Culture / Cinéma

Le Traître : Aussi un film social (G. Durand)

par Gérard Durand. 26 novembre 2019

[Les échos "Culture (Lire, entendre & voir)" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Le Traître, de Marco Bellocchio (2h 31 min), avec Pierfrancesco Favino, Maria Fernanda Cândido, Fabrizio Ferracane. Sorti le 30 octobre 2019.

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Le Traître est un thriller italien de Marco Bellocchio qui raconte l’histoire du premier des repentis de la mafia sicilienne (appelée également Cosa Nostra ou la Pieuvre) il suit en parallèle le destin de Tommaso Buscetta et celui de la mafia sicilienne de 1984 au début des années 2000.

Il procède à l’analyse historique du phénomène Cosa Nostra à la fin des années 1970. Des années d’affrontements et de vendettas liées à l’explosion du trafic d’héroïne passé aux mains de cette pieuvre. Le film nous montre l’explosion de la violence à l’instigation des familles du village sicilien de Corleone qui mettront des contrats sur les membres de familles napolitaines et sans hésiter sur familles. Passer du trafic de cigarettes au trafic d’héroïne, beaucoup plus juteux entraine une explosion des gains qui rendra le principal patron, le Capo di Capo, toto Riina fou furieux.

Tomaso Buscetta est un lieutenant mafieux à l’ancienne qui n’a jamais voulu jouer les premiers rôles dans l’organisation criminelle, trop attaché à sa liberté, notamment sa passion pour les femmes (il s’est marié trois fois et a eu 6 enfants). Il fonctionne sur le code d’honneur de la mafia et déplore la violence des règlements de compte de l’organisation. Parti au Brésil avec sa troisième femme. Ce n’est qu’après avoir appris l’assassinat de ses deux fils sur ordre de toto Riina qu’il rencontrera le juge Falcone et collaborera avec lui.

Une étrange relation va s’instituer entre les deux hommes, Buschetta refusera le statut d’informateur car il estime que les informations qu’il fournit n’ont rien d’une trahison mais ne sont dues qu’aux dérapages de l’organisation par rapport à ses fondamentaux. Au cours du procès il apprendra que ses amis d’hier sont les assassins de ses fils. Les scènes du procès qui a lieu dans un tribunal bunkerisé donnent lieu à un festival de trahisons, chacun cherchant à sauver sa peau. C’est du Grand guignol qui n’empêchera pas la distribution d’une impressionnante série de très lourdes peines.

Le Traitre est un titre provocateur pour un personnage dont les révélations ont fortement contribué à l’affaiblissement de la mafia. Les scènes sont remarquablement filmées y compris celle, saisissante de l’assassinat du juge Falcone. Après avoir parlé, Buschetta vivra, jusqu’à a fin de ses jours sous protection policière aux Etats Unis avec sa famille. Mais le programme de protection des témoins ne supprime pas l’inquiétude et les déplacements fréquents de lieu de vie ne peuvent pas supprimer une angoisse permanente, Buschetta est l’un des rares à finir sa vie de mort naturelle dans son lit.

Ce film est aussi un film social car pour de nombreux siciliens la mafia offre du travail à beaucoup de jeunes désœuvrés et peu regardants sur ce qu’on leur demandait. Ils seront nombreux à ne pas pardonner à Buschetta d’avoir brisé la loi du silence.

Enfin il convient de remarquer la remarquable interprétation du principal acteur Pierfrancesco Favino que l’on avait pu apprécier dans Romanzo Criminale.

A voir sans hésiter.

Gérard Durand


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