Revue de presse

"Pourquoi l’Observatoire de la laïcité est-il mis sur la touche ?" (Le Parisien, Aujourd’hui en France, 7 av. 21)

7 avril 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Jean-Louis Bianco, à la tête de l’Observatoire de la laïcité, vient d’en remettre les clés. Un départ qui fait planer des doutes déjà persistants sur la suppression de cet organisme, régulièrement contesté.

Par Aurélie Sipos

Une instance qui doit être « renouvelée », des pistes pour faire « évoluer le portage de la laïcité »... Depuis des mois, l’exécutif multiplie les pirouettes sémantiques lorsqu’il évoque le sort de l’Observatoire de la laïcité. La fin de cet organisme dans sa forme actuelle est pourtant bien un secret de polichinelle, y compris pour celui à sa tête depuis 2013, Jean-Louis Bianco, dont le mandat s’est achevé ce week-end.

L’estocade a peut être été portée par Marlène Schiappa le 31 mars dernier. « Nous souhaitons faire évoluer le portage de la laïcité au sein de l’appareil d’Etat (...) Ca ne passera pas nécessairement par le maintien de l’Observatoire de la laïcité », a lancé la ministre déléguée à la citoyenneté devant les sénateurs, dans la droite lignée des propos du Premier ministre Jean Castex prononcés en octobre.

Par sa voix, Matignon avait commencé a assombrir l’avenir de cette organisation indépendante, en disant « réfléchir au statut et aux missions de l’Observatoire », afin qu’il soit plus « en phase » avec le projet gouvernemental. Il « doit évoluer, parce qu’on ne peut pas se contenter de publication de rapports et de guides pédagogiques pour accompagner l’action du gouvernement », avait avancé le Premier ministre dans le sillage de l’attentat contre le professeur Samuel Paty. « La menace contre la République a radicalement changé », avait-il ainsi justifié. Pour mieux la contrer, le gouvernement réfléchit « à la création d’une instance de type haut conseil à la laïcité ».

Des accusations en laxisme

Seule certitude à ce jour, le départ de l’équipe actuelle. Depuis 2013, Jean-Louis Bianco, aidé de Nicolas Cadène, d’une vingtaine de bénévoles et de quatre salariés, ont formulé vingt-cinq avis consultatifs, effectué plus de mille déplacements, et édité cinq guides pratiques. Avec un but, le « respect du principe de laïcité en France », et une ligne directrice, la loi du 9 décembre 1905. Une mission qui a pris fin ce dimanche 4 avril.

En 2016, l’Observatoire s’est par exemple opposé aux arrêtés municipaux anti-burkini, en rappelant que « sur la plage, chacun est libre de venir habillé comme il le souhaite, dès lors qu’il ne dissimule pas son visage ». Plus récemment, en septembre 2020, alors qu’une polémique éclate autour de l’audition d’une étudiante voilée à l’Assemblée, il rappelle une nouvelle fois que la laïcité « n’impose pas la neutralité aux usagers ».

Même si de nombreux messages de soutiens ont été publiés ce lundi, avec ces avertissements au droit, sur lesquels l’organisme « n’a jamais été mis en défaut » comme le rappelle Jean-Louis Bianco, l’Observatoire s’est attiré quelques ennemis.

Je tiens à exprimer tout mon soutien à @jeanlouisbianco et @ncadene de l’Observatoire de la Laïcité(@ObservLaicite) pour leur engagement afin de sensibiliser et faire connaître, au sein de notre société, les notions et les principes de la laïcité. https://t.co/61i7fX8GOQ

— Latifa Ibn Ziaten (@LatifaIbnZ) April 5, 2021

Certains politiques et intellectuels reprochent à l’Observatoire de défendre « davantage ceux qui critiquent la laïcité que les autres », et d’être trop laxiste, quitte même à l’associer à l’assassinat de Samuel Paty. « Il y a pas mal de gens qu’on dérange parce qu’on est indépendant, qu’on apporte une vue apaisée », a répondu ce dimanche Jean-Louis Bianco sur France Inter, en défendant son bilan. Durant son mandat, il s’est régulièrement opposé à Manuel Valls, ex Premier ministre de François Hollande, et tenant d’une laïcité offensive.

« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage »

S’il ne se résout pas à l’enterrer, Jean Baubérot, historien de la laïcité, est bien conscient des menaces qui pèsent sur l’Observatoire. « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », s’agace-t-il. « Que la menace terroriste ait changé, oui bien sûr, mais il y a des instruments spécifiques dans la lutte contre la radicalisation qui ont été mis en place. L’Observatoire a fait des préconisations qui vont dans le sens de cette menace, il faudrait les suivre au lieu de casser l’instrument », martèle-t-il.

Au risque, selon lui, de payer les pots cassés d’une telle décision. « On veut supprimer les organismes médiateurs entre la société civile et l’Etat, c’est le signe d’un entre-soi politique, d’une vision très déconnectée. Forcément, ces instances n’ont pas le doigt sur la couture du pantalon de l’Etat. Sinon ils ne seraient pas médiateurs, souffle le spécialiste. Dans quelques années on verra la perte de leur disparition, par volonté d’avoir des gens au garde à vous », et par souci électoraliste, regrette l’historien.

Pour Sophie Gherardi, directrice du centre d’étude du fait religieux contemporain, la laïcité est bien un combat politique. « Le terme de laïcité est porteur de ses propres ambiguïtés », estime-t-elle. « Pendant des siècles l’Église dirigeait et elle le faisait avec une grande brutalité, elle s’appuyait pourtant sur des textes de l’Évangile. On retrouve cela aujourd’hui, les textes sont d’une grande mansuétude, ils prônent la liberté de conscience, etc. Sauf qu’ils n’arrangent par les tenants du combat laïc. Et dès lors que vous vous référez au droit et à l’histoire, vous êtes un mou, un tiède, analyse-t-elle. La laïcité est un très mauvais terme, il n’est défini nulle part dans la loi, même dans celle de 1905. Et le problème est celui-là : tout le monde a un peu raison »."

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