Revue de presse

Lille, Metz, Nantes... La censure triomphante (G. Biard, Charlie Hebdo, 12 av. 23)

Gérard Biard, rédacteur en chef de "Charlie Hebdo". 14 avril 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Une semaine à vagues".

"On se souvient qu’il y a deux ans, à Sciences Po Grenoble, et à l’initiative du syndicat étudiant Union syndicale (né d’une scission avec l’Unef), deux professeurs avaient vu leurs noms placardés sur un mur de l’école, façon Affiche rouge « progressiste », assortis de l’accusation d’« islamophobie » et de « fascisme », puis leurs photos publiées sur les réseaux sociaux. Cela pour avoir contesté, dans une discussion par mail avec une collègue, le mot « islamophobie »…

On se souvient également que la direction s’était aplatie comme une sole devant ces méthodes de nervis d’extrême droite et avait même jugé bon de suspendre l’un des deux professeurs en signe d’allégeance. En ce printemps 2023, c’est à Sciences Po Lille que les noms de 11 étudiants ont été tagués sur une palissade, rebaptisée « mur de la honte », en face de l’établissement, dans la nuit du 2 au 3 avril. Leur crime : s’être prononcés contre le blocage de l’école comme mode d’action contre la réforme des retraites, lors d’une assemblée générale.

Mais cette fois, et contrairement à la tendance en vogue, le président de Sciences Po Lille, Pierre Mathiot, n’a pas botté en touche ou pris le parti des « justiciers ». Il a dénoncé « un sectarisme qui dépasse l’entendement » et des « pratiques insupportables et condamnables » qui visent à instaurer « une police de la pensée, une vision unique du bien, de ce qu’il est possible de dire et interdit d’exprimer ». « Notre école, conclut-il, ne peut pas, ne doit pas devenir un monde sans débat, sans pluralisme, sans respect entre les personnes. » On ne peut que saluer une telle prise de position, surtout à un moment où la mode est plutôt à la débandade, face à des menaces, du harcèlement, des violences et des anathèmes devenus monnaie courante dès qu’il s’agit d’affirmer un désaccord militant.

Les extrêmes se touchent

Car au même moment, à Nantes, des activistes LGBT parvenaient, à force de menacer de « venir avec des battes de base-ball », à faire annuler un colloque en soutien aux femmes iraniennes dans lequel devait intervenir la militante féministe Marguerite Stern, estampillée « transphobe » par les ligues de vertu queer. Le Comité Laïcité République (CLR) Pays de la Loire, organisateur de l’événement, a dans un premier temps cédé à l’intimidation, avant que le CLR national ne reprenne la main et annonce que le colloque se tiendrait bien, courant 2023, mais… à Paris.

En effet, il ne faut pas trop compter sur le soutien de la Mairie (socialiste) de Nantes, qui s’est empressée de préciser qu’elle n’était ni partenaire ni associée à cette conférence… À la fois désolant et cocasse, quand on sait que le même jour, à Metz, les têtes de cul-bénit du collectif Lorraine catholique obtenaient, elles, à force de vociférations et d’appels à la « prière de réparation », l’annulation du concert du chanteur LGBT Bilal Hassani, au prétexte qu’il se tenait dans une ancienne église – désacralisée depuis cinq cents ans… Visiblement effrayé par ces hystériques hurlant à la « profanation » et à la « pornographie », l’organisateur a annulé le spectacle. Un partout, mais c’est l’obscurantisme qui gagne.

Voilà où nous en sommes. Deux idéologies, en théorie opposées, mais unies dans une même vision puritaine et rédemptrice du monde, et d’accord sur les moyens – violents et antidémocratiques – pour l’imposer. Pris en tenailles entre une extrême droite revigorée et des « progressistes » sûrs de leur croisade morale, la liberté d’expression, la liberté artistique, le droit à la caricature et au blasphème, le droit au débat se voient chassés des universités et des lieux culturels, et trop souvent abandonnés par des institutions pétochardes. Pour résister à ce racket mafieux et totalitaire, quelques démocrates résolus, mais perdus dans un océan de relativisme et de lâchetés ou compromissions diverses. Bienvenue dans un monde sans vagues."



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