Revue de presse

« La haute administration, le véritable parti présidentiel » (Le Monde, 22 fév. 18)

par un collectif de hauts fonctionnaires. 22 février 2018

"La démocratie est remplacée par la technocratie."

"La désignation récente des nouveaux porte-parole du parti présidentiel a conduit à braquer de nouveau les projecteurs médiatiques sur LRM. Ce parti occupe pourtant une place plus que marginale dans le jeu politique actuel. Comme tous les partis soutenant une majorité au pouvoir, il peine à trouver sa place vis-à-vis du gouvernement. Mais plus que ses prédécesseurs UMP et PS, il est en outre dépossédé des deux fonctions traditionnellement dévolues à un parti politique : la sélection du personnel politique et l’élaboration du programme et des propositions.

Ces rôles sont en effet aujourd’hui principalement assurés directement par la haute administration de l’Etat, constituant ainsi une des caractéristiques majeures du macronisme : une confusion profonde, à la fois idéologique et sociologique, entre une partie de cette haute administration et ses idées d’une part, et le gouvernement et la politique qu’il mène d’autre part.

Dès la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, la porosité entre cette « haute » administration et l’équipe de campagne a été très nette. Ce sont essentiellement ceux que le sociologue Pierre Bourdieu appelait, dans un entretien au Monde en 1992, « la main droite de l’Etat », soit les « énarques du ministère des finances, des banques publiques ou privées et des cabinets ministériels » qui ont élaboré les propositions du candidat à la présidence de la République. Exemple marquant, mais loin d’être unique, le responsable du programme et des idées de l’équipe de campagne de M. Macron, nommé en janvier 2017, n’était autre que Jean Pisani-Ferry, précédemment commissaire général à la stratégie et à la prospective auprès du premier ministre.

Dès la constitution du premier gouvernement de la nouvelle mandature, ce rôle de fournisseur du personnel politique de l’administration est apparu de manière flagrante, et ce jusqu’au niveau ministériel. Parmi les quatorze ministres ou secrétaires d’Etat qui pourraient être considérés comme venant de la "société civile", la plupart d’entre eux avaient auparavant exercé de très hautes responsabilités administratives, le plus souvent de direction d’administration centrale. [...]

Le second rôle traditionnel des partis, l’élaboration du programme et des idées, est aujourd’hui aussi assuré de manière exacerbée par l’administration [...]. Ce rôle inédit de l’administration a trouvé son paroxysme dans le recours aux ordonnances pour la libéralisation du marché du travail (élément-clé du programme de M. Macron), les modalités de cette réforme et leur négociation ont été confiées en intégralité aux fonctionnaires. [...]

La nouveauté réside dans une communion totale entre l’idéologie du gouvernement actuel et celles des administrations dominantes dans le jeu interministériel - en premier lieu les ministères de l’Economie et de l’Intérieur. [...]

Tout se passe aujourd’hui comme si les administrations dominantes, empêchées de mettre en place ces "réformes nécessaires" pendant trop longtemps, avaient finalement les coudées franches pour "enfin" réformer le pays sans avoir à composer avec des exigences partisanes. [...]"

Lire "Macronisme : « La haute administration, le véritable parti présidentiel »".




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