Remise des Prix le 8 octobre 2012 à la mairie de Paris

Prix de la laïcité 2012. Discours d’accueil de Patrick Kessel, Président du Comité Laïcité République

8 octobre 2012

Mes premiers mots s’adressent au Maire de Paris, Bertrand Delanoë et à la Première adjointe, Anne Hidalgo pour les remercier d’accueillir la 7e édition de remise des prix de la Laïcité, organisée par le Comité Laïcité République.

C’est grâce à Anne Hidalgo que, pour la 5e année consécutive, nous nous retrouvons dans cette somptueuse salle des fêtes de l’Hôtel de Ville de Paris pour cette manifestation qui constitue désormais un rendez-vous quasi-institutionnel de tous les laïques.

Je souhaite également saluer la présence de
. Pierre Schapira et
. Claudine Bouygues,
tous deux adjoints au Maire de Paris.

Depuis l’année dernière, Anne a annoncé sa candidature à la Mairie. Nous voulons lui dire toute notre sympathie et lui souhaiter bonne chance. Nous savons qu’avec elle, la laïcité ne sera pas oubliée. Qu’elle sera présente à l’Hôtel de Ville de la capitale.

A vous tous, chers amis, Bienvenue.

Vous êtes environ 400, parfois venus de loin, de nos régions, de Belgique, d’Algérie, de Tunisie, du Congo, du Québec..., représentants les élus de la nation et le mouvement laïque dans presque toutes ses composantes.

Je ne peux tous vous saluer [...].

Une laïcité malmenée, vilipendée, détournée [1]

Il y un an, nous faisions le triste constat d’une laïcité malmenée, vilipendée, détournée. Et ce, au moment où le pays en a le plus besoin pour garantir la paix sociale,

  • pour préserver la pluralité dans l’unité de la nation
  • pour promouvoir l’universalisme des principes républicains qui fondent la citoyenneté
  • pour combattre toutes les formes de racisme qui ne se découpe pas en fonction de cibles opportunistes.

Nous avions dénoncé

  • la montée des communautarismes qui fragilisent le tissu social et le très inquiétant hold-up de l’extrême-droite sur la laïcité
  • les manipulations visant à « toiletter » la loi de 1905, prétenduement pour la moderniser, en fait pour la contourner, la vider de contenu - souvenons-nous des discours de Latran ou de Riyad qui plaçaient l’instituteur en-dessous du prêtre en matière d’enseignement de la morale !
  • la loi Carle aboutissant à la parité du financement public entre écoles publiques et confessionnelles, quand il y a encore 500 communes en France sans école publique
  • l’accord avec le Vatican sur la reconnaissance des diplômes universitaires, remettant en cause le monopole de l’Etat
  • la circulaire Guéant instaurant les "conférences départementales de la liberté religieuse", institutionnalisant les autorités religieuses dans la vie politique, contrairement à l’article 2 de la loi de séparation des églises et de l’Etat
  • les reculades sur les lois bioéthiques ou encore sur le droit à mourir dans la dignité.

François Hollande nous a donné le sentiment d’avoir entendu notre message

Il y a un an, ici-même, nous formulions des voeux pour que l’élection présidentielle soit l’occasion d’un ressourcement républicain. Le candidat François Hollande nous a donné le sentiment d’avoir entendu notre message lorsqu’il a annoncé :

  • l’inscription dans la Constitution des principes du Titre Un de la Loi de 1905 , afin que celle-ci, trop souvent contournée, soit appliquée
  • l’abrogation de dispositions de la loi Carle
  • l’abrogation de dispositions de l’accord sur la reconnaissance des diplômes.

C’est pourquoi le CLR et un très grand nombre de républicains laïques l’ont soutenu.

Depuis, le nouveau Président n’a pas manqué, à plusieurs reprises, de décliner son attachement à la laïcité qui, seule, permet un véritable vivre-ensemble fondé sur la citoyenneté de femmes et d’hommes libres et égaux en droit, quelles que soient leur naissance, leur couleur, leurs convictions philosophiques et religieuses.

Là-dessus est arrivée - vous le savez - cette information un peu abracadabrantesque selon laquelle le concordat serait également inscrit dans la Constitution ! C’est peu dire que cela a jeté un froid !

Aussi, dans un esprit constructif, responsable, le Collectif laïque, constitué de 19 associations, a proposé la mise en place d’une commission nationale chargée de finaliser les conditions d’une transition concertée et graduelle en vue de l’application de la loi à tout le territoire national. Nous espérons que cette proposition qu’a portée tout particulièrement notre ami l’ancien sénateur Gérard Delfau sera entendue.

