Revue de presse

"Miremont, son église, ses écoles, sa guerre scolaire" (Le Monde, 15 déc. 09)

18 décembre 2009

"Pas sûr que le petit village de Miremont et ses 2 000 habitants célèbrent le cinquantième anniversaire de la loi Debré. Sur ces terres de Haute-Garonne, l’école privée Saint-Joseph est bien plus qu’une institution : c’est une partie de l’histoire locale. En l’absence d’école publique, c’est le maire qui a demandé sa création en 1900. Et c’est l’artisan maçon du village qui s’y est attelé. Juchée au sommet d’une petite colline, elle domine l’église... et l’école publique.

Pourtant, Serge Baurens, le maire de la commune, ne décolère pas, depuis que cette petite école est passée du régime de contrat simple à celui de contrat d’association, comme l’y autorise la loi Debré. Le contrat simple permet à l’école de faire prendre en charge les salaires des enseignants et leur formation par l’Etat, en échange du respect des programmes. Le contrat d’association impose de plus grandes contraintes à l’école mais, surtout, il oblige la commune à payer, pour chaque élève résidant sur la commune et scolarisé dans le privé, un forfait - dit d’externat -, d’un coût équivalent à la scolarisation d’un élève du public. Les contrats simples ont vocation à disparaître : ce changement de statut est donc dans l’ordre des choses. Pour le ministère de l’éducation nationale, il n’y a d’ailleurs pas de problème puisque la loi Debré a officiellement "réglé" les rapports du public et du privé.

Mais ce règlement théorique ne calme en rien Serge Baurens. Avec ce changement de statut, le maire estime avoir été mis devant le fait accompli. Depuis, il a suspendu l’autorisation aux élèves du privé de fréquenter les installations sportives, la médiathèque et surtout la cantine de l’école publique. Il se défend de mener une croisade anticléricale : "Je suis maire depuis 2001 mais élu municipal depuis 1995. Avec mes prédécesseurs, nous avons toujours reconnu la place de l’école sur la commune. Rien ne nous y obligeait, mais nous lui avons permis de bénéficier des équipements collectifs. J’organise un cirque de Noël, tous les enfants y sont invités sans distinction. Un pacte nous liait avec le contrat simple. Je considère aujourd’hui qu’il est rompu."

Les réunions de conciliation dans le bureau du sous-préfet en présence du maire et d’Hervé Bonamy, directeur diocésain chargé de l’enseignement à l’évêché, n’ont rien donné. Chacun campe sur ses positions... Hervé Bonamy s’étonne : "Cela fait vingt-deux ans que je suis ces processus de contractualisation. Je n’ai jamais vu cela. Sans doute chaque région a-t-elle son histoire", se console-t-il en découvrant, après dix ans passés en Mayenne, terre d’élection de l’enseignement catholique, le charme discret des territoires marqués par l’empreinte du radicalisme laïc.

Pour le budget d’une petite localité comme Miremont, l’enjeu n’est pas mince : le paiement du forfait d’externat représente une moyenne de 600 euros par an et par élève. Président de l’Organisme de gestion de l’enseignement catholique (OGEC) de l’école Saint-Joseph, Alexandre Demolombe regrette : "A ce jour, le maire n’a pas versé un centime. Il doit l’année scolaire 2008-2009 et ce trimestre de rentrée. J’ai envoyé une lettre de mise en demeure au préfet pour lui demander de faire appliquer la loi."

[...] C’est pourtant bien un choc culturel que Serge Baurens a l’impression de prendre en pleine tête. "Le conseil municipal, quand il en a été saisi, a rejeté à l’unanimité le passage en contrat d’association. Mais passant outre l’avis des élus, le préfet a accepté la nouvelle contractualisation. C’est un déni de démocratie."

Cette colère est partagée par Laurent Escure, secrétaire général du Comité national d’action laïque (CNAL) : "Cet anniversaire marque pour nous un bien triste épisode : celui où l’Etat décide de financer les concurrents du service public. Que certains choisissent d’inscrire leurs enfants dans le privé, pourquoi pas ? Mais l’argent de tous doit-il financer le choix de quelques-uns ? Dès janvier, nous allons lancer une campagne d’information sur ces financements." Sous la loi Debré, les feux de la guerre scolaire."

Lire "Miremont, son église, ses écoles, sa guerre scolaire".


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