Comité Laïcité République Lorraine

“La laïcité et la loi de 1905” (Metz et Nancy, 25 et 26 nov. 05) : intervention de Samia Labidi (A.I.M.E.)

2005

« La séparation, c’est le rassemblement »

« La Majorité silencieuse cherche à s’exprimer, donnons-lui la parole »

Je m’appelle Samia Labidi et je fais partie de ce que l’on appelle « la génération Bourguiba », le libérateur de la femme. J’ai connu l’islam traditionnel sunnite jusqu’à l’âge de 10 ans avant que ma famille, comme des milliers d’autres familles de part le monde arabo-musulman, ne découvre l’islam politique. C’est vers le milieu des années 70 que le mouvement à tendance islamique (MTI), plus connu sous le nom de El Nahdha (la renaissance), a commencé à prendre forme en Tunisie.

L’un des membres fondateurs de ce mouvement n’est autre que mon beau-frère, qui, en épousant l’une de mes sœurs, a provoqué une sorte de mini-révolution islamiste dans ma famille. Du jour au lendemain, on assiste à un changement de régime en passant de l’islam traditionnel à l’islam politique sans que le mot soit prononcé clairement. On parlait de retour aux sources et au vrai islam afin de retrouver notre identité et notre force d’antan face à un Occident libertin, immoral et surtout ennemi de l’islam et des musulmans.

Je porte le voile à l’âge de 11 ans sous la pression psychologique qui s’est instaurée dans ma famille. Il y avait le camp des vrais musulmans, détenteurs de la vérité absolue et du salut de l’humanité, et celui des faux musulmans, lesquels étaient censés être les partisans de l’Occident. L’idée de Dieu m’intéressait et m’incitait à suivre et à m’appliquer tant bien que mal à la recherche de la vérité.

Seulement, au fil des années je me rendais compte que Dieu n’était qu’un outil dont on se servait afin d’atteindre des fins purement politiques, le tout n’était qu’une conquête du pouvoir. Il fallait absolument destituer Bourguiba afin d’instaurer un régime islamiste en Tunisie. Si la stratégie islamiste a choisi la Tunisie en premier, c’est parce que ce pays, en raison de l’état de santé de Bourguiba (que les islamistes appellent « le despote d’Afrique) représentait à l’époque le régime le plus fragile. L’Algérie et le Maroc étaient les suivants sur la liste.

Mon expérience, en tant qu’ex-islamiste, m’a permis de réaliser l’ampleur de la supercherie qui s’exerce au nom d’un Dieu. A l’âge de 18 ans, j’ai décidé d’enlever, brusquement, le voile et de mettre fin à toute emprise dogmatique sur mon esprit et mes comportements. Le port du voile, censé représenter à l’époque un geste féministe destiné à contrer le modèle occidental de la femme-objet sexuel, n’est en fait qu’un piège puisque, progressivement, on réalise l’engrenage dans lequel on se trouve et, partant, que seule une profonde remise en cause peut nous en libérer.

A l’âge de 18 ans, j’ai également décidé de venir en France rejoindre ma mère dont le divorce avait été la conséquence directe de l’infiltration islamiste qui s’était produite dans notre famille. Je pensais cependant avoir tourné la page du fondamentalisme musulman et pouvoir recommencer une nouvelle vie, une vie agnostique de libre penseur ; hélas ! alors que j’atteignais mes 28 ans, mon frère Karim se confia à moi et me fit la dépositaire de son expérience personnelle dans les réseaux islamistes où il avait été embrigadé. A la lecture de son témoignage, tout remonta à la surface et je découvris dans toute son horreur cette stratégie islamiste que je n’avais fait que pressentir 10 ans plus tôt. Lorsque j’avais quitté la Tunisie en 1982, je n’aurai jamais cru que, quinze-vingt ans plus tard, j’allais me retrouver confrontée au même combat, mais cette fois-ci au cœur de l’Occident et en France, qui plus est. Pas plus que, en enlevant mon voile lorsque j’atteignais 18 ans, je n’aurais jamais cru possible que j’allais affronter ce phénomène, typiquement politique, au sein de la république laïque française.

