“Pourquoi le métis Obama se définit comme noir” (Le Monde, 26 août 08)

26 août 2008

"La grande majorité des métis blanc-noir américains, comme Barack Obama, candidat démocrate à la Maison Blanche, s’identifient comme noirs. Une incongruité liée à des considérations historiques dans une société, pourtant de plus en plus bigarrée.

Issu de l’union d’une mère blanche américaine et d’un Kényan noir, Barack Obama se déclare comme étant le premier "candidat noir" à l’élection présidentielle de l’histoire américaine. L’affirmation peut paraître saugrenue. Elle ne l’est pas aux Etats-Unis. Il y est "noir" pour l’excellente raison qu’il dit qu’il l’est : aux Etats-Unis, l’identification raciale - ou ethnique, depuis peu - n’est pas seulement codifiée sur le plan institutionnel, dans le recensement et par les administrations. Elle est aussi une affaire individuelle.
Chacun identifie sa propre "identité raciale" ou "ethnique" sur une liste qui lui est soumise, le terme "race" n’ayant pas dans ce pays la connotation fortement péjorative qu’il a acquise en Europe. Portant sur les Etats-Unis, cet article use donc du mot dans le sens qui lui est donné dans ce pays.

De fait, le terme n’a jamais été défini par le recensement américain, mais il ne remet pas en cause l’affirmation de l’unicité de la race humaine.

Aujourd’hui, ce recensement divise la population en cinq grandes catégories dites "raciales", une ethnique (les Hispaniques), une catégorie "Autres" et 63 sous-catégories. Il n’en a pas toujours été ainsi. Surtout, ces nouvelles identités ne sont autorevendiquées que depuis une vingtaine d’années. Depuis, plus précisément, qu’une immigration qui avait cessé d’être massivement non européenne et blanche a rendu caduques les anciennes catégories.

Très longtemps, les Etats-Unis n’ont connu que deux catégories : "Blancs" et "Noirs". Une troisième - "Autres" - regroupait pêle-mêle Mexicains, Amérindiens, Chinois, Japonais, etc. En 1907, les Blancs étaient divisés en trois sous-catégories : les "Nordiques" ou "Teutoniques", anglo-saxons, germains et scandinaves, ou vrais "Caucasiens", considérés comme "l’élite" ; les "Alpins", également dits "Slaves" (Europe centrale et orientale) et les "Méditerranéens". Les "Juifs" formaient une sous-catégorie particulière. Jusqu’en 1943, seuls Blancs et Noirs pouvaient devenir citoyens américains.

Le premier recensement (1790) considéra que les Noirs, qu’ils soient esclaves ou libres, comptaient pour "trois cinquièmes de personne". Les Amérindiens pour zéro. Le recensement ne tenait pas compte de leur existence. Il a fallu un siècle (1870) pour qu’une sous-catégorie "Amérindiens" voie le jour.

En 1912, le Congrès débattit : les Italiens, dont beaucoup, issus du Mezzogiorno, avaient la peau basanée, étaient-ils blancs ? Jusqu’en 1967, les mariages "interraciaux" restèrent interdits dans certains Etats américains. Et jusqu’en 1970, quiconque avait du sang noir ne pouvait être recensé que dans la catégorie "Noir", comme mulâtre, quarteron ou même octeron (un arrière-grand-parent noir sur huit).

En deux générations, tout a été bouleversé. Seul s’est maintenu l’usage des critères raciaux dans le recensement. Trois catégories à part entière ont été ajoutées : les "Hispaniques" en 1980, les "Amérindiens" en 1985, enfin les "Asiatiques". Et depuis 2000, le recensé est en droit de cocher deux cases. Par exemple : "Hispanique" et "Noir". Il peut aussi ne s’identifier qu’ethniquement, pas racialement : c’est ce qu’ont choisi de faire 42 % des Hispaniques, soit par principe, soit parce que leurs origines sont multiples, soit, pour ceux que cela concerne, parce qu’ils ne souhaitent pas s’identifier comme "Noirs". Barack Obama, lui, a mis une croix dans la seule case "Africain-Américain ou Noir". Il n’est pas le seul à avoir fait ce choix.

Lors du dernier recensement de 2000, parmi la population qui s’est identifiée comme issue de deux races, près d’un million de personnes se sont déclarées comme métis Blancs/Amérindiens, 835 000 métis Blancs/Asiatiques, et seulement 727 000 métis Blancs/Noirs, alors que ces derniers sont respectivement 17 fois et 3,5 fois plus nombreux que les Amérindiens et les Asiatiques.

Au total, seuls 2,5 % d’Américains se déclarent métis (deux races ou plus), une proportion bien en deçà de la réalité. De plus en plus de démographes évoquent la notion d’"hybridité" raciale. Car, avec la multiplication des mariages mixtes et l’augmentation des revendications d’origines multiples, la proportion des "hybrides" augmente sans cesse."

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