Revue de presse / tribune

"Peut-on dénoncer l’oppression en déclarant la neutralité de son emblème princeps, le voile ?" (Vigilance Universités, marianne.net , 31 oct. 22)

25 novembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"[...] Le collectif d’universitaires et chercheurs, Vigilance Universités, apporte son soutien inconditionnel aux femmes et hommes, souvent très jeunes, qui luttent actuellement en Iran pour la liberté au prix de leur vie. Vigilance Universités regrette que ce soutien ne soit pas aussi ferme, clair et décidé qu’il devrait l’être au sein du monde de l’éducation et de la recherche.

Comment ne pas scander avec le peuple iranien le slogan « Femme, Vie, Liberté ! » Ce que ces femmes, des enseignantes, des étudiantes, des adolescentes - et les hommes qui les soutiennent – rejettent avec l’imposition du voile, c’est tout ce que celui-ci symbolise et incarne : un régime théocratique et dictatorial fondé sur l’infériorisation et la sujétion des femmes.

Ce cri de liberté ne doit pas nous surprendre. En 1979, les femmes iraniennes furent les premières à descendre massivement dans la rue pour protester contre l’obligation du voile décrétée par l’imam Khomeini à la veille de la Journée internationale des femmes, le 8 mars. Seuls les soutenaient à l’époque, ici, en France, quelques rares groupes féministes, conscients des enjeux et de la portée des événements iraniens, bien au-delà des frontières du pays. Pendant ce temps, des intellectuels célèbres, des journalistes de renom voyaient dans la « république islamique » un nouveau modèle révolutionnaire d’organisation de la société et de l’État.

Nous nous réjouissons de voir qu’aujourd’hui la révolte des filles et petites-filles des manifestantes de 1979 est davantage soutenue dans notre pays, y compris parmi ceux qui, il y a peu encore, défendaient farouchement le port du voile musulman dans les pays occidentaux et s’abstenaient, par crainte « d’islamophobie », de soutenir les femmes qui le rejetaient. Malheureusement, nous pouvons aussi mesurer les conséquences nocives de ces positions sur une partie de la jeunesse, qui considère aujourd’hui la laïcité comme raciste et les signes religieux comme une expression de liberté et de lutte contre le racisme et l’exclusion.

Bien sûr, il ne faut pas amalgamer port du voile en Iran et port du voile en France. Les jeunes filles qui choisissent de porter le voile en France le font pour de multiples raisons qui sont personnelles et n’ont pas nécessairement une visée politique. En accord avec ces droits mêmes que nous défendons, nous nous devons de respecter ces choix. Mais le souci de ne pas plaquer une réalité sur une autre, le désir de reconnaître et respecter les choix individuels, et la volonté de comprendre leurs multiples ressorts, ne doivent pas nous empêcher de soumettre à la réflexion collective certains paradoxes.

Peut-on dénoncer l’oppression en déclarant la neutralité de son emblème princeps, le voile ? L’islamisme, ses symboles et ses crimes, ne s’arrêtent pas aux frontières. Et ce n’est pas parce qu’un instrument d’oppression est librement choisi qu’il en devient, miraculeusement, émancipateur. L’adoption volontaire, zélée, enthousiaste même, d’un symbole d’oppression ne transforme pas celui-ci en étendard de la liberté. « Cachez ces contradictions que je ne saurais voir » ne peut pas être la ligne de conduite d’un vrai défenseur des valeurs humanistes dans lesquelles la gauche en particulier se reconnaît. Entre Tartuffe et Voltaire, le choix est simple, ou devrait l’être. [...]"

Lire "Nous souhaitons voir émerger un Iran laïque et démocratique"



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