Revue de presse

"Séparatisme, les Francs-maçons veulent renforcer la neutralité des services publics" (la-croix.com , 5 jan. 21)

18 janvier 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Auditionnés mardi 5 janvier à l’Assemblée nationale, les représentants maçonniques souhaitent notamment réintroduire dans le projet de loi l’extension du devoir de neutralité des fonctionnaires à tout collaborateur d’une mission de service public, y compris les mères voilées accompagnant des sorties scolaires.

Bernard Gorce

Le projet de loi réaffirmant les principes républicains a reçu un accueil favorable des principales loges maçonniques. La commission spéciale de l’Assemblée nationale réunissait, mardi 5 janvier, sous l’intitulé officiel de « représentants des courants philosophiques », les responsables de six obédiences ainsi que de la Libre-Pensée.

L’occasion d’exprimer un a priori globalement positif, à l’inverse de la forte inquiétude manifestée la veille par les cultes.

Un projet de loi « satisfaisant », souligne en préalable le Grand Orient, un texte « ambitieux », estime la Grande loge mixte. Toutefois, au bout de trois heures d’échanges avec les députés, le consensus semble plus fragile qu’il n’y paraissait, tant les intervenants ont souligné les insuffisances, les ambiguïtés ou les effets redoutés d’une réforme à la fois technique et à forte charge symbolique.

Parmi les sujets sensibles, celui de la laïcité. Le projet de loi vise à étendre le devoir de neutralité des fonctionnaires à tout salarié d’une entreprise privée délégataire de service public. Pour les principales loges, la mesure est trop timide et doit concerner toute personne qui collabore à une mission de service public. « La neutralité du service public ne se divise pas », argumente Jean Javanni, délégué laïcité du Grand Orient, qui suggère d’ajouter la mention des « collaborateurs bénévoles » au premier article du projet de loi.

Les organisations touchent là au sujet très sensible des mères voilées accompagnatrices des sorties scolaires qui divise jusqu’au sein du gouvernement. La majorité a volontairement fait le choix d’exclure cette question du projet de loi, mais l’insistance des loges montre qu’elle ne manquera pas de revenir dans les débats.

Un autre point de désaccord concerne le régime des cultes. Le gouvernement veut inciter les associations 1901 qui gèrent un lieu confessionnel à passer sous le régime des associations cultuelles loi 1905 qui font l’objet d’un contrôle renforcé. Pour les inciter, la réforme vise à rendre ce statut plus attractif en donnant aux associations 1905 la possibilité d’administrer des biens immobiliers. Cette mesure – article 28 – opère un « changement d’équilibre de la loi de 1905 » pour Dominique Goussot, de la Libre-Pensée. Georges Voileau de l’Ordre maçonnique mixte international réclame sa suppression. « On demande à l’État d’aider les cultes à se constituer un capital », déplore Édouard Habrant, de la Grande loge mixte de France. Sur ce point, le Grand Orient semble plus mesuré, estimant qu’avant de « rejeter » l’article, il faudrait « une étude sérieuse de l’impact fiscal de cette mesure ».

Mais les critiques des obédiences ne vont pas que dans le sens d’un durcissement de la loi. Très attachées aux libertés d’association et de conscience, les organisations ont multiplié les attaques contre un texte trop flou, qui pourrait amener à des dérives. Est contestée l’idée d’un « contrat d’engagement républicain » que devrait signer toute association demandant une subvention publique. Soit il s’agit d’exiger d’elles un respect de la loi et alors la mesure est « superfétatoire », estime Patrick Meneghetti, de la Grande loge nationale française. Soit il s’agit de leur demander autre chose mais « qu’est-ce que cela recouvre ? », questionne celui qui s’interroge pour l’avenir : « S’il s’agit d’aller vers une interprétation de la laïcité qui soit plus de combat (…), là il y a lieu à s’inquiéter ».

Dans le même registre, les représentants maçonniques critiquent le sort spécifique fait aux associations cultuelles. Ainsi de l’article 39 qui aggrave les peines de droit commun pour les auteurs de propos haineux, lorsque ceux-ci sont tenus dans un lieu confessionnel. Sur le même thème, Dominique Goussot juge « excessive » la mesure qui permettrait à une autorité administrative de fermer pour deux mois un lieu de culte où auraient été tenus des propos incitant à la haine. « S’il était voté en l’état, le texte menacerait l’exercice de la liberté de culte », affirme le vice-président de la Libre-Pensée.

Enfin, parmi les autres mesures critiquées, celle qui donne au représentant de l’État un pouvoir de s’opposer à une déclaration en préfecture d’association cultuelle. « Est-ce que le préfet a compétence pour décider de ce qui est cultuel ou pas ? », interroge Pierre-Marie Adam, de la Grande loge de France. Beaucoup redoutent une forme d’ingérence du politique dans le religieux contraire au principe d’une stricte séparation.

Ces trois heures d’échanges pourraient finalement se solder par un sentiment de bilan plutôt négatif que vient toutefois atténuer Benoît Graisset-Recco, du Grand Orient. « Depuis les années 2000, la situation a changé », assure le Grand maître adjoint de la principale obédience, faisant allusion à la montée de l’islam radical : « Cette loi répond à une réalité qui nous oblige à ne pas tomber dans l’angélisme. »"

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