C’est là que j’ai décidé de m’engager dans la lutte contre cette montée frénétique de l’intégrisme et du terrorisme islamistes ; pour ce faire, j’ai tout d’abord mis ma plume au service de mon frère afin qu’il fût à même de dénoncer l’horreur qui ne faisait que commencer. Son témoignage parut en septembre 97 chez Flammarion, sous le titre : « Karim, mon frère, ex-intégriste et terroriste ». Depuis, j’ai décidé de créer l’association « d’Ailleurs ou d’Ici Mais Ensemble » (AIME) afin de sensibiliser les jeunes issus de la communauté arabo-musulmane du danger islamiste et afin de promouvoir, notamment parmi eux, les valeurs républicaines et laïques qui, elles, prennent en compte l’ensemble des composantes de la société.

Depuis plus de 8 ans, je n’ai cessé de tirer la sonnette d’alarme au sujet de l’islamisme en France, pays où il a réussi à obtenir de l’Occident, son ennemi juré, ce qui lui a été refusé dans ses pays d’origine qui le traquent à juste titre. Depuis les années 80, les statuts de réfugiés politiques accordés à des islamistes notoires ne se comptent plus. Si je prends l’exemple de mon beau-frère, assigné à résidence depuis 93 mais aux frais de l’Etat français, ce monsieur n’a jamais été autant actif que depuis qu’il a obtenu un statut qui, par la protection qu’il lui donne, lui permet de poursuivre ses activités d’intégriste politique en toute impunité.

Dommage que la France n’ait pas réagi plus tôt à ce phénomène dangereux et source de ravages pour l’ensemble de l’humanité. Dommage aussi que ses gouvernants aient tant sous-estimé et négligé une communauté si différente et qui, sur le fond, a pourtant tant de points communs avec la société française. On ne peut dissocier la communauté arabo-musulmane d’Occident de ses pays d’origine. Or, ce qui se passe en France, au sein de cette communauté, a des répercussions immédiates de l’autre côté de la Méditerranée.

Cette communauté est loin d’être homogène. Sa majorité silencieuse, dont on parle peu, constitue cependant la solution la plus efficace pour lutter contre ce fléau qui la discrédite au premier chef. Les difficultés, bien sûr, nous les rencontrons à tout bout de champ mais cela ne nous empêche pas de travailler depuis plusieurs années sans d’autre aide que celles de bénévoles dévoués. Notre seul outil, c’est Internet, nous nous y exprimons uniquement via notre site www.assoaime.net où nous publions un magazine électronique intitulé « Electrochoc » et qui compte aujourd’hui près de 3000 abonnées dans près de 70 pays différents.

Mais les laïques issus de culture arabo-musulmane sont bien plus nombreux qu’on ne le pense et tous n’aspirent qu’à une seule chose : la séparation de la religion et de l’Etat qui seule permettra de rassembler l’ensemble des citoyens sous ces éternelles valeurs républicaines que sont la liberté, l’égalité et la fraternité. Croyants, athées ou agnostiques, TOUS doivent être traités à égalité au nom de la liberté de conscience et d’expression qui, malheureusement et de plus en plus, s’exerce pour l’instant en faveurs des seuls croyants et dans le parfait mépris de tous ces autres qui, bien qu’appartenant à la même société, refusent pour une raison ou pour une autre de partager les croyances du tout-venant.

Les valeurs de la tolérance, de la fraternité et de la liberté sont universelles et s’appliquent à l’ensemble de la vaste famille humaine, sans distinction. Comme nous vivons dans un monde de plus en plus petit, le moindre fait survenant de l’autre côté de la Méditerranée implique tout de suite des répercussions parmi les Européens originaires d’Afrique du Nord. Nous ne pouvons dissocier les uns des autres.

