Revue de presse

"Mort de Marc Blondel, l’intransigeant tribun de FO" (lemonde.fr , 17 mars 14)

20 mars 2014

"Marc Blondel ne connaîtra jamais le résultat de l’élection municipale à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) où il craignait, et cette simple hypothèse le mettait en colère, une victoire du Front national. L’ancien secrétaire général de Force ouvrière, de 1989 à 2004, est décédé dimanche 16 mars dans la soirée à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris, à la suite de troubles cardiaques.

Fort en gueule, « tribun hors pair », comme l’a souligné son successeur, Jean-Claude Mailly, qui était son fils spirituel, Marc Blondel était d’un bloc. Il n’aimait pas transiger, même s’il était parfois obligé de s’y résoudre, et il jugeait que le syndicalisme, celui du bas de « la feuille de paie », n’avait pas à s’adapter aux changements de la société mais que c’était à celle-ci de faire avec les syndicats, défenseurs intransigeants des intérêts matériels et moraux de la classe ouvrière.

Né le 2 mai 1938 à Courbevoie (Hauts-de-Seine), Marc Blondel, fils de militaire et petit-fils de mineur, passe son enfance au milieu des corons, à Hénin-Liétard (Pas-de-Calais), qui deviendra Hénin-Beaumont. Après son baccalauréat, il descend à Paris et entame des études de droit qu’il ne mènera pas à leur terme. Il multiplie les petits boulots, d’auxiliaire des PTT à vendeur sur les marchés.

Engagé à l’UNEF, il milite pour l’indépendance de l’Algérie. En 1958, il se syndique à FO et il devient en 1960 secrétaire du syndicat des organismes sociaux de la région parisienne avant d’être permanent à l’union des employés de la région parisienne. Il gravit les échelons à l’intérieur de la fédération des employés avant d’être élu, en 1974, secrétaire général.

En 1980, il entre au bureau confédéral de FO, aux côtés d’André Bergeron, et prend la responsabilité du secteur économique. Charismatique, cet amateur de bonne chère, de gros cigares et de tauromachie, s’impose assez vite dans le paysage syndical. Membre du Parti socialiste, Marc Blondel n’a jamais reconnu ouvertement avoir été trotskiste mais il avait une complicité naturelle avec ce courant de pensée, très influent à FO et notamment dans les organismes de sécurité sociale.

Le 4 février 1989, Marc Blondel est élu secrétaire général de FO avec 53,6% des voix contre Claude Pitous, le « dauphin » d’André Bergeron qui avait fait ce choix par rejet de celui qui allait devenir son successeur auquel il vouait une solide inimitié. Le congrès de la succession est houleux. Marc Blondel défend un « syndicalisme de la contestation » face à ce qu’il appelle le « syndicalisme d’accompagnement ».

La confédération se fracture et sort profondément meurtrie de cet affrontement. Marc Blondel s’efforce de recoller les morceaux et réussit à pacifier peu à peu le syndicat. Mais il prend ses distances avec la pratique d’André Bergeron qui signait systématiquement les accords interprofessionnels avec le patronat. Une sorte de grève du stylo.

Réélu à des majorités écrasantes en 1992, en 1996 et en 2000, Marc Blondel s’illustre lors du mouvement social de 1995 contre le plan Juppé sur la Sécurité sociale. Il est un des meneurs de la contestation et n’hésite pas à s’afficher avec Louis Viannet, son homologue de la CGT, illustrant cette apparente réconciliation avec un syndicat auquel il reproche son obédience au Parti communiste, par une théâtrale poignée de mains en début de manifestations. [...]

Marc Blondel se bat pour le retrait du plan Juppé et il n’obtiendra que partiellement gain de cause. Mais son organisation y laisse des plumes. FO doit abandonner à la CFDT la présidence, en alternance avec le patronat, de l’assurance-chômage.

Autoritaire, volontiers cassant, Marc Blondel sait aussi se montrer chaleureux. Il fait preuve aussi d’une grande roublardise. Sous le gouvernement de Lionel Jospin, de 1997 à 2002, Marc Blondel n’hésite pas à afficher sa bonne entente avec Jacques Chirac, avec lequel il prend l’habitude, comme il le faisait avec François Mitterrand, de déjeuner en tête-à-tête. Il n’hésite pas à guerroyer contre les 35 heures, malgré ses bonnes relations avec Martine Aubry, leur reprochant d’aboutir à une baisse du pouvoir d’achat des salariés.

Franc-maçon assumé, laïcard pur sucre – il présidera jusqu’en 2007 la Fédération nationale de la libre pensée –, il joue un rôle très actif à l’Organisation internationale du travail (OIT). Membre du conseil d’administration du Bureau international du travail, à partir de 1981, il défend les libertés syndicales et les conventions collectives et milite activement pour la libération des syndicalistes emprisonnés. Lorsque Jean-Paul II se rend à Genève, au siège de l’OIT, celui qui se revendique haut et fort athée, s’arrange pour ne pas avoir à baiser l’anneau du pape. Et il raconte l’anecdote avec beaucoup d’humour.

En 2002, au lendemain de la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, il refuse, au nom de la défense de l’indépendance syndicale dont il se veut le gardien intransigeant, d’appeler à voter pour Jacques Chirac, tout en fustigeant les idées de l’extrême droite. Le 7 février 2004, il laisse sa place de secrétaire général à Jean-Claude Mailly, qui avait été son collaborateur le plus proche. [...]

Depuis sa retraite, Marc Blondel, qui avait épousé en 1996 en secondes noces, sa secrétaire et compagne Josiane Gobert, qu’il appelait « Cacahuète », se tenait à l’écart de la vie de FO tout en fustigeant la réforme de la représentativité syndicale ou en avouant souffrir de « la conception dite socialiste, qui est fausse, de Hollande ». Il ne cachait pas son amitié avec Jean-Luc Mélenchon mais faisait partie du comité de soutien à Anne Hidalgo (PS) à Paris. Et il rêvait toujours d’un syndicalisme qui n’abandonnerait pas ses droits sur l’autel d’une quelconque unité nationale."

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