Note de lecture

Pas noires, mais comédiennes (G. Durand)

par Gérard Durand. 26 juin 2021

[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Collectif (dir. Aïssa Maïga), Noire n’est pas mon métier, éd. Le Seuil, 2018, 128 p. 17 e.

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Seize, elles sont seize jeunes actrices noires cherchant à se faire un chemin dans le paysage audiovisuel français. Elles sont seize à nous raconter leur quotidien, au théâtre comme au cinéma ou la télévision. Seize à courir les castings, les rendez-vous improbables dont elles savent bien qu’elles ne tireront pas grand-chose mais ou elles se rendent quand même, parce qu’on ne sait jamais. Elles témoignent dans ce petit livre dont le première édition date de 2018.

Certaines, comme Firmine Richard ou Sonia Rolland, sont connues, d’autres beaucoup moins ou pas du tout, mais toutes doivent se battre en permanence contre un racisme aux formes diverses. Car le racisme est sournois, il peut se dissimuler sous les meilleures intentions du monde. Par exemple dans les nuances de couleur de leur peau, trop ou pas assez noire, dans leur accent car souvent elles doivent avoir un accent africain - Michel Leeb est passé par là.

La première question qu’on leur pose concerne souvent leurs origines. "D’où venez-vous ?" Pour beaucoup de producteurs, il est inimaginable que l’on puisse être noire et venir de Bobigny. Pourtant elles sont françaises, pour la plupart nées en France, certaines n’ont jamais mis les pieds en Afrique. L’Afrique n’est même pas leur objectif, leur objectif c’est les Etats-Unis ou les studios embauchent des noirs, comme les écoles de théâtre ou les troupes, ou la formation est exigeante et permet de revenir avec un solide bagage et de maîtriser presque tous les rôles.

Et là se creuse l’écart, pour la plupart des réalisateurs français une actrice noire doit se satisfaire de rôles dévalorisants, la mama africaine entourée de marmaille, la femme de ménage à condition qu’elle ait ou mime l’accent africain (sic) ou encore la prostituée qui doit dévoiler son corps, car le corps de la femme africaine reste source de fantasmes pour beaucoup de mâles blancs.

A l’exception des Antillaises, elles sont pour l’essentiel de la seconde génération, parfois de la troisième, et la plupart nous donnent l’origine de leurs parents et nous font voir à quel point la France est un melting-pot.

Rien dans ce livre ne relève du pathos ou des lamentations. Elles ont appris à se mouvoir dans un milieu qui les rend invisibles et à se battre pour faire comprendre qu’elles ne sont pas noires, mais comédiennes.

Une grande leçon sur la vie réelle de notre société.

Gérard Durand


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