Or, si l’on se réfère à l’image réductrice que, de peur de se voir taxés d’islamophobie, les médias et la presse cherchent à donner de ces français de culture arabo-musulmane, le résultat ne peut qu’être regrettable. Si le fait de se permettre de critiquer l’islam ou celui de donner la parole aux athées issus de cette origine est à craindre de nos jours dans un pays comme la France, c’est que le pire est encore devant nous. Hélas ! nous respectons encore infiniment plus les religions que l’être humain et, par là même, l’humanitaire.

Mes motivations dans ce combat sont claires : tant qu’on n’aura pas séparé la religion du politique et le temporel du spirituel, on courra tout droit à la catastrophe. Le progrès ne peut s’obtenir, dans le respect de la différence de chacun, que dans un cadre laïc. Bien que minimes, les succès obtenus sont loin de décourager l’équipe de jeunes bénévoles qui travaillent avec moi depuis des années. Afin de réunir les différentes formations laïques issues de cette tranche d’immigration et mettre en place une coalition contre l’islam politique, nous avons tout de même réussi à organiser un colloque « Islam contre islam. »

Parce que, pour les intégristes, la liberté d’expression s’exerce à sens unique, notre tentative nous a coûté le piratage de l’intégralité de notre site - piratage qui fut réalisé à la veille de ce colloque - et une compagne de discréditation sur oumma.com (le site phare de Tariq Ramadan). Au reste, les difficultés se présentent à nous à tous les niveaux, tout à fait comme si on ne voulait pas que la communauté arabo-musulmane, comme n’importe quelle autre communauté de part le monde, accède elle aussi au progrès garanti par la Laïcité. Aussi, gardons à l’esprit que la lutte contre l’intégrisme et le terrorisme islamistes ne pourra se concrétiser que si elle émane de l’intérieur même de cette communauté : oui, la solution est interne parce que, par la force des choses, nous sommes les mieux placés pour cerner le phénomène en profondeur.

L’AIME est membre fondateur du site www.icapi.org , lequel vise à former une coalition internationale contre l’islam politique. Un nouveau site, celui du Mouvement des indépendants laïques (le MIL) vient d’être lancé afin de travailler, cette fois-ci politiquement, à faire reculer l’emprise religieuse prise par les intégristes sur les jeunes Arabo-musulmans par le biais de propositions d’alternatives laïques et, en tant que telles, plus respectueuses du droit à la différence. Je vous invite à visiter ce site www.m-i-l.org et à encourager cette initiative afin que la lumière l’emporte sur l’obscurantisme. Ce Mouvement comportera bien sûr des Musulmans réformistes oeuvrant pour un authentique Islam de France respectueux, entre autres, de la loi sur la parité et de celle qui interdit le port des signes ostentatoires religieux. Mais elle comprendra aussi des athées, des agnostiques, des déistes et j’en passe. Ce sont la richesse et la diversité de cette communauté enfin unifiée qui, seules, se révéleront capables de repousser l’Islam politique et de proposer une alternative moderne et démocratique à cette doctrine qui, en se targuant du nom de Dieu, cherche à nous ramener tous au Moyen-Age.

Depuis le colloque « Islam contre Islam », que l’AIME a organisé le 30 octobre 2004, nous n’avons cessé d’être la cible d’attaques émanant de soi-disants adeptes des valeurs républicaines, lesquels s’auto-proclament également défenseurs du droit à la Liberté de conscience. « Quand il fait beau, tout le monde est marin », dit-on, eh oui ! Tant qu’on leur laisse le champ libre pour piétiner les lois de la République au nom du respect de la loi d’Allah, ces gens-là se veulent brillants, tolérants, laïcs et démocrates. Mais si l’on tente, ne serait-ce qu’intellectuellement parlant, de prendre position afin de défendre notre droit à la Liberté d’expression, on se trouve confronté à l’autre facette, infiniment moins aimable, de la même pièce. Et, chose pour le moins surprenante, il suffit que les laïcs d’origine arabo-musulmane cherchent à former une coalition destinée à contrer l’Islam politique pour que ce dernier se sente déstabilisé et perde son sang-froid.

