliards effacée, ne pouvaient pas se refuser. Seul le centriste François Bayrou, peu suspect de vouloir mettre des soviets au capital des grands groupes, tique devant une telle opération. Résultat : sur les dix dernières années, les profits issus des péages autoroutiers engrangés par les concessionnaires ont augmenté de 20 %.
  • 2007 - NICOLAS SARKOZY PASSE AU KÄRCHER LES COMMISSARIATS
    Les flics l’adoraient à Beauvau, ils vont le blâmer à l’Elysée. Ministre de l’Intérieur, il négociait de belles enveloppes budgétaires mais, comme président, dès 2007, il tranche et taille avec sa nouvelle arme de service, la RGPP (Révision générale des politiques publiques). Résultat : fermeture de commissariats et diminution drastique des effectifs. Entre 2007 et 2013, le nombre de policiers et de gendarmes fond de 13 500 fonctionnaires. Pas besoin de solliciter un spécialiste du bien-être au travail pour comprendre l’origine du malaise !
  • 2007 - RACHIDA DATI NETTOIE LA CARTE JUDICIAIRE
    Les félicitations… de la Cour des comptes. En 2015, l’ancienne garde des Sceaux recevait des cost-killers de l’Etat la médaille d’or de la gestion publique pour sa réforme de la justice. « L’exemple de la carte judiciaire témoigne que la réforme d’un grand service public est possible, qu’elle peut avoir un coût initial maîtrisé », écrivent-ils. Sur le terrain, cet exemple de vertu comptable équivaut tout de même à un quart des juridictions en moins, au détriment de territoires déjà délaissés par tous les autres services publics.
  • 2015 - EMMANUEL MACRON PRIVATISE LES AÉROPORTS
    L’actuel président n’a pas commencé sa carrière de privatiseur en chef à l’Elysée. Non, il s’est un peu fait la main à Bercy comme ministre de l’Economie. En décembre 2014, il cède ainsi 49,9 % des parts de l’aéroport de Toulouse-Blagnac au groupe chinois Casil, vente ensuite annulée pour… vice de procédure. Décidément, entre les aéroports de Paris et de Toulouse, Emmanuel Macron a un mauvais karma avec les tarmacs. Avec les moteurs d’avion aussi : au cours de l’année 2015, il cède en deux fois presque 7 % de Safran aux environs de 64 €… l’action. Elle cote aujourd’hui le double.
  • 2015 - NAJAT VALLAUD-BELKACEM TIRE LE COLLÈGE VERS LE BAS
    Au collège de la ministre socialiste, les professeurs-partenaires délivrent aux apprenants-élèves des outils pour devenir autonomes. Comme un aboutissement de trente ans d’idéologie et de destruction des méthodes d’apprentissage, cette philosophie bisounourso-égalitaire se déploie par des décisions brutales : fin des classes bilangues et suppression des options latin et grec. Les jeunes n’apprendront pas le mythe grec du lit de Procuste. Ce brigand attachait les voyageurs sur sa couche et en coupait les membres qui dépassaient par souci d’égalité et de conformité.
  • 2019 - BRUNO LE MAIRE LIQUIDE DE JUTEUX ACTIFS
    « Le renouveau, c’est Bruno ! » Son slogan de campagne à la primaire de la droite en novembre 2016 prend un coup de vieux. Le ministre de l’Economie se cale désormais dans les pas d’Edouard Balladur, promoteur du fameux actionnariat populaire. Bruno Le Maire souhaite réserver aux petits porteurs une partie du capital des groupes sur le point de passer au privé, comme ADP et Française des jeux. Il trouvera sans doute des souscripteurs mais, pour l’instant, il se retrouve face aux signataires de la pétition pour un référendum sur la privatisation d’ADP. Le sursaut du peuple, c’est ballot !"

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