Culture / Cinéma

Made in Bangladesh : Le combat d’une femme (G. Durand)

par Gérard Durand. 15 décembre 2019

[Les échos "Culture (Lire, entendre & voir)" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Made in Bangladesh, de Rubaiyat Hossain (1 h 35), avec Rikita Shimu, Novera Rahman, Deepanita Martin. Sorti le 4 déc. 19.

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Ce film bengali nous plonge dans une réalité que même les quelques reportages ou articles de presse sur ce pays lointain ne pouvaient nous permettre d’imaginer, ou les femmes ne sont rien tellement cernées par les exploiteurs et la religion.

Elles sont 68 derrière leurs machines pour transformer les tissus en vêtements ou en linge destinés au boutiques occidentales. Au plafond un entrelac de fils électriques pour la plupart mal isolés, et l’inévitable se produit, la fumée, les flammes et la fuite de chacun pour sauver sa vie. Tous vont survivre, sauf une, mais celle la était l’amie de Shimu qui n’accepte pas de laisser les choses en l’état.

Shimu a vingt-trois ans et travaille dans cette entreprise depuis déjà six années, elle habite un tout petit appartement avec son mari chômeur et les fins de mois sont difficiles, tellement difficiles que les retards de loyer s’accumulent et qu’il n’y a pas toujours de quoi manger à la maison.

Le jour où, par hasard, elle rencontre une responsable syndicale, elle comprend que l’on peut obtenir un meilleur salaire et de meilleures conditions de travail à condition de se regrouper et de créer un syndicat. Car même au Bangladesh il y a un code du travail et des lois à respecter, dont les patrons se moquent totalement bien protégés par une administration corrompue.

Le film raconte l’histoire de la création de ce syndicat et des épreuves que Shimu aura à subir pour le faire exister dans un pays ou s’exprimer en tant que femme est déjà un crime de lèse autorité. Il nous parle avec talent des différentes étapes, il nous parle de la mondialisation, il nous parle aussi de nous.

Les moments forts sont nombreux. La scène ou des Occidentaux viennent visiter l’atelier guidés par un patron qui leur chante le bonheur de ses ouvrières, qui voient le rythme de travail, la vétusté des équipements, l’absence de mesures de sécurité et qui en partant demandent… une baisse des prix.

Pas de protection pour les ouvrières qui vivent dans la peur du licenciement et qui se font sortir de l’atelier parce que, en fouillant leurs sacs on y a trouvé des tracts syndicaux. Et il y a la religion. Le mari de Shimu qui se faisait discret et honteux lorsqu’elle était seule à faire vivre le foyer, trouve du travail et se transforme en quelques jours en homme musulman, il a des droits sur sa femme, Shimu a pris trop d’indépendance pendant cette période difficile et il faut la remettre au pas, le foulard négligemment jeté sur les cheveux doit être serré et bien couvrir tête et nuque, plus question pour elle de ne rien dire de ses déplacements ni même de se déplacer seule etc.

Shimu est en colère, et sa colère va lui faire oublier sa peur, face aux patrons, face à son mari, même devant ce fonctionnaire tout puissant mais corrompu qui, à son tour aura peur de voir révéler ses prébendes.

Un portrait de notre époque à voir de toute urgence.

Gérard Durand


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