Bref, il suffit de gratter un peu le vernis, en proposant juste un petit colloque sur le droit à la Laïcité des peuples arabo-musulmans pour que la véritable nature, à la fois intégriste et fanatique, de l’Islam politique se dresse derrière le masque souriant de la tolérance. Le double discours et la double moralité s’affichent à tous les niveaux. Mais la campagne qui est en train de se monter à l’encontre des vrais républicains laïcs issus justement de la communauté arabo-musulmane ne fera bien au contraire que renforcer davantage leur détermination. C’est qu’ils n’ont plus l’intention de se laisser faire par une poignée d’extrémistes avides de leur confisquer le droit de penser par eux-mêmes en arguant du caractère sacré de la tutelle divine.

Certes, la liberté d’expression dans les pays arabo-musulmans demeure plus ou moins un mythe qui ne sert en tout et pour tout qu’à renforcer l’approche traditionnaliste de l’islam ou à opprimer les minorités existantes. Face à cet état de fait et pour pouvoir s’exprimer librement, l’Islam politique, tout comme son adversaire historique, l’athéisme, plutôt apolitique pour sa part, se sont tous deux appuyés d’une part sur le vaste réseau virtuel qu’est l’Internet et, d’autre part, sur l’Occident, garant historique des valeurs démocratiques. Ce sont les Islamistes qui ont compris les premiers comment utiliser l’un et l’autre au maximum de leurs possibilités respectives afin que leurs propres intérêts s’en trouvent mieux servis. Comme ils n’ont pas obtenu gain de cause dans la plupart des pays d’où partit pourtant leur mouvement, ils se sont installés en masse en Occident. Puis, une fois qu’ils se sont retrouvés solidement implantés en Europe et en Amérique, la nécessité d’acquérir la maîtrise des dernières technologies – à commencer par celle d’Internet - n’a pas tardé à se faire sentir. Et c’est ce qui nous conduit au deuxième point que je souhaitais aborder.

Le nombre des sites web islamistes ne se compte plus à travers le monde. Ces sites leur permettent un travail de qualité s’exerçant à l’échelle internationale et échappant à tout contrôle. Leur indiscutable professionnalisme en matière d’informatique leur fournit aussi les moyens de surveiller et de saboter les sites qui s’opposent à leur doctrine, tel que le nôtre par exemple qui, je le rappelle, s’est vu piraté dans son intégralité à la veille même du colloque « Islam contre Islam ». La toile de l’Internationale islamiste s’étend donc, comme celle du Net, sur l’ensemble de la planète et devient un des moyens les plus redoutables et les plus insaisissables pour organiser et mettre en pratique toutes sortes de manœuvres et d’attentats terroristes sans crainte, pour les maîtres d’œuvre, de se faire localiser à temps.

Mais les moyens utilisés par l’Islam politique pour exprimer au grand jour ses doctrines meurtrières et rétrogrades ne se limitent pas à ce redoutable outil qu’est l’Internet et à ces non moins efficaces réseaux d’influence que constituent les multiples chaînes de télévision dont il dispose. Nous devons compter également avec d’innombrables stations radiophoniques et organes de presse et ne pas oublier les maisons d’édition telle que la célèbre « El tawhid ». Bref, comme on le voit, l’Internationale islamiste n’est guère à plaindre sur le plan de ses capacités d’expression mondiale. Enfin, elle peut évidemment s’appuyer avec succès sur certaines complicités, tant dans le registre étatique que dans le registre privé. Trop de gouvernants et trop de notables ont en effet tendance à accorder le monopole de Dieu à toute religion qui se réclame de Lui pour répandre soi-disant la justice sur la Terre. En revanche, non seulement les moyens de la partie adverse sont dérisoires, mais en plus le peu dont elle dispose est surveillé, voire même saboté, afin que la parole ne soit donnée qu’aux prétendus soldats de Dieu.