Sur ce sujet comme sur tous ceux qui touchent à la laïcité - Loi de 1905, loi Carle, circulaire Guéant, mise en place de l’Observatoire de la Laïcité, journée de la Laïcité, droit à mourir dans la dignité, mariage homosexuel -, nous voulons croire que nos espérances ne seront pas déçues.

Un exemple observé au-delà des frontières de l’Hexagone

D’autant que l’exemple de la République française est observé de près au-delà des frontières de l’Hexagone. La laïcité n’est pas franco-française. Elle est un message de fraternité adressé à tous les peuples.

Il y a un an, nous formulions des voeux pour que le "printemps arabe" ne se perde pas dans l’ "hiver islamiste". Nous ne sommes pas rassurés. Il s’en faut de beaucoup.

On pourrait citer tant d’exemples, où la liberté de conscience et l’égalité entre hommes et femmes sont menacées. Le Jury du Prix de la Laïcité s’est ému du sort fait au grand pianiste turc Fazil Say, contraint à l’exil pour ne pas abandonner sa liberté de conscience. Le Jury s’est inquiété de l’évolution inquiétante pour les libertés de la situation en Egypte.

Et comment ne pas songer à la Russie, où la justice vient de condamner à deux ans de colonie pénitentiaire trois jeunes femmes du groupe punk Pussy Riot pour « sacrilège blasphématoire » ?

Comment ne pas évoquer la Tunisie, si proche à nos cœurs ?

L’an dernier nous avions remis le prix international à Nadia El Fani pour son film Laïcité Inch Allah. Son film a été censuré. Elle a été menacée. Les journalistes, les télévisions travaillent sous pression.

Le doyen de l’université de Tunis Habib Kazdaghi s’est courageusement battu, s’opposant aux islamistes qui voulaient imposer le voile à l’université. C’est lui qui, désormais est poursuivi en justice. Il nous a adressé un message. Nous lui témoignons notre totale solidarité.

Nous voulons dire aux Tunisiennes que les associations laïques, ici représentées, sont à leur coté dans le combat courageux qu’elles mènent afin que la future Constitution inscrive bien l’égalité des droits entre hommes et femmes et non des droits différents, des droits inégaux.

Tous ces sujets seront traités en détail à l’occasion du colloque que le CLR organise le samedi 17 novembre à l’Assemblée Nationale auquel, d’ores et déjà, je vous invite.

Les femmes, nouveaux « hussards noirs »

L’actualité nationale et internationale a évidemment pesé sur les choix du Jury.

Le Prix de la laïcité a pour objet d’honorer des personnes ou des associations qui par leur engagement contribuent à promouvoir la laïcité, éthique de la liberté et de l’égalité. Dans le passé, le Prix a ainsi été décerné notamment à

  • Chadortt Djavan
  • Caroline Fourest et Fanietta Vener,
  • Isabelle Adjani
  • Gorgio Napolitano, président de la République italienne,
  • Guillaume Lecointre...

Cette année, le Jury a retenu deux femmes. Ce n’est pas un hasard. Car si les instituteurs au XIXe et XXe siècle ont été à l’avant-garde du combat laïque, ce sont les femmes, premières victimes des obscurantismes, qui constituent aujourd’hui les nouveaux « hussards noirs ».

Le jury, ces dernières années, a été présidé notamment par Elisabeth Badinter, Pierre Bergé, Jean-Pierre Changeux, Odile Saugues.

Cette année, Charb, directeur de Charlie Hebdo, a bien voulu assumer la présidence. Je l’en remercie ainsi que toutes les membres du Jury.

Je ne ferai pas de long commentaire sur l’actualité récente liée à la publication de caricatures et sur les diverses manifestations visant à rétablir un délit de blasphème, comme ce fut le cas ces dernières semaines aux Nations Unies ou au Parlement européen.

On a reproché à Charlie d’avoir "jeté de l’huile sur le feu". Paraphrasant un éditorialiste, je dirai :

"Le problème ce n’est pas l’huile, c’est le feu".

Il y a plus de 21 ans, une poignée de personnalités, déjà inquiètes des attaques contre la Laïcité, constituaient le Comité Laïcité République. Parmi les fondateurs : Claude Nicolet, qui fut notre Président, Louis Astre, Elisabeth Badinter, Henri Caillavet, Jean-Pierre Changeux, Régis Debray, Alain Finkielkrault, Gisèle Halimi, Catherine Kintzler, Albert Memmi, Yvette Roudy et Pierre Bergé.

[1En gras : intertitres ajoutés par la rédaction.


Voir aussi tout le Prix de la Laïcité 2012 dans la rubrique Prix de la Laïcité (note du CLR).


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