Edito du président

Les signes envoyés par le pouvoir politique sont contradictoires

par Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République. 20 février 2018

Le mois de janvier 2018 a été marqué par la commémoration des attentats islamistes qui ont endeuillé la France en janvier 2015, en tuant des dessinateurs de presse, des policiers défendant la liberté d’expression ou assurant la sécurité publique, des juifs coupables d’exister…

La journée du 6 janvier « Toujours Charlie ! De la mémoire au combat », coorganisée par le Comité Laïcité République, la Licra et le Printemps républicain avec le soutien de Charlie, a démontré le dynamisme et la force de la laïcité dans notre société, réunissant sur toute la journée près de 2 000 personnes, qui ont accepté de payer un billet d’entrée pour soutenir l’évènement. Des entreprises, des associations, des particuliers même, ont eux aussi fait des dons importants pour permettre la réussite de cette manifestation. Le ministère de la Culture l’a soutenue.

Et ce fut une réussite. Penseurs, journalistes, témoins, artistes se sont succédé pour affirmer que chacun à sa manière, était toujours, plus que jamais, Charlie, dans la dignité, en portant haut l’antiracisme et l’unité citoyenne. Toutes les prises de parole de la journée sont d’ailleurs accessibles sur notre site.

Le ministre de l’Éducation nationale a installé en décembre 2017 un Conseil des sages de la Laïcité, groupe restreint parmi lesquels on compte des membres et des amis du CLR. En outre, le ministère tisse rapidement un réseau d’« unités laïcité » dans les académies, démontrant la prise de conscience de l’urgence laïque dans ce creuset de la République qu’est l’école publique.

Ces encouragements à poursuivre notre combat, avec des citoyens qui répondent massivement « oui » à la question de savoir s’ils sont laïques, sont bien nécessaires quand, par ailleurs, les signes envoyés par le pouvoir politique sont contradictoires. Aux actes du ministre de l’Éducation nationale viennent répondre des déclarations au plus haut niveau de l’État fustigeant la « radicalisation des laïques », devant les représentants des cultes décrits comme des « autorités religieuses ». Des phrases lâchées ici ou là par des membres du gouvernement et des élus de la majorité présidentielle laissent penser que l’esprit concordataire a repris pied dans la République et que la loi de 1905 serait en danger…

Que dire de l’apparition dans le projet de "Loi Société de confiance" de cavaliers législatifs destinés à faciliter le financement des cultes (heureusement rejeté par la représentation nationale) et à abaisser le niveau de contrôle des lobbies religieux et particulièrement catholiques [1], alors que toutes les associations laïques sont soumises à la surveillance très étroite de leurs relations avec les services de l’État ?

Pendant ce temps encore, les pratiques agressives des organisations islamistes, en particulier ce « djihad des tribunaux » tentant de faire taire les militants laïques en les accablant de procès injustifiés pour les ruiner, continuent. On peut regretter de voir le Parquet poursuivre les laïques sur des bases bien légères et craindre une instrumentalisation de la justice par le CCIF et d’autres organisations. Ainsi Mohamed Louizi, ancien Frère musulman revenu de ses errements, qui ne cesse de dénoncer avec rigueur et précision l’entreprise antirépublicaine et antilaïque de ses anciens amis, vient-il d’être traîné en justice par ceux-ci pour la sixième fois en trois ans. Ses ennemis se moquent d’avoir été déboutés à chaque jugement. Ils le persécutent. Ce militant courageux en est aujourd’hui réduit à entamer une grève de la faim pour faire entendre sa voix et son combat [2].

On voit aussi l’Eglise catholique demander désormais avec véhémence la fin de la répartition implicite des postes d’enseignants, décidée par les accords Lang-Cloupet de 1992, à 80 % pour l’école publique et 20 % pour l’école privée, alors que cette dernière ne reçoit que 17,5% des élèves et n’est pas soumise aux contraintes de service public que la première supporte – et c’est sa fierté…

Non, notre lutte pour l’égalité républicaine, pour la défense et le progrès de la laïcité n’est pas achevée et ne s’achèvera jamais. Mais la mobilisation des laïques depuis 2015 démontre que le temps de l’érosion silencieuse de nos principes est, lui, bien fini.

La citoyenneté et l’émancipation sont des combats que nous ne gagnerons que si nous les menons.

Jean-Pierre Sakoun,
président du Comité Laïcité République
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