Mais revenons en France, puisque c’est là que nous avons choisi de vivre et de mener notre combat contre l’intégrisme et le terrorisme islamistes. Ici, nous nous trouvons confrontés à l’utilisation de la démocratie et des valeurs républicaines laïques dans le but de mieux les exploiter avant de les faire disparaître définitivement. C’est au nom de ces derniers garants de la liberté d’expression et de conscience que l’Islamisme avance à si grand pas en Europe et tout particulièrement en France. C’est en leur nom qu’il ne cesse de réclamer les droits qu’il n’a jamais réussi à obtenir dans les pays où il puise ses racines et qui sont de culture musulmane. Et c’est là que se pose à bon droit la question suivante : jusqu’où peut-on aller au nom de la Liberté de conscience et d’expression ?

Au nom de cette Liberté, doit-on donner la parole à toutes les tendances, fût-ce les plus extrémistes d’entre elles ? Peut-on terroriser intellectuellement et physiquement ceux qui ne partagent pas nos convictions ? Doit-on placer systématiquement le Religieux au-dessus de tout soupçon – surtout dans un pays qui, comme la France, sait par son Histoire combien la Religion peut s’avérer redoutable ? Doit-on le laisser opprimer et mépriser les athées au nom de la prétendue supériorité du sacré sur le profane ? La Liberté doit-elle et ne peut-elle se concevoir que de façon unilatérale ? Le « Oui » accordé à cette Liberté lorsqu’elle se met au service des intérêts despotiques et leur permet de gommer (le droit à) la différence et le « Non » qu’on lui assène quand au contraire elle se retourne contre les despotes et les empêche d’atteindre leur objectif d’une mondialisation islamiste, tout cela n’est rien d’autre qu’un double langage propre aux Tartufe et aux hypocrites de tous temps et de tous pays.

L’Islamisme international a pris l’Occident pour base arrière parce qu’il a compris qu’il peut s’y développer et fleurir en se servant, doucement mais sûrement, des valeurs démocratiques justement défendues par cet Occident avant de les mettre à mort définitivement au nom de Dieu – ou plutôt en s’abritant derrière ce nom. D’abord, les intégristes imposeront le slogan « Les lois de Dieu passent avant celles de la république. » Ensuite, ils y substitueront tout naturellement : « Les Lois de Dieu sont celles de la république. » Le tour sera joué et ils pourront procéder à l’instauration d’un Etat islamiste au cœur de l’Europe, ceci afin de servir au mieux la cause de l’Islam politique qui vise l’empire des « Mille millions de Musulmans, » Un empire qui aura pu s’étendre à toute la planète en partie grâce au laxisme des pays développés et surtout grâce à la manière qu’ils ont de sous-estimer le danger intégriste.

C’est en revendiquant le droit à cette liberté que l’Islamisme de France se profile de jour en jour de plus en plus nettement sous nos regards impuissants. Son but est de parvenir à croître encore en vitalité et en force avec la bénédiction de l’Etat français et en arguant de la nécessité absolue de définir un Islam de France. C’est d’ailleurs toujours en utilisant cette même rengaine – qui est en fait une arme redoutable - que l’on croise désormais le voile islamique dans les écoles laïques, que l’on voit s’exercer dans les piscines de certaines villes le droit à la non mixité, que des femmes ignorantes et qui n’ont jamais connu que la soumission exigent la présence du mari ou du fils aîné lors des consultations médicales et chirurgicales, que des gens qui ont pourtant prêté serment à la République française de ne jamais se livrer au prosélytisme religieux ou politique dans le cadre de leur activité de fonctionnaires déroulent les tapis de prières dans les administrations publiques et que des organisations plus que douteuses défilent en toute liberté dans les rues de Paris pour scander des propos antisémites et antirépublicains.

Alors, je le répète, jusqu’où peut-on revendiquer ce fameux droit à la Liberté d’expression et de conscience ? A quel moment précis les Etats laïcs, républicains et démocratiques devraient-ils déclarer fermement : « Stop ! Assez de dégâts ! » D’autant que ces dégâts se commettent au nom de ces valeurs qui obtinrent droit de cité en France grâce à la révolte de tant d’esprits critiques qui refusèrent jadis la tutelle de toutes les religions et dont beaucoup allèrent jusqu’à donner leur vie pour que cessât l’intolérable immixtion du Religieux dans les affaires politiques de leur pays ?

Hélas ! L’ensemble de l’Europe, voire même de l’Occident, se trouve déjà bien infiltré, et ceci à tous les niveaux, par l’Islam politique. Il faut reconnaître que celui-ci n’a eu qu’à se présenter à la porte grande ouverte de cette Démocratie qui défend le droit si précieux des libertés les plus élémentaires dont doit bénéficier tout citoyen digne de ce nom. Subtile et rusée, cette fraction de l’Islam a su se servir de ces points forts qui sont aussi, parfois, les points faibles d’un Occident pourtant haï afin de mieux le coloniser en silence et le placer un jour brutalement devant le fait accompli. Et le problème ne réside pas dans le fait que l’Islam représente la deuxième religion de France, mais bel et bien dans le fait que l’Islam politique est en train d’exploiter la communauté musulmane tout entière à ses seules fins afin d’étendre son influence et de l’exercer de plus en plus puissamment.

L’Islam politique a d’ailleurs gagné des points non négligeables sur le terrain et dans les esprits en quête et en crise d’identité. Pis, il a réussi à obtenir en France ce que les pays de constitution arabo-musulmane lui ont toujours refusé à juste titre. Le statut de « réfugiés politiques, » attribué à tort ou à raison à des Islamistes notoires, sous prétexte qu’ils sont victimes des dictatures en place dans leur pays d’origine, n’a pas arrangé les choses. Ce n’est pas en réduisant l’intégralité d’une communauté, depuis toujours diversifiée, à une seule et même étiquette religieuse que l’on oeuvrera pour l’intégration véritable, à la fois bien gérée et bien comprise. Quant à renvoyer cette communauté résolument non homogène encore et toujours à l’Islam (tout-à-fait comme si celui-ci ne constituait que l’unique référence valable pour les Arabo-musulmans), il s’agit là d’un mépris et d’une méconnaissance aussi totale qu’inquiétante des composantes progressistes qui forment cependant la majorité de cette communauté.

Parmi toutes les communautés, il n’y a que la communauté arabo-musulmane que l’on rattache automatiquement à une religion, l’Islam. Point final et on n’en parle plus. Mais pourquoi les membres de cette communauté n’auraient-ils pas le droit, eux aussi, d’être athées, agnostiques, croyants réformistes ou même bouddhistes, juifs ou chrétiens ? Pourquoi ?

C’est au nom de la Liberté de conscience et d’expression qu’il nous faut nuancer et prendre en compte l’ensemble des composantes de cette communauté. Nous ne devons plus accepter que les projecteurs de la République soient toujours braqués sur une poignée d’obscurantistes et d’imposteurs qui, avec la complicité de l’Etat, ne cherchent qu’à aggraver une situation déjà critique, voire explosive. Non, l’intégration tant recherchée ne passera pas par le C.F.C.M. (Conseil Français du Culte Musulman) où les nébuleuses islamistes qui y ont obtenu la majorité par le truquage et le mensonge exercent leur droit à la Liberté d’expression en bâillonnant les voix laïques. Ces dernières risquent trop en effet de s’opposer à ce nouveau statut, légitimé par le gouvernement, qui devrait permettre à l’Internationale islamiste de commettre encore plus de ravages avec, il faut bien le dire, l’insouciante bénédiction de la République française.

(Au milieu de tous ces amalgames provoqués par la très mauvaise connaissance des français, d’origine arabo-musulmane, et de leur culture.) C’est pourquoi la majorité silencieuse tente, vaille que vaille, de se frayer un chemin afin de se faire entendre et de proposer des solutions réellement laïques qui permettront d’assainir l’image négative que certains cherchent à donner d’elle par ignorance, d’autres par haine ou intérêt. Les « sans voix » que nous sommes cherchent à s’unir en une force plus représentative de la diversité de notre communauté face à un C.F.C.M. qui ne représente que lui-même - et encore quand il parvient à régler ses conflits internes pour se mettre enfin au service de l’intérêt général de ses propres factions.

Je ne vois vraiment aucune raison pour que le droit inaliénable à la Liberté d’expression et à la Liberté de conscience ne s’exerce que dans un seul sens, celui qui fait la part belle aux fanatiques religieux et politiques, sans que nul ne se soucie des conséquences que leurs entreprises criminelles commencent à avoir pour le monde entier. La majorité silencieuse de la population d’origine arabo-musulmane est de plus en plus désireuse d’exprimer son point de vue sur l’islam, et de manifester sa prise de distance avec l’image négative reflétée dans les médias et les esprits au sujet de cette communauté.

Présente et active dans de nombreux domaines, elle reste cependant inaperçue et non-représentée, parce qu’elle se veut discrète et intégrée. Elle représente pourtant la solution idéale pour freiner la montée de l’intégrisme islamiste qui fait le terreau du terrorisme. Sa connaissance parfaite des structures imbriquées de ces mentalités permettrait de les dévoiler et de les contrer. Elle incarne l’avenir et la stabilisation du monde arabo-musulman des deux côtés de la Méditerranée.

L’A.I.M.E. tente depuis près de huit ans de solidariser cette population qui représente une réelle majorité, afin de la faire pleinement s’exprimer. Pourquoi « islam contre islam » si l’on est essentiellement laïque voire même athée ? Parce que bien qu’issus de la culture arabo-musulmane, nous sommes rigoureusement opposés aux approches intégristes et obscurantistes de l’islam. Nous avons subi les mêmes influences dogmatiques et culturelles mais nos chemins se sont rigoureusement éloignés. Nous sommes aux deux extrémités : l’Enfer contre la Liberté.

Pourquoi nous sommes-nous libérés du carcan de cette emprise religieuse ? Comment avons-nous appris à développer notre esprit critique, à nous distancier du prêt-à-penser ? Pourquoi n’admettons-nous plus la tutelle dogmatique qui inhibe l’être humain depuis des milliers d’années ? Pourquoi osons-nous critiquer l’islam de manière argumentée ? Les questions ne manquent pas pour avoir le droit d’exister et de se responsabiliser.

Le colloque « Islam contre Islam » a pour but de poser les fondations de notre réflexion devant l’ensemble de la société, en donnant à notre majorité prometteuse le visage de sa réalité. Il découle des mots et des idées que nous avons faits nôtres : Liberté, Egalité, Fraternité.

L’A.I.M.E. s’est donné pour mission de tenter de réunir sous une seule bannière les laïcs et esprits libres d’origine arabo-musulmane afin de provoquer et d’animer une autocritique constructive sur l’islam et ses fondements. Nous désirons émettre des propositions pour aider à délivrer cette communauté du marasme intellectuel et culturel dans lequel elle se débat et s’enfonce, avec toutes les conséquences qu’a et qu’aura ce naufrage sur l’ensemble de l’humanité. Notre connaissance approfondie de l’islam favorise aussi notre lutte contre l’intégrisme et le terrorisme islamistes, ces fléaux qui rongent le monde chaque jour davantage.

Aujourd’hui, c’est donc toute une famille qui décide, en pleine connaissance de cause, de combattre ce mal. Tous les miens se tiennent à mes côtés afin que, au nom du droit et du respect de toutes et de tous à et envers la différence culturelle, ce qui nous est arrivé cesse de se répéter en toute impunité. Nous crions tous : « Non au despotisme religieux , oui à la séparation du religieux de l’Etat ! » Pour, selon une formule célèbre, rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César, ce qui est à